(CRP/Syfia) Dans le département du Niari, citoyens, associations et des politiciens de toutes tendances, estiment qu'un député-maire ou un député-conseiller municipal n'est pas capable de bien assumer toutes ses responsabilités. Pas sûr que ceux qui cumulent entendront cet appel. La Loi, jusqu'ici, ne leur interdit pas clairement d'être aussi gourmands...
Député-maire. Député-conseiller municipal. Au Congo Brazzaville, bon nombre d'élus aux dernières législatives cumulent aujourd'hui plusieurs mandats. A Dolisie et autour de cette ville, ils devraient être encore nombreux à se présenter aux scrutins locaux de 2013.
Un appétit qui, aux yeux de certains citoyens, peut provoquer une rupture entre l'élu et ses électeurs. Pour Donateur Ibassa, habitant Dolisie, "le député-conseiller ne peut pas être efficace. Il s’intéressera davantage aux activités de l’Assemblée nationale au détriment de celles du conseil. D'ailleurs, ceux qui cumulent les mandats viennent rarement siéger aux sessions municipales." Et cela bien que la loi n°7-2003 du 6 février 2003 portant organisation et fonctionnement des collectivités (article 40) précise que "trois absences consécutives non justifiées (à ces sessions, Ndlr) valent une démission volontaire."
Egoïsme moteur
Généralement, ce sont les responsabilités locales qui sont négligées. "Notre député est aussi conseiller municipal, mais je le vois au village seulement quand il descend expliquer des conclusions de l’Assemblée nationale. Dans ses comptes rendus, il parle moins des grands sujets évoqués lors des sessions du conseil municipal. Ces sujets nous touchent pourtant directement !", déplore, sous anonymat, un habitant du district de Banda, à environ 145 km de Dolisie.
Du coté de certaines familles politiques, le cumul suscite aussi des grincements de dents. "Un homme ne peut pas être partout à la fois. Le mieux est de céder un de ses mandats à un autre cadre. Au sein de notre parti, nous interdisons déjà le cumul paralysant qui empêche de bien travailler", affirme Pierrot Eyenguet, du Parti congolais du travail et ancien président du Conseil départemental du Niari. "Un élu qui cumule les mandats agit par égoïsme, pour améliorer son traitement financier. Pour être efficace, il doit plutôt choisir le domaine dans lequel il se sent mieux", conseille-t-il.
Point de vue partagé par Pascal Leyinda, député de Mayoko (un district du département du Niari), de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), principal parti d'opposition et président de la commission santé affaires sociales au Parlement : "Nous, députés, vivons à Brazzaville et n’avons pas la vraie réalité des problèmes qui minent localement les populations. Le mieux est de ne pas nous présenter aux locales, et de laisser ceux qui vivent dans les villages se présenter. Le cumul doit être prohibé !" Donateur considère lui carrément le politicien trop gourmand comme un frein au développement : "Comment pourra-t-il élaborer des projets en tenant compte des réalités des populations s’il est absent du village ?"
Vide juridique
Concernant le cumul député-maire ou député-conseiller municipal toutes les interprétations sont possibles, le législateur n’ayant rien prévu pour accepter ou condamner cette pratique. Face à ce vide juridique Pascal Leyinda estime que "les acteurs politiques doivent s’accorder pour adopter une loi interdisant ce genre de cumuls." Selon Rosalie Mombo, responsable de la Coordination des associations et réseaux de la société civile du Congo (Caresco) à Dolisie, "les élus devraient choisir et dire pour quel mandat ils se sentiront les plus efficaces sur le terrain pour réussir la mission que le peuple leur a confiée."
A l'image de ce que dit aujourd'hui la Constitution (article 75), claire sur l’incompatibilité à être à la fois ministre et parlementaire. Toutefois, l'arsenal juridique ne sera sans doute pas renforcé avant les prochaines locales de 2013…
Victor Bivihou