(CRP/Syfia) A Ignié (département du Pool), les femmes rurales mènent de front plusieurs activités : agriculture, fabrication de manioc, élevage, petit commerce, etc. Elles peinent cependant à sortir de la pauvreté.
« J’ai des champs de manioc d’un hectare. Je fais le maraîchage. J'élève des poulets et des canards. Je peux vendre 100 têtes par an. Je vends un poulet 2 000 Fcfa (3 €). Donc, j’ai un bénéfice annuel de 200 000 Fcfa (300 €). Grâce à ces activités, je m'occupe de mes enfants », a expliqué, au cours d'un débat communautaire, Adolphine Ndinga, une veuve de 46 ans, mère de cinq enfants à Ignié.
Ce débat a été organisé dans cette localité à environ 45 km au nord de Brazzaville (département du Pool) par le Centre de Ressources pour la Presse (CRP) en août dernier, sur le thème : « Lutte contre la pauvreté, comment sont perçues les conditions de vie de la femme à Ignié ? ». Ces discussions entraient dans le cadre du projet « Journalistes, associations et autorités locales contribuent à un meilleur respect des droits des femmes rurales pour lutter contre la pauvreté ». Un projet financé par l’Union européenne et piloté par le CRP en partenariat avec Syfia international.
Aux petits soins pour leurs enfants
Vingt-six femmes et deux hommes ont pris part à ce débat animé en lingala par Viviane Nkoua et Nathalie Hortense Ngatsongo, deux journalistes du projet, sous la supervision de Gaston Elbi Enkari et Marien Nzikou-Massala, respectivement coordonnateur et coordonnateur adjoint dudit projet. Au cours des échanges, les femmes rurales du quartier Ngakouba ont dénoncé le manque d’appui financier et l'absence de tracteurs agricoles des pouvoirs publics. Un abandon de longue date, selon elles.
Combatives, elles ont beau cumuler les travaux, elles restent pauvres. Comme l'a expliqué Bouba Opportune, membre de la coopérative du village de Bambou Mingali, fabricante de maniocs : « Je peux préparer jusqu'à 100 maniocs par jour que je vais vendre à Brazzaville. Mais, je suis consciente de ne pas satisfaire tous mes besoins. L’essentiel est que j’arrive à payer les études de mes quatre enfants. »
De son côté, Thérèse Nguié, vendeuse de poissons au marché PK45 d’Ignié, a raconté : « Je quitte la maison à 5 heures du matin pour aller acheter les poissons d’eau douce à l’île Mbamou (à plus de 45 km de là, Ndlr) et venir les revendre au PK 45. Quand je les achète 30 000 Fcfa (45 €), je gagne 15 000 Fcfa (23 €) de bénéfices par jour en moyenne. Mais, il y a des moments où j'enregistre des pertes. En tout cas, avec cette activité j’aide ma famille. Dernièrement, j'ai pu acheter les médicaments pour mon enfant malade. »
Plate-forme locale des organisations paysannes
Au cours du débat, les participantes ont affirmé être souvent abandonnées, même par leurs propres maris. Gérarde Milandou, vendeuse de tomates au marché PK 45, a par exemple interrogé l'assistance : « Si un époux donne 3 000 Fcfa (4,5 €) à sa femme pour acheter les tubercules de manioc, cette dernière peut-elle soutenir sa petite famille avec ça ? » Certains hommes se disent plus généreux. Jules Ntsiba, exploitant agricole participant au débat a témoigné : « J’ai donné 50 000 Fcfa (75 €) à ma femme pour qu’elle fasse son manioc. Mais depuis qu’elle à commencé, son activité n’évolue pas en raison notamment des prix pratiqués à Brazzaville. Elle a donc décidé de faire le maraîchage. Je lui ai donné des semences et du matériel aratoire. Elle s'en sort ainsi mieux qu'avant. » Comme Jules, Pierre Vinzou a affirmé qu’il donnait aussi de l’argent à son épouse pour qu’elle vende au marché, malheureusement, il constate qu'elle manque toujours de clients et de recettes....
Persuadé que l'union fait la force, Jules Ntsiba a décidé en 2014 de créer avec d'autres personnes une plate-forme locale des organisations paysannes pour identifier les besoins des agriculteurs et les relayer aux pouvoirs publics. Pour l’heure, cette structure compte une vingtaine de coopératives et s'affaire dans les préparatifs d’une foire agricole prévue en février 2017.
En conclusion du débat, Adolphine Ndinga a insisté sur l'indispensable appui du gouvernement : « Je demande à l’Etat congolais de penser à nos dix groupements de femmes rurales d'Ignié. Il doit nous encadrer techniquement et mettre à notre disposition des tracteurs pour nous aider à augmenter nos rendements et nos revenus. »
Jean Thibaut Ngoyi
Novembre 2016