(CRP/Syfia) Au village Ngayi à 12 km d’Ewo, dans le département de la Cuvette-Ouest, des femmes ont critiqué leurs maris qui ne respectent pas leurs droits. Au cours d’un récent débat communautaire, certains d’entre eux ont compris le message et se sont engagés à partager les tâches de la maison.
Une grande première à Ngayi ! Si les habitants de ce village enclavé au cœur d’une vaste savane herbeuse se réunissent souvent au domicile de leur chef à l’appel des hommes politiques, en septembre dernier, ils se sont réunis pour débattre de l’« émancipation de la femme : quelles avancées ? »
Un débat organisé dans cette localité située à 12 km d’Ewo (département de la Cuvette-Ouest) par le Centre de Ressources pour la Presse (CRP) en partenariat avec Syfia International, dans le cadre du projet « Journalistes, associations et autorités locales contribuent à un meilleur respect des droits des femmes rurales pour lutter contre la pauvreté ». Un projet financé par l’Union européenne.
Animé en langues téké et lingala par Hortense Nathalie Ngatsongo et Viviane Nkoua, deux journalistes dudit projet, sous la supervision de Gaston Elbi Enkari, coordonnateur, ce débat a réuni une cinquantaine de participants (33 femmes et 14 hommes). Certains étaient timides au départ, ne comprenant pas bien le thème à débattre, puis les langues se sont déliées.
Abandonnées ou soumises
Toutes les participantes ont répondu en chœur : « Rien n’a changé ! L’émancipation n’est pas encore une réalité chez nous… Si une femme ne peut pas s’opposer à l’avis de son mari ou si elle ne peut pas le dénoncer, on ne peut pas parler d’émancipation ! » Madeleine*, mère de six enfants, a donné son exemple : « Je cultive seule les plantations de manioc. Mon mari contracte des dettes en prenant de la bière. Pour le protéger, je suis obligée de payer régulièrement 10 000 Fcfa (15 €) au vendeur. Je le fais pour mes enfants. Récemment, j’ai dépensé environ 200 000 Fcfa (plus de 300 €) pour soigner mes enfants malades… » Madeleine a finalement décidé de rompre avec son mari pour négligence.
Martine* a elle aussi témoigné : « Depuis que l’entreprise de mon mari a fermé, il ne travaille plus. Au départ, tout marchait bien. Mais aujourd’hui, il m’a presque abandonnée pour une jeune femme. Il ne s’occupe plus de moi, ni des enfants… » Alice* a de son côté raconté : « Mon mari m'a presque abandonnée avec nos deux enfants. Par amour pour eux, je ne peux rien lui réclamer au tribunal. Le pire, c’est que je suis encore enceinte de lui ! Faute de moyens, je n’ai pas commencé les consultations prénatales. Je me débrouille pour préparer ma layette. Mes enfants vont à l'école, je supporte leurs frais scolaires. Lorsqu’ils sont malades, mon mari n’achète pas les médicaments… »
D’autres participantes au débat ont affirmé ne rien trouver à redire dans le comportement de leurs maris. Et pour cause : « Je ne peux pas contredire mon époux quand nous avons un débat à la maison. Je dois exécuter, car la femme doit toujours être derrière l’homme, c’est notre devoir ! Par exemple, je n’ai pas le droit d’adhérer à un autre parti politique que celui de mon mari. Je vais partout où il va. C’est ça aussi l’amour ! », a soutenu Chancelvie Massaka.
« Je me réconcilie avec mon épouse »
Une soumission qui peut ensuite justifier toutes sortes d’abus. Angélique Onounga, directrice départementale de la Promotion de la femme et son collègue de l’Intégration de la femme au développement, Antoine Ngahoulou, ont rappelé aux participantes qu’« être mariée ne veut pas dire être esclave ! La femme a droit à la parole dans le foyer, le droit d’être nourri, d’être soignée par son mari. Elle a droit au repos, et bien d’autres droits. Revendiquez vos droits et remplissez vos devoirs ! », ont-ils conseillé, faisant allusion au Code de la famille qui, dès son préambule (alinéa 5) affirme : « La femme a les mêmes droits que l'homme dans les domaines de la vie privée, politique et sociale. »
En parlant des devoirs des femmes, Angélique Kébi, agent à la direction départementale des Affaires sociales de la Cuvette-Ouest les a rappelés ainsi : « Respectez vos maris autant que vous voulez qu’ils vous respectent ! Lavez leurs habits, préparez-leur le repas, ne les injuriez pas. » Aux hommes, Angélique Kebi a également demandé d’honorer et de respecter leurs épouses.
Visiblement satisfaits, certains de ces messieurs se sont engagés à changer de comportement. « Merci beaucoup. C’est en effet grâce à ce débat que j’ai compris que la femme a des droits. D’ailleurs, je me réconcilie avec mon épouse. A l’avenir, je m’occuperai des enfants ! », a promis Hervé Obali, désormais soucieux de partager les charges de la maison et de préserver le repos et la santé de sa femme. Pourvu que ça dure !
*Prénoms d’emprunt
John Ndinga-Ngoma et Flore Michèle Makoumbou
Décembre 2016