(CRP/Syfia) A Mbouono (8e arrondissement de Brazzaville), des femmes de tous âges alternent maraîchage et casse de pierres, selon la saison, cumulant parfois les deux activités à plein temps...
"Je travaille à la carrière pendant la saison sèche. Je me tourne vers le maraîchage en saison des pluies. Je gagne 20 à 30 000 Fcfa (30 à 45 €) par mois. Mais, certains mois, la récolte n’est pas bonne", résume Bernadette Nkengué qui, visiblement extenuée, s’acharne sur la pierre, malgré sa soixantaine d’âge. Blessée à un doigt, accident fréquent à la carrière de Mbouono (8e arrondissement de Brazzaville) selon l'intéressée, cette courageuse veuve continue à travailler malgré la douleur. "J'ai un loyer à payer. Je dois manger, me soigner et économiser pour faire fasse aux éventuelles problèmes", explique Mâ Nkengué (maman Nkengué), qui a par ailleurs deux petits-enfants sous son toit.
A quelque pas de Bernadette, une autre femme, la cinquantaine révolue, frappe la pierre, tout en bavardant avec ses filles dans la vingtaine : "J'ai sept bouches à nourrir. Donc, je n’ai pas d’heure de travail. Je m’arrête quand je n’en peux plus. Dieu seul sait combien ce travail est pénible ! En saison des pluies, je me tourne vers le maraîchage sans pour autant abandonner la casse des pierres. C’est difficile comme rythme, mais si je ne le fais pas, comment pourrais-je prendre soin de ma famille ?"
Cumuler deux activités est rarement un choix... "Du jour au lendemain, je me suis retrouvée sans mari, sans travail et avec trois bouches à nourrir. Je devais trouver quelque chose pour ne pas être une proie pour la prostitution, se souvient Gracia Kisouboulou, divorcée. Elle poursuit, en soupirant : Je ne peux pas compter sur mon ex. Il vit au village et ne me donne que de temps en temps de l'argent. Je complète les 20 000 Fcfa que je gagne toutes les trois semaines environ à la carrière, en vendant les légumes ou condiments de mes sillons." Le maraîchage n'est pour elle qu'une activité annexe, à peine suffisante pour faire de petits achats au marché (allumettes, sel, pétrole, etc.).
Précieuse indépendance
Mère d’une trentaine d’années, Gracia ne veut pas être une charge pour ses parents à la retraite. Elle a compris que sa survie dépendait de l'intensité de son travail : "Je ne me repose pratiquement pas. Le matin entre 8h30 et 14h, je suis à la carrière. Ensuite, j’ai juste le temps de manger et d'aller à l’église. En saison des pluies, quand je fais du maraîchage, c’est plus relaxe. En général, je termine avant midi. Je travaille sans trop de pression."
Une quête d'indépendance partagée par des plus jeunes. Ornélie et Djoline, deux sœurs de 17 et 18 ans, travaillent à temps partiel à la carrière, le weekend et à l'approche des fêtes de fin d’année, pour s’acheter quelques cadeaux. "Ce n’est pas tout le temps agréable de venir travailler ici, car cela exige beaucoup d’efforts physiques. De plus, notre labeur n’est pas toujours payé à sa juste valeur", déplore Ornélie, 17 ans et élève de seconde G2 (option comptabilité). Djoline, 18 ans, (élève en 3e), travaille elle aussi périodiquement à la carrière pour "avoir en permanence de l’argent de poche et m'acheter des habits et des produits de beauté. Une fierté à ses yeux : J'ai appris à être indépendante très tôt grâce à ma mère. Quand je vois certaines de mes amies qui, pour acheter une carte de recharge téléphone, sont obligées de recourir à leurs petits amis, je me dis que j’ai beaucoup de chance... Ma mère est une femme forte ! Elle casse les pierres et fait en même temps le maraîchage. Je l’aide certains week-end, car c’est avec ce travail qu’elle nous nourrit. La fille de la boulangère ou de la coiffeuse en ferait autant !"
Mili Mildred Moukenga, fondatrice de l’association Femme Modèle et organisatrice des Women Activity Awards, récompense chaque année une dizaine de ces femmes entreprenantes (coiffeuses, cultivatrices de manioc, gérante d'entreprise, etc.), en leur apportant un financement ou une formation. Une façon pour Mili d'encourager ces battantes du quotidien, elle qui formule le vœu de "voir la femme congolaise participer pleinement au développement de notre pays."
Annette Kouamba Matondo
Janvier 2016