(CRP/Syfia) Dans le département des Plateaux, propriétaires terriens et agriculteurs collaborent difficilement. Résultat : tout se fait encore à la main, avec des coûts élevés et des rendements très faibles.
« Je ne peux pas travailler avec les tracteurs, car nous sommes plusieurs propriétaires terriens réunis. Si je le fais, les autres ne seront pas d'accord. Ils jetteront un mauvais sort à mes cultures et je n'aurais pas un bon rendement », estime Jean Marie Mpolo. Le président de l’association agricole Ewa-issi de Mbali se dit impuissant face à cette coûteuse situation : « J’ai payé 400 000 Fcfa (plus de 600 €) de main d’œuvre pour défricher et labourer 2 hectares. Le travail se fera manuellement jusqu'à ce que nous nous soyons concertés avec les autres propriétaires. Seul je ne peux pas décider.»
Dans le département des Plateaux, dans les districts de Djambala et Lékana, la plupart des propriétaires terriens refusent l'utilisation des machines à grande échelle, de peur que leurs espaces cultivables s'épuisent au bout de quelques années. « Si aujourd'hui 50 personnes travaillent au tracteur, il n'y aura ensuite plus d'étendues à cultiver ! », redoute Prosper Adzouono, chef de quartier de Mfoa et propriétaire terrien.
Autre motif de refus : la jalousie. Ceux qui possèdent les terres estiment que le travail à la machine rapporte plus d'argent aux agriculteurs qu’à eux-mêmes, qui reçoivent 10 000 à 20 000 Fcfa (15 à 30 €) de frais de location par hectare. « Nous ne pouvons pas concevoir que des personnes travaillent avec des tracteurs sans une entente préalable. Il faut collaborer, en apportant en plus des frais de location, la kola et le vin de palme. Si ces conditions sont réunies, lorsque vous travaillerez, la production sera bonne », promet Jean Pierre Mountali, chef du quartier Ngambao à Djambala.
Incontournables tracteurs
Le manque de collaboration entre agriculteurs et propriétaires terriens pour l'acquisition des terres freine également le développement agricole. « Pour accéder aux terres cultivables, il faut, là aussi, collaborer avec les propriétaires terriens. Autrement, tu ne pourras rien récolter. Ces derniers ont le pouvoir de maudire les cultures. Du coup, nous leur donnons 20 000 Fcfa par hectare, accompagnés de rituels de bénédiction pour que la production soit bonne. Ensuite seulement, ils nous louent leurs terrains », souligne le président du groupement Mères et filles de Kialé, Ayoulou Essous Galem. Le président du groupement Jeunesse entente de Ndziégué, Parfait Ntsiba, affirme avoir vécu ce genre de mésaventure : « Un ancien propriétaire avait vendu les 100 hectares de terrains que nous cultivions à Lékana pour les pommes de terre, à une ONG américaine. Lorsqu'il fut informé de l'affaire, un second propriétaire terrien a maudit les terres. Cette ONG a dû les abandonner... »
Mais payer n’est pas une garantie absolue pour éviter les problèmes… « J'ai fait labourer huit hectares de terres. Au moment de payer les droits, plusieurs propriétaires sont apparus et ont revendiqué chacun ces frais… Si je donne à toutes ces personnes, ce sera un manque à gagner pour le groupement ! », déplore la présidente de Jeunesse Onari d'Abala Ndolo, Joëlle Martine Gabio.
La directrice départementale de l'Intégration de la femme au développement, Germaine Inko, appelle à une organisation plus rigoureuse : « Les agriculteurs eux-mêmes doivent comprendre que la mécanisation est désormais une nécessité. C'est avec cet argument que nous convaincrons les propriétaires fonciers. Par exemple, pour défricher et labourer 2 hectares de terrain à la main, il faut dépenser 400 000 Fcfa (plus de 600 €), alors que labourer la même surface au tracteur coûte deux fois moins cher. En plus la production ne sera pas la même ! »
Flore Michèle Makoumbou
Janvier 2016