(CRP/Syfia) Dans le Parc national de Conkouati-Douli (département du Kouilou), les animaux, mieux préservés, sont plus nombreux. Ce qui rend difficile la cohabitation avec les habitants des villages situés dans le Parc. Leurs cultures sont souvent détruites par les éléphants. Un coup dur pour l'agriculture locale…
Une vaste savane avec des îlots de forêts. Une façade maritime qui s’étend sur près de 60 km. Une lagune, un fleuve, plusieurs rivières... Des buffles, éléphants, chimpanzés, oiseaux et poissons de toutes sortes....
Pour préserver ce riche écosystème du département du Kouilou, un décret présidentiel a érigé, en 1999, le Parc national de Conkouati-Douli (PNCD) en Parc national. Il est depuis géré par la Société de conservation de la faune (Wildlife conservation society, WCS), une ONG américaine. Le Parc attire bon nombre d'amateurs de paysages luxuriants et de faune sauvage. Après leurs balades, ces touristes fortunés logent généralement dans les deux cases touristiques de la base vie du PNCD à raison de 120 000 Fcfa (environ 180 €) la nuitée. "C'est la nature à l'état naturel !", lançait, émerveillé, fin juin dernier, l'un d'entre eux après s'être promené.
Mais, avec une superficie de plus de 500 000 hectares, le PNCD ne fait pas que des heureux. À l’intérieur, on trouve en effet une multitude de villages. Pour le meilleur et souvent pour le pire, les populations cohabitent donc avec les animaux. L'animal le plus redouté reste l’éléphant dont l’abattage est strictement interdit, même s'il fait souvent de gros dégâts... "Une fois, tout mon champ a été dévasté par les éléphants !", se souvient par exemple Julie Mavoungou-Safou, habitante du village Tandou-Ngoma, à 150 km au nord de Pointe-Noire.
Manioc acheté en ville…
Conséquence de ces dévastations : plusieurs villageois ne pratiquent plus l’agriculture. "Je ne peux plus souffrir pour nourrir les éléphants ! J'ai l'impression que les droits des hommes sont moins importants que ceux des animaux... On nous interdit de les abattre, alors qu’ils nous empêchent de bien vivre !", déplore, visiblement remonté, un paysan du village Noumbi. Symbole révélateur : le manioc, aliment de base dans tout le Congo, est importé d'autres localités comme Pointe-Noire. "Que nous, villageois, achetions du manioc en ville, c'est paradoxal ! Pire encore, nous sommes aussi devenus esclaves du riz et du pain importés de Pointe-Noire", déplore ce même paysan. "Du fait de la conservation que nous encourageons, on observe une croissance du nombre d'éléphants. Voilà pourquoi, ils s'acharnent sur les cultures. Depuis Noumbi jusqu'au village Tié-Tié vers la frontière avec le Gabon, on ne peut plus pratiquer l'agriculture", remarque Hugues Clément Boungou-Loufoua, secrétaire général du district de Nzambi.
Afin de mettre en place des mesures d’accompagnement pour compenser les restrictions auxquelles sont contraintes les populations vivant à l’intérieur ou à la périphérie du Parc, WCS exécute depuis 2005, un projet d'appui. "Nous les formons à l'agriculture, à l'agroforesterie et au maraîchage, indique un responsable des activités alternatives au PNCD. Mais, dans l'ensemble, nuance-t-il, ces activités n'ont pas très bien marché, car les populations n'ont pas l’esprit de groupements et les éléphants ont détruit leurs champs."
Indemnisations et projets communautaires
Chaque année, WCS rédige des rapports d’évaluation qu’il adresse au gouvernement pour des indemnisations. Le décret présidentiel de 1986 portant "barème d'indemnisation en vigueur en cas de destruction des plantes en République populaire du Congo", recommande en effet la compensation par l’Etat de toute plantation détruite du fait d’une activité d’utilité publique.
En 2009, il y a eu compensation des cultures détruites en 2006, 2007 et 2008. Mais, nuance un membre d’une ONG locale, "c’était à des fins électorales (année du scrutin présidentiel, Ndlr). Pire encore, ce sont pour la plupart ceux qui n'avaient pas de champs qui ont été indemnisés !" L’Association de gestion durable des ressources naturelles et de l’écotourisme par les Communautés autour des aires protégées (Agdurne-Cap), une ONG locale, s'alarme, de son côté, d'"une diminution du potentiel halieutique à cause de la surpêche qui se fait aujourd'hui à Conkouati. Puisqu'à cause des restrictions (sur la chasse, Ndlr), tout le monde pratique la pêche", déplore Ghislain Taty, son secrétaire général.
Pour tenter de résoudre ces problèmes, WCS, qui finance seul et difficilement le fonctionnement du Parc, a créé l’an dernier la Caisse de développement communautaire (CDC). Dirigé par le député et le sous-préfet de Nzambi, le comité de gestion est composé de membres du WCS, de chefs de villages et d'ONG locales. Un an après, environ 30 projets ont été financés dans les 30 villages situés à l’intérieur et à la périphérie du Parc. "À la fin de chaque année, on organise une assemblée générale. Chaque communauté vient avec un projet et on alloue des montants. En 2012, nous avons par exemple construit des cases touristiques à Sialouvakou et Mpela. Les revenus ainsi générés reviendront à ces villages pour financer un autre projet qu'ils proposeront à la prochaine assemblée générale", indique encore le responsable des activités alternatives au PNCD.
Ces initiatives suffiront-elles à construire de meilleures relations de voisinage entre humains et animaux à Conkouati ?
John Ndinga-Ngoma