(Syfia/CRP) Des associations congolaises militent pour le respect de l'interdiction des pétards et conseillent aux parents de ne plus en offrir à leurs enfants. Cette année encore, lors des fêtes, les détonations ont réveillé les traumatismes de certains Congolais.
Surprise par les détonations des pétards, Clémence a failli trébucher. "Idiots, vous êtes fous ou quoi ?" lance-t-elle aux gamins, tout joyeux, qui courent en tous sens dans les rues de Brazzaville le soir de la Saint-Sylvestre. "C'est maman qui m’a acheté ces pétards", raconte un garçon de 12 ans. D'autres parents, comme Martial, estiment que c'est mauvais d'en acheter aux enfants, d'autant que "c’est défendu", rappelle-t-il.
Cette année encore, pendant les fêtes, ces pétards, interdits, ont fait du bruit à Brazzaville. En 1991, les autorités avaient pourtant décidé de proscrire leur utilisation à cause des "nuisances sonores" qu'ils occasionnent. Trois ans plus tard, elles en interdisaient l'importation. Une interdiction confirmée en 2001, et toujours en vigueur. Mais certains commerçants ne la respectent toujours pas. "Je sais que la vente est interdite, alors je les vends en cachette", avoue Sylvie. Fabriqués le plus souvent en Chine, ces explosifs transitent par Kinshasa (RD Congo), avant d’arriver au Congo Brazzaville où ils sont vendus en gros dans les boutiques chinoises.
"Celui qui sera surpris (en possession de pétards, Ndlr) sera arrêté et ces objets détruits", promettait, avant les fêtes, une autorité de la police. Pourtant, malgré les nombreuses infractions, personne n’a été arrêté et aucun pétard détruit. Cette année encore, bon nombre d'agents du service de répression des fraudes du ministère du Commerce qui, à l’approche des fêtes, descendent sur le terrain pour contrôler la présence de ces pétards dans les marchés, sont restés passifs, accusés parfois de s'être laissés corrompre par des vendeurs.
Boycott des parents, surveillance des autorités
Le bruit des pétards rappelle à certains celui des armes qui ont parlé lors de la guerre civile. "Quand j’entends ça, j’ai l’impression de revenir en 1997. Cela réveille en moi les mauvais souvenirs, les détonations d'armes, les cadavres…", dit Firmin, qui a perdu des amis à cette époque. Comme lui, beaucoup restent traumatisées par cette guerre. "Les pétards font vraiment peur", confirme maman Roche. Pour ces gens fragilisés, comme pour les cardiaques et les femmes enceintes, ils présentent différents dangers, selon le docteur Daniel Mbey, psychologue et cardiologue de formation.
Pour mettre fin à leur utilisation abusive, le Réseau des intervenants sur le phénomène des enfants en rupture (REIPER) et l’ONG Education en milieu ouvert (EMO) ont demandé aux parents la veille des fêtes d’offrir autre chose aux enfants. "Beaucoup ont suivi nos conseils", assure Hervé Paloulou, coordonnateur d'EMO. En 1995, plusieurs associations en concertation avec des responsables religieux avaient déjà alerté les familles. Sans succès… Aujourd'hui, M. Paloulou pense qu’il faut définitivement supprimer les pétards de la liste des produits à importer car "une fois sur le marché, on ne peut plus les contrôler".
L’Association congolaise pour la défense des droits du consommateur est du même avis. Elle estime que la responsabilité de la situation actuelle incombe aux autorités qui surveillent leur entrée dans les ports et les aéroports. "Il y a eu moins de pétards ces dernières années, mais la police et la douane doivent appliquer les textes en vigueur. Nous avons constaté un laisser-aller dans le contrôle des importations", explique Dieudonné Moussala, président de ladite association dont une des missions est d’informer les autorités de l’existence de ces produits sur le marché.
El-Staël Enkari
Janvier 2010