(CRP/Syfia) A Djambala, chef-lieu du département des Plateaux, les autochtones font difficilement valoir leurs droits. Des journalistes, habitants (autochtones, bantous) et des autorités locales ont récemment débattu de ces difficultés.
« Les bantous mettent nos femmes enceintes et, quand c’est le contraire, ils nous rendent la vie impossible ! », lâche, dépité, Charles Imfoulambi, président des autochtones du quartier Goulayo, à Djambala (chef-lieu du département des Plateaux). Un autre autochtone, demandant l’anonymat se plaint, pour sa part, du manque d’emploi des membres de leur communauté. Pourtant, « nous avons la force de travailler, mais les bantous ne veulent pas nous employer ! »
Autant de plaintes enregistrées lors d’un débat communautaire organisé en août dernier à Djambala. Débat animé en téké et en lingala par Viviane Bonaventure Nkoua et Hortense Nathalie Ngatsongo, deux journalistes du projet « Journalistes, associations et autorités locales contribuent à un meilleur respect des droits de femmes rurales pour lutter contre la pauvreté ». Les échanges ont été supervisés par Gaston Elbi Enkari, coordonnateur dudit projet. Un projet financé par l’Union européenne et piloté par le Centre de Ressources pour la Presse (CRP), en partenariat avec Syfia International.
Emploi, santé, terres
Au cours de ce débat, la trentaine d’autochtones présents ont fait savoir aux autorités locales et aux journalistes que leurs droits, dans le domaine éducatif, social et économique, n’étaient pas vraiment respectés. Selon Remy Denis Eboulondzi, un bantou président de l’Association de l’action humanitaire des populations autochtones (AAHPA), certes l’Etat apporte quelques soutiens, mais cela lui semble insuffisant. « Récemment, les autochtones, encadrés par l’AAHPA, ont nettoyé l’hôpital de base moyennant une prime. Cela ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin ! On pourrait également les employer comme techniciens de surface dans les administrations publiques », a-t-il suggéré.
Remy Denis Eboulondzi a par ailleurs condamné le fait que, selon lui, même les plus pauvres des autochtones soient encore forcés de payer leurs soins médicaux. « Je souhaiterais qu’ils reçoivent gratuitement ces soins.» Ce à quoi Colette Otankon, présidente de l’association Les Compagnons du devoir et de l’action (CODAC), a affirmé que la question de la gratuité des soins des autochtones avait été résolue grâce à l’apport du projet Paiement basé sur les performances. Un projet initié par le gouvernement congolais en 2015. Selon elle, « désormais ils sont pris en charge intégralement dans les centres de santé comme à l’hôpital de base. » Un progrès qu’a aussi observé Christine Ndzielewe, une autochtone : « A l’hôpital, on nous donne les médicaments gratuitement. On ne paye pas non plus quand on est hospitalisé. »
Des changements que Jean-Pierre Mountali, chef de quartier Ngambao, apprécie et encourage à son niveau : « En tant que propriétaire, j’ai cédé à des autochtones dans le quartier Goulayo un hectare de mes terres pour qu’ils construisent et cultivent. » De son côté, Martine Joëlle Ngabio, une bantoue, n’y est pas allée avec le dos de la cuillère… D’après elle, « ce sont les autochtones qui ne veulent pas s’approcher de nous. » Elle a donc invité les femmes de cette communauté à s’allier à elle pour une collaboration d’égal à égal. « Elles peuvent aussi travailler à leur propre compte au lieu d’aller cultiver dans les champs des femmes bantoues », a-t-elle suggéré.
« L’idée de l’exploiter »
Conscient du tenace fossé entre les discours des autorités locales et l’application des droits des peuples autochtones sur le terrain, Kihulu Boueya chef de la circonscription d’action sociale de Djambala, a affirmé ne ménager aucun effort pour intégrer les autochtones : « Sur le plan professionnel, nous les plaçons dans des ateliers, afin qu’ils apprennent des métiers. En 2016, nous avons réussi à en placer deux. Mais, le constat est parfois amer, car la plupart refuse ces placements. » Le chef de la circonscription d’action sociale a également fait part de ses difficultés à « amener ces enfants à l’école. Nous faisons de notre mieux pour les soutenir de telle sorte qu’ils finissent l’année scolaire…», a-t-il fait savoir, en précisant que sa circonscription a financé la scolarité de deux enfants en 2016.
Charles a réagi en expliquant : « Nos enfants sont têtus. En ce qui me concerne, quand il refuse d’aller à l’école, je ne lui donne pas à manger, ainsi qu’à sa mère ! » Une méthode qui peut paraître archaïque, mais qui a l’air de fonctionner assez bien... De son côté, Germaine Inko, directrice départementale de l’Intégration de la femme au développement, a estimé : « Les autochtones font déjà d’énormes efforts. Ils commencent à construire leurs maisons avec des briques en dur », a-t-elle cité comme exemple. Mais, la DD a aussi indiqué à l’assistance qu’elle voyait d’un mauvais œil les associations mixtes (bantous-autochtones) : « Quand un bantou se rapproche d’un autochtone, il a en général en tête l’idée de l’exploiter. Pour le moment, je déconseille donc aux autochtones d’adhérer aux associations bantoues. »
Annette Kouamba Matondo
Septembre 2016