(Syfia/CRP) Sous l'impulsion d'ONG spécialisées et de certaines écoles, des enfants de Pointe-Noire parviennent à convaincre leurs parents de ne plus transporter ni conserver des aliments dans des sachets plastique qui dégradent l'environnement. Ils commencent à être aussi entendus par les autorités.
École privée Sainte Suzanne de Songolo, dans le quatrième arrondissement de Pointe-Noire. Diana Batalou est au préscolaire. Avant d’entrer en classe, elle jette l’emballage plastique de son jus dans le trou creusé derrière le bâtiment de la direction. "La saleté rend malade", dit-elle.
Si la cour de Sainte Suzanne est "d’une incroyable propreté", selon Jean Pierre Soumbou, chef du quartier, c’est parce que les élèves ont acquis certains réflexes. Chaque matin, leur première tâche consiste à ramasser les feuilles de papier et autres déchets qui traînent dans la concession scolaire et aux alentours. "La saleté est notre ennemie, comme nous disent les professeurs", lance Chelga Tsadi, élève de 3e. Elle ajoute :"Le pire adversaire pour notre avenir, c’est le sachet plastique, car il empêche les plantes de pousser."
Le directeur des études, Alain Kimbembé, reconnaît qu’auparavant on n’entendait pas les enfants de Sainte Suzanne raisonner de la sorte. "Ce, dit-il, malgré les notions environnementales inculquées dans les cours d’hygiène ou de Sciences de la vie et de la terre (SVT)". Ce changement de mentalités est en grande partie imputable aux campagnes des ONG dont le Réseau national agropastoral et de l’environnement (Renape) qui organise des sensibilisations dans les écoles et les quartiers. Des campagnes relayées de manière parfois un peu musclée par certains établissements. "Un élève qui abandonne le sachet dans la cour est mis à genoux pendant une trentaine de minutes", souligne Alain Kimbembé.
Paniers en lianes, récipients en verre
L’implication plus ou moins spontanée des jeunes est à la mesure du danger que représente la pollution. "Pointe-Noire risque de devenir une ville à sol plastique", s’écriait en mai dernier, lors d'une session du conseil municipal, Jean Médard Diambou, spécialiste de l’environnement. Parlant d’une étude menée l’année dernière par la direction départementale de l’Environnement de Pointe-Noire, il explique que des millions de sacs plastique sont abandonnés chaque année dans la ville et utilisés chaque jour pour transporter ou conserver des produits comme l’huile, le pétrole lampant, la pâte d’arachide, la viande et le poisson.
La mère de Chelga, Lydie Tsadi, ne transporte ni ne conserve plus ses aliments dans ces sacs. Elle regrette d'avoir pendant longtemps "contribué à hypothéquer l’avenir des enfants" et utilise désormais des paniers en rotin ou en lianes, comme cela se faisait jusqu'aux années 1970. Son huile, elle la garde dorénavant dans les récipients en verre. Elle explique son changement d’attitude par les pressions de sa fille : "Au départ, je la trouvais impolie, car elle m’imposait de ne plus utiliser de sachets. Mais, maintenant, je m’adapte."
Plusieurs jeunes plaident pour que les adultes renouent avec d'anciens modes de transport des denrées et de conservation. En juin dernier, le ministère des Affaires sociales a collecté des lettres écrites par des enfants. Au cours de cette cérémonie, plus d’une centaine de paniers en lianes ont été distribués à des femmes de Pointe-Noire. Ce soir-là, Reine Ndonga, une jeune membre du Cercle culturel pour enfants, une ONG, déclarait en substance : "Il faut qu'adultes et autorités nous épargnent des dangers du sachet plastique. En utilisant le raphia ou les lianes, on remettrait au goût du jour des métiers artisanaux comme la vannerie".
Interdire ou bien recycler le sachet
Pour certains, les consommateurs ne sont pas seuls responsables. "Si ces sacs traînent partout, c’est parce qu’ils ne sont pas ramassés, comme les autres déchets ménagers, observe Stéphane, un commerçant. Il y a une la défaillance des services de voirie." Vincent Téliane Tchicaya, attaché de presse du maire de Pointe-Noire, reconnaît le problème. Cependant, assure Téliane, "comme vous le constatez déjà, dans le cadre du plan triennal d’investissement 2010-2012, l’accent sera mis sur l’assainissement. D’ailleurs, des tas d’immondices géants comme celui de Fond Tié Tié (quartier de l’est de la ville, Ndlr) disparaissent progressivement".
Pour Marceline Pandzou Tsimba, vendeuse de beignets, le problème doit être réglé au plus haut niveau : "Le sachet n’est pas seulement l’affaire de la mairie. C’est au gouvernement d’en interdire l’importation ou la production comme l'ont fait le Gabon ou le Rwanda". Une perspective pas forcément bien accueillie par certains entrepreneurs. Le responsable d’une société de traitement des eaux propose ainsi une alternative : "On peut lutter contre le sachet pourvu qu’on le recycle, en fabriquant par exemple des pavés pour le revêtement des sols ou des routes". Ce qui ne serait pas sans poser d'autres contraintes... "Recycler, c’est bien, mais il faut vérifier que ce traitement des déchets ne pollue pas l’air, les eaux ou les plantes", s’inquiète Crépin Télinganou, président du Renape.
John Ndinga-Ngoma
Juillet 2010