(CRP/Syfia) Manque d'argent pour la popote, travaux champêtres et scolarité des enfants à assumer... Au centre du Congo Brazza, les femmes de Djambala peinent à recouvrir leurs droits dans leurs foyers. Certaines en ont débattu récemment avec des autorités locales, des associations et des journalistes.
"Droits de la femme dans le couple, débattons-en !" Tel a été le thème du débat communautaire organisé le 31 mai dernier à Djambala, une localité de près de 10 000 habitants située à 200 km environ, au nord-ouest de Brazzaville.
Animé en français, lingala et téké par Viviane Bonaventure Nkoua et Nathalie Ngatsongo, sous la coordination de Gaston Elbi Enkari et Marien Nzikou-Massala, ce débat rentre dans le cadre du projet "Journalistes, associations et autorités locales contribuent à un meilleur respect des droits des femmes rurales pour lutter contre la pauvreté" exécuté par le Centre de Ressources pour la Presse (CRP), en partenariat avec Syfia international. Un projet financé par l'Union européenne.
"La femme ne se fait pas aider"
Arrivés un peu timides dans la cour de la Maison de la Femme de Djambala, représentantes et représentants de dix associations de cette localité et de ses environs (deux membres pas association) ont débattu avec les directrices de la Promotion de la femme et de l’Intégration de la femme au développement, ainsi que des journalistes dudit projet. Un débat auquel ont également participé les autorités locales (chefs de quartier). Les échanges ont été souvent passionnés. Les femmes tenant à ce que les hommes assument leurs responsabilités dans le foyer, tout en essayant de trouver des solutions face à la violence économique qu'ils leur infligent souvent.
Pour la majeur partie des participantes, les hommes les manipulent. "Avant, un mari donnait 50 000 Fcfa (75 €) à son épouse pour la popote. Aujourd'hui, il ne lui donne plus que 10 000 ou 20 000 Fcfa (15 ou 30 €). Cela ne répond plus au coût de la vie... La femme ne fait que maigrir, jusqu’à faire des insomnies !", a relaté Sophie Mpani, membre de l’association des femmes de Lékana pour le progrès. De son coté, Joëlle Martine Gabio, présidente du Groupement Jeunesse Onara d’Abala-Ndoko, dont les parents avaient préféré scolariser ses frères par rapport à elle, a constaté : "La femme, même si elle est fatiguée, ne se fait pas aider par son mari. Ce dernier privilégie souvent les enfants garçons plutôt que les filles et la charge de leur scolarité est assuré par la femme." Joëlle Martine a fait ici référence à la tradition bantoue où le matriarcat domine dans certaines familles congolaises (aux oncles maternels de s’occuper de leurs neveux et non au père géniteur).
"Les mêmes droits que l’homme"
Pour Cornelline Mfourga, de la Coopérative Mères et Filles de Kiali, les femmes ne doivent pas à tout moment accuser les hommes : "Certains d'entre eux donnent l’argent de tout le mois, mais quelques femmes le gèrent mal... Dans ces conditions, pensez-vous que, le mois suivant, le mari leur donnera la même somme d’argent ?", a-t-elle questionné. Ce à quoi Essou Eyilou Galème président de la même coopérative, a renchéri : "C'’est vrai, le mari donne parfois moins la popote, mais l'épouse n’a pas le droit d’aller se lamenter ailleurs ! Elle doit se contenter de ce qu’elle a reçu ! L'homme est le chef de la maison. Il donne tout ! Je ne peux pas accepter qu’une femme qui est dans mon foyer me défie. Elle doit m'être soumise !"
Rappelons pourtant que la Constitution de 2002, en son article 8, reconnait que l’homme et la femme sont égaux : "La femme a les mêmes droits que l’homme." Face à cet écart entre la théorie et la pratique, Jean Pierre Mountali, chef du quartier Ngambaho a expliqué : "Les problèmes du couple se résolvent souvent à l’amiable, mais, lorsqu'ils quittent le foyer pour être débattus ou réglés au niveau du quartier, cela veut dire qu’il n’y a plus de confiance entre le mari et son épouse." Selon ce chef de quartier, "il faudrait vulgariser les droits des femmes pour que leurs époux les considèrent comme étant leur égal."
A coté de la vulgarisation de ces droits, Germaine Elko, directrice de l’intégration de la femme au développement des Plateaux, a pour sa part, davantage insisté sur le plaidoyer : "Les femmes doivent briser le silence et parler !" Le débat aura au moins donné l'occasion de commencer cela...
Jean Thibaut Ngoyi
Juin 2014