(CRP/Syfia) Se nourrir, avoir un toit, aller à l'école... A Pointe-Noire, Rosa Massoudi, jouit aujourd’hui de ses droits grâce à l'aide d'une ONG et à sa persévérance. Mais, cette adolescente de 17 ans aura d'abord connu de douloureuses épreuves. Désormais, elle veut étudier et défendre les droits des enfants défavorisés.
"Je suis fâchée contre vous tous : les parents et l’État congolais !" Ce coup de gueule est celui de Rosa Massoudi, 17 ans, une Angolaise originaire de l'enclave du Cabinda (environ 60 km au sud de Pointe-Noire). C'était fin 2015, lors de la célébration de la Journée mondiale de l’enfance à Pointe-Noire, par la direction départementale des Droits humains et le Réseau des intervenants pour la protection des enfants en rupture (Reiper).
Si la colère de Rosa a été jugée "saine" par Marcel Poaty, conseiller socioculturel du maire central de Pointe-Noire, c’est sans doute en raison de la situation que vivent les enfants comme elle dans la capitale économique du Congo. Bon nombre de jeunes orphelins, malades chroniques ou handicapés, faute de moyens des parents ou des tuteurs, ne bénéficient pas en effet de leurs droits, même les plus élémentaires (enregistrement à la naissance, alimentation, eau potable, santé, éducation, etc.) comme le garantit en principe l’article 13 de la loi n°4 du 14 juin 2010 portant protection de l’enfant en République du Congo.
Ces jeunes se retrouvent alors à la rue. Certains tombent dans la délinquance. "Une fille qui ne va pas à l’école, n’est pas nourrie et est privée de loisirs, est exposée à la prostitution. Il arrive aussi qu’une famille ayant fait semblant de l’adopter, l’utilise pour les corvées quotidiennes de la maison. Cela devient parfois grave pour sa vie !", alerte Rosa.
Orpheline dans la rue à 6 ans
Rosa Massoudi sait de quoi elle parle. En 2005, elle perd sa mère. Elle n’a alors que 6 ans. N’ayant jamais connu son père et ne connaissant aucun membre de sa famille maternelle, Rosa, se joint à des filles plus âgées qu’elle. Ces dernières deviennent en quelque sorte ses 'tutrices' informelles : "Je me promenais avec elles partout dans les rues du Cabinda." A l'époque, Rosa ne faisait aucune corvée en échange de cette protection, mais elle n'allait pas à l'école.
En 2008, lors d’un séjour avec ses 'tutrices', Rosa s’égare au quartier Tié-Tié de Pointe-Noire : "La communication était difficile, car je ne savais pas parler français. Heureusement, j'ai rencontré une vendeuse qui parlait portugais, mais elle a refusé de m’héberger, craignant que je lui apporte le malheur. Le désespoir s’est alors emparé de moi. Je me suis demandée si j’existais réellement..."
La vendeuse lusophone confie tout de même Rosa à une autre femme travaillant à la direction départementale des Affaires sociales de Pointe-Noire. Cette personne envoie Rosa au Samu social, proche de l’Association Espace Enfants (AEE). Cette ONG, crée en 1997, héberge, nourrit, soigne, divertit, intègre et réinsère les enfants dans leurs familles d’origine.
"Devenir magistrate"
L’entrée à l’AEE marquera pour Rosa la renaissance de l’espoir et le début d’un nouvel envol. "Notre première tâche a été de l'alphabétiser pour qu’elle s’exprime bien en français. Nous y sommes parvenus, comme en témoigne son élocution actuelle. Nous l’avons ensuite inscrite au CE1. C'était en 2010. Deux ans plus tard, sa maîtresse, satisfaite de ses résultats, nous a proposé de la présenter au concours d’entrée au collège. Elle y a été admise sans problèmes. Aujourd’hui, elle est en 3ème et attend de passer son brevet d’études du premier cycle (BEPC) cette année", témoigne Martin Nsika, membre de l’AEE.
En attendant, Rosa effectue un stage rémunéré de six mois dans un hôtel de la place. "J’ai tout ce qu’il faut à un enfant pour son épanouissement. Mais, l’AEE n’est qu’une ONG qui vit de dons. Il peut arriver qu’un jour elle n’ait rien. Ce jour là, je ne lui en voudrais pas, car ce sont les difficultés auxquelles toutes les organisations sont confrontées. Voilà pourquoi j’alterne stage et études pour avoir déjà un métier, donc une source de revenus."
Rosa entend ensuite faire des études de droit pour défendre les enfants défavorisés. "Ce n’est pas leur faute s'ils sont dans la rue. Parmi eux, il y a des futurs cadres (présidents, ministres, etc.). Alors, pourquoi les diaboliser ? Demain, je me battrai fort pour devenir magistrate et traquer quiconque osera abuser d’un enfant ou le priver de ses droits", promet Rosa. Elle invite aussi les pouvoirs publics à "créer des orphelinats et à financer les orphelinats privés, car ces enfants pourront ainsi servir le pays."
John Ndinga-Ngoma
Mars 2016