(CRP/Syfia) A Mengo, dans le département du Kouilou, à environ 10 km de Pointe-Noire, certaines femmes demandent la réouverture d'un centre d'alphabétisation.
"Il n’est jamais trop tard pour apprendre ! Je dois suivre les cours du soir !", réclame, d'un ton décidé, Gisèle Tati, la quarantaine révolue et femme au foyer. Déclaration faite au cours d’un débat communautaire organisé par le Centre de Ressources pour la Presse (CRP) en octobre 2016, à Mengo.
Dans cette localité d’environ 1 000 habitants (département du Kouilou), située à près de 10 km de Pointe-Noire, Gisèle n’est pas l’unique femme à vouloir reprendre les études. "Nous voulons qu’on nous construise un nouveau centre d’éducation pour les cours du soir. Un centre qui pourrait être bénéfique pour nous autres parents. Apprendre quelque chose en français, cela fait du bien !", souhaite Prisca Tamba, mariée, dans la trentaine.
Pour les femmes de Mengo, l’heure de la mondialisation et de l’émancipation a sonné ! "L'analphabétisme constitue un frein à notre intégration dans la société. C'est aussi un handicap pour lutter contre la pauvreté et défendre nos droits face aux multiples violations dont nous sommes victimes", pensent-elles. Certaines évoquent en particulier les messages que leurs rivales envoient à leurs époux. Messages pour l'instant illisibles pour elles...
Jean Jacques Mabika, chef de service enseignement fondamental et de l’alphabétisation à la direction de l’Enseignement primaire et secondaire du Kouilou, trouve cette demande "légitime, car l’éducation n’est pas réservée aux enfants. Elle est aussi pour les adultes. Les commerçantes doivent savoir lire, écrire et compter. Si elles ne savent pas comment manipuler le français, ni calculer, elles ne peuvent pas bien mener leurs activités."
Relancer l’expérience Megalloy
A Mengo, une première tentative des cours du soir avec une vingtaine d'adultes a été expérimentée dans les années 90 par Megalloy, une société minière canadienne. "Nous suivions des cours du soir. Nous étions mélangées avec des petites filles du village. Ces cours ont permis à certaines d'être capables de rendre la différence quand elles vendent du manioc", se souvient Albertine, aujourd'hui dans la cinquantaine.
Mais, les Canadiens sont partis en 2011. Depuis, leur centre est fermé et personne, pas une autorité, ni une OSC, ni même un particulier, n'a jugé utile d'investir pour le rouvrir. Du coup, le nombre d'adultes analphabètes augmente à Mengo. La plupart d'entre eux peinent à trouver du travail. De quoi nourrir les regrets des habitants... "Les Canadiens avaient recruté un garçon qui s’occupait du centre. Cette entreprise mettait tout en œuvre pour que les populations apprennent avec beaucoup de sérénité. Elle avait même fourni un groupe électrogène", se souvient Jean Jacques Mabika.
Certes, il existe une école publique dans le village, mais, il n’y a plus d’enseignants spécialisés dans la formation des adultes. "Un enseignant du primaire n’a pas les mêmes aptitudes pour prendre en charge l’éducation des adultes. Au niveau de l’université, la filière spécialisée sur cet enseignement est fermée depuis 10 ans", déplore encore le chef de service enseignement fondamental et de l’alphabétisation.
Toutefois, l’administration se dit optimiste quant à la relance des cours du soir non seulement à Mengo, mais dans tout le département du Kouilou. "Nous verrons avec l’aide de nos partenaires comment rouvrir ces centres d'alphabétisation. Nous allons nous y mettre pour satisfaire ces femmes et hommes qui veulent les fréquenter. Pour Mengo, c’est l’occasion pour nous de nous lever dès demain et de regarder ce que nous pouvons faire", promettait dernièrement Jean Jacques Mabika.
Plusieurs semaines plus tard, aucun nouveau centre d'alphabétisation n'a pour le moment vu le jour à Mengo...
Haircy Mbimi
Janvier 2017