(CRP/Syfia) A Sibiti, dans la Lékoumou (sud-ouest du Congo), tout ne s’arrête pas à la mort du mari. Des veuves, regroupées dans une association, s’entraident et sont autonomes en vendant le fruit de leurs récoltes.
"A travers les activités agricoles, nous nous occupons de nos enfants laissés par nos défunts époux, tout en faisant face à nos propres besoins. Pour nous, c’est une manière d’immortaliser nos époux !", lance Célestine Ndeme, la cinquante révolue, mère de 5 enfants et veuve depuis 1990.
Célestine Ndeme est la présidente de l’Association des veuves pour le développement (AVD) qui compte actuellement une vingtaine de membres. Grâce aux activités agricoles, ces dernières s’entraident. "Nous avons un champ de manioc sur un hectare, un hectare de champ d’arachides et un demi hectare où nous avons planté l’oignon local. Entre membres, nous partageons une bonne partie des revenus de nos récoltes pour nos besoins quotidiens. L’autre partie est gardée en banque. Elle peut nous servir pour acheter des semences et bien d’autres besoins de l’association", explique Célestine.
Ces dernières années, son association a bénéficié de différents soutiens. "Nous avons réalisé nos objectifs avec l’appui de certains partenaires comme le Programme alimentaire mondial (PAM) qui nous a fourni des semences diverses en 2002. Le Projet de consolidation de la réconciliation (PCR) qui nous a apporté un appui financier et technique. Nous avons aussi cultivé trois hectares de manioc en 2012, grâce au Projet de développement agricole et de réhabilitation des pistes rurales (PDARP)", énumère encore Célestine. Des aides d’autant plus indispensables que certaines de ces veuves estiment que "les autorités sont insensibles à nos doléances et ne soutiennent pas notre association."
En attendant la loi…
De son coté, Jean Claude Bassouamina Louzolo, directeur départemental de l’Intégration de la femme au développement précise : "Nous travaillons avec les associations pour les amener au développement. Si, au niveau de l’AVD, les veuves se plaignent que les pouvoirs publics ne leur apportent pas un appui pour la pleine réalisation de leur projet, l’autre peine des veuves reste les rapports toujours conflictuels qu’elles entretiennent avec les parents de leurs défunts époux." Une veuve confirme : "Depuis que mon époux est décédé voici plusieurs années, ses parents m’interdisent d’utiliser les lopins de terre qui nous appartiennent. Chaque saison sèche, je suis obligée de payer une rente pour avoir un lopin de terre et entreprendre des activités agricoles."
A ce refus du droit à la terre aux veuves, s’ajoute, dans la plupart des cas, celui du non accès à la pension laissée par le défunt ou encore le refus des parents du défunt d’assurer l’encadrement des orphelins, les laissant entièrement à la charge de la veuve…
En attendant l’adoption de la loi portant protection de la veuve en République du Congo par le Parlement, loi introduite à l’Assemblée, les veuves de Sibiti comptent sur leur sens associatif et leur solidarité pour éduquer leurs enfants, orphelins de père. Une manière, répètent-elles, "d’immortaliser" leurs défunts époux.
Emmanuel Libondo
Juillet 2014