(CRP/Syfia) Dans le 8e arrondissement de Brazzaville, de nombreuses femmes divorcées élèvent seules leurs enfants grâce au maraîchage et à la casse des pierres.
« J’ai maintenant peur des hommes ! Je ne veux plus une autre charge sur mon dos... Je prends donc des pilules contraceptives pour éviter les grossesses », lâche Patience Nkoussou, 25 ans et déjà mère de trois enfants.
Patience fait partie de ces multiples jeunes femmes divorcées du quartier Mbouono dans le 8e arrondissement Madibou de Brazzaville. Pour subvenir aux besoins de leurs enfants, beaucoup deviennent casseuses de pierres. Une activité qu’elles exercent en alternance avec le maraîchage. Comme principales causes de séparation, ces femmes évoquent les disputes avec la belle famille, les violences physiques, les infidélités ou encore l’abandon de leurs responsabilités par les époux. Au bout du compte, ces derniers seraient incapables de respecter leurs engagements envers la femme : lui fournir nourriture et habits, s’occuper de l’éducation des enfants, etc.
Divorcée d’avec son mari depuis 2011, sans ressources, Patience s’est convertie en casseuse de pierres en 2013 afin de subvenir, seule, aux besoins de ses enfants. Elle se souvient : « Avant la séparation, nous vivions dans la même parcelle que mes beaux-parents mais, à tout moment, il y avait des jalousies. Comme mon mari ne travaillait pas, il avait refusé de louer une autre maison. J’ai finalement décidé de rejoindre mes parents en 2011. »
Gracia Louzoumboulou, une autre casseuse de pierres divorcée, la trentaine et mère de trois enfants, a rencontré le même genre de problèmes : « Ma belle-famille ne me visite pas, car elle a aussi ses difficultés. Je suis abandonnée. Même quand les enfants tombent malades, ou pendant la rentrée, leur père ne m’envoie aucun franc pour m’aider ! »
Préserver les enfants
Adelphine Bazebiniata, 39 ans, divorcée et mère de quatre enfants est elle aussi casseuse de pierre et maraichère sur le site de Mbouono, au bord du fleuve Congo : « Le père de mes enfants m’avait remis leurs actes de naissance. Ma belle-famille m’a dit de prendre ‘en cadeau’ les enfants. Quand ils tombent malades, je vais parfois voir mes frères pour leur demander de l’aide. D’autres fois, je me débrouille seule avec mes jardins potagers et la casse des pierres. »
Adelphine gagne par mois environ 60 000 Fcfa (90 €) grâce à son travail de casseuse de pierres, mais pendant la saison de pluies, en raison de la pénibilité de ce labeur et des inondations au bord du fleuve Congo, elle se consacre plutôt au jardinage.
Saturnin Kitsoukou ne comprend pas ces hommes qui abandonnent leurs enfants. Lui est dans la trentaine, divorcé et père de deux enfants qu’il élève seul : « Après une séparation, les hommes ne devraient pas laisser la charge des enfants à la femme. Ils devraient plutôt prendre leurs enfants pour préserver leur éducation.»
Jusqu’à 5 ans de prison
De son côté, Stéphanie Koumba, 22 ans, étudiante en 3e année de droit à l’Université Marien Ngouabi, estime : « Ce n’est pas bon de divorcer, car cela a des conséquences sur l’avenir des enfants, surtout quand ils sont encore mineurs. Mieux vaut privilégier le dialogue dans le couple. » Pour appuyer ses propos, elle cite le Code civil (article 180) qui énumère des causes devant conduire au divorce : « Lorsque la vie commune est devenue intolérable par suite de l’infidélité, des excès, sévices, injures, imputables à l’un ou l’autre des époux et visant les époux eux-mêmes ou leur belle famille. L’autre cas, c’est aussi lorsque la vie d’un conjoint et la sécurité des enfants sont gravement compromises par l’inconduite ou par l’abandon moral ou matériel du foyer. »
Rappelons qu’en cas de séparation, le Code de la famille prévoit en ce qui le concerne (article 193) : « Le conjoint au profit duquel le divorce a été prononcé pourra obtenir en outre une pension alimentaire. Une pension alimentaire pourra également être attribuée dans le cas de divorce aux torts partagés pour compenser la disparité que le divorce entraîne dans les conditions de vie respective… »
En cas de non-respect de cette obligation, la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant (article 190) précise : « Le délaissement d'un enfant en un lieu quelconque est puni de un à cinq ans de servitude pénale principale et d'une amende de 100 000 à 250 000 FCfa (153 à 382 €). Par délaissement d'enfant, il faut entendre le fait pour le père ou la mère, le parâtre ou la marâtre, ou le tuteur, d'abandonner et/ou de rejeter un enfant sans s'être assuré qu'il sera en sécurité et protégé dans ses droits. » Autant de dispositions qui restent très théoriques et ne semblent pas dissuader les hommes.
Jean Thibaut Ngoyi
Décembre 2016