(CRP/Syfia) Au Kouilou, au sud-ouest du Congo Brazzaville, ONG et troupes de théâtre organisent manifestations sportives et culturelles dans les villages. L’occasion, en particulier pour les femmes, de se défouler, de se divertir et de se cultiver.
Matombi, village de la sous-préfecture de Loango dans le département du Kouilou, à près de 15 km de Pointe-Noire. Durant trois semaines (du 30 aout au 20 septembre dernier), les quelques 800 habitants de cette contrée ont vécu au rythme de la 3e édition des tournois de football et de nzango (jeu traditionnel devenu un sport de compétition) organisée par l’Association Matombi pour le développement durable (AMDD), une ONG locale.
Les organisateurs entendaient ainsi "offrir des loisirs sains aux villageois et renforcer l’unité parmi eux". Pari semble-t-il réussi. " Notre équipe a remporté le tournoi de nzango. Mais, l’essentiel est que nous nous soyons bien amusées. Ce qui a renforcé en nous l’esprit d’équipe, de sportivité et d’unité dans le village", estime Grâce Myriam Safou, jeune joueuse de l’équipe Chaleur, sacrée championne pour la deuxième fois consécutive face aux mamans de Matombi.
Au cours de ces tournois, les jeunes joueuses ont reçu trophées et kits scolaires. Les plus âgées, y voient, elles, un "gain sanitaire" : "Le trophée, c’est pour les enfants ! L’important est que mon corps se soit dégourdi. Le sport, c’est bon pour la santé. Ça doit continuer, car les loisirs sont rares chez nous", déplore Élisabeth Kambissi, quinquagénaire et joueuse de nzango de l’équipe des mamans de Matombi.
Des loisirs sains qui manquent dans bon nombre de villages. A Bilala, dans le district de Mvouti à une soixantaine de kilomètre de Pointe-Noire, d’autres femmes ont, du 4 au 7 septembre, bénéficié des Journées théâtrales en campagne (Joutec, 11e édition) organisée par la compagnie congolaise Bivelas de Pointe-Noire.
"Une école pour nos filles"
Durant quatre jours, des comédiens venus du Gabon, du Cameroun, de Côte-d’Ivoire, ainsi que ceux de Brazzaville et de Pointe-Noire, ont offert aux populations de Bilala des pièces et des contes qui les ont à la fois diverties et éduquées. A l’image de la pièce La Rage de Staliane, de la compagnie Les Grands As de Pointe-Noire qui décrit le sursaut d’une fille révoltée par les querelles de ses parents. Une invitation aux adultes d’épargner les enfants du traumatisme psychologique lié à leurs disputes. Pour Rebecca Mombo, habitante de Bilala, "ce genre de moments nous manquent. Nous en avons besoin de manière irrépressible, car ils représentent une école pour nos filles."
Selon certains habitants, pendant les vacances, faute de divertissements, des jeunes consomment de l’alcool ou ont des relations sexuelles non protégées, suivies de grossesses précoces. "Lorsque l’enfant n’est pas occupé, il s’ennuie et se livre à des pratiques immorales. Certains sont exposés aux IST (infections sexuellement transmissibles). Tout ça à cause du manque de loisirs sains pouvant participer à leur éducation", regrette Laurent Tchissambou, natif de Matombi, professeur d’université à la retraite et secrétaire général de l’AMDD.
Jean Christophe Nzaou, professeur de mathématiques au collège et habitant de Bilala, est lui persuadé que le théâtre peut "éveiller les talents artistiques des enfants". Genalvie Grâce Paka, 8 ans, a ainsi été marquée par Staliane, symbole d’une fille instruite et intelligente : "Quand j’irai à Pointe-Noire, je m’inscrirai dans la compagnie Les Grands As pour manipuler facilement la langue française comme Staliane. Moi aussi, je pourrai parler aisément en public."
Théâtre, nzango, foot… Certaines autorités locales étudient "la possibilité d’organiser des initiatives similaires dans tous les villages du district", envisage Boniface Tchitembo, sous-préfet de Loango. Une volonté qui, si elle se concrétisait, ferait certainement la joie des femmes et filles des villages concernés.
John Ndinga-Ngoma
Octobre 2014