(CRP/Syfia) Tenaces barrières culturelles... Malgré de multiples initiatives de rapprochement à Djambala dans les Plateaux, les autochtones ont du mal à trouver leur place dans la société. Un blocage qui les maintient dans la précarité.
"Les Bantous font de plus en plus d’efforts pour se rapprocher des autochtones, mais le problème vient de leur côté ! Ils refusent de s’unir à nous pour des raisons que je crois culturelles", estime Jean Pierre Mountali, bantou et chef du quartier Ngambao, à Djambala.
Dans cette localité du département des Plateaux et ses environs, les Bantous sont majoritaires. La loi n°5-2011, du 25 février 2011, portant promotion et protection des droits des populations autochtones, peine donc à être respectée. "Les autorités locales et les associations ont la responsabilité de faire connaître aux autochtones leurs droits. Cela ne s’arrête pas au seul fait de changer leur appellation, leur nom (cf. interdiction désormais du terme "Pygmées", Ndlr)", avance encore M. Mountali. Il fait notamment allusion au droit de tous les autochtones à avoir une habitation décente et à être mieux intégrés.
Pour sa part, Martine Joëlle Gabio, présidente de Jeunesse Onari d'Abala Ndolo, une OSC qui ne compte aucun autochtone parmi ses 11 membres, se questionne : "Je ne sais pas pourquoi ils nous craignent. Nous sommes pourtant tous égaux devant la loi !" Martine encourage donc les femmes autochtones à se joindre à elle, dans son association, pour une collaboration d’égale à égale, dans le travail des champs. Une initiative qu’applaudit le chef de quartier Ngambao, même s'il reste sceptique : "En 2000, j’ai cédé un hectare de mes terres aux autochtones qui voulaient faire des champs ou construire leurs maisons. Mais, finalement, ils ont préféré aller travailler pour des Bantous..."
Les préjugés ancestraux ont la peau dure. Et même si les mentalités commencent à changer, "les stigmates du passé demeurent. L'autochtone a encore du mal à se considérer comme l’égal du Bantou", renchérit Jean Pierre Mountali. Il en est persuadé, "plus les autochtones ignorent leurs droits, plus ils subissent des injustices et ont du mal à s’intégrer." Une réalité qu’a aussi observée Colette Otanko (Maman Coco), présidente de l’association Les Compagnons du devoir et de l’action (Codac). "Beaucoup d'autochtones continuent d’accoucher dans leurs maisons, alors qu’elles peuvent être prises en charge gratuitement depuis les consultations prénatales jusqu’à l’accouchement, grâce à une décision ministérielle", indique-t-elle, insistant sur leur habitude à accoucher à domicile, aidées par des matrones traditionnelles. D'où la nécessité, pour Maman Coco, "d'informer ces femmes pour les encourager à venir à l'hôpital se faire consulter."
Petites avancées
Un travail de longue haleine selon Kihoulou Boueya, chef de la circonscription d’actions sociales de Djambala : "Par exemple, en 2016, nous avons placé deux enfants dans des ateliers pour qu'ils apprennent des métiers. Mais, la plupart ne terminent pas la formation. Même chose pour la scolarisation... Ce n’est pas facile de maintenir ces enfants à l’école, même quand on offre en début d’année des kits et qu'on met en place des cantines scolaires..."
Pour Ngantsibi Aymar, lui aussi de la circonscription d’actions sociales, "les autochtones qui commencent à prendre conscience de leurs droits, restent minoritaires. A l’exception de Charles Imfoulambi (autochtone, qui travaille et apprend à conduire, Ndlr) et de quelques autres, beaucoup demeurent dans la précarité."
Plus conciliante, Germaine Inko, directrice départementale de l’Intégration de la femme au développement, indique pour sa part que "les autochtones font déjà d’énormes efforts. Ils commencent à construire leurs maisons avec des briques dures. Charles est l’exemple le plus frappant ! Dans sa maison, il y a tout ce qu’un Bantou peut avoir."
Aujourd’hui, même s’il existe de petites avancées çà et là, il n’en demeure pas moins que les relations ne sont pas encore d’égal à égal. "Les Bantous disent que nous sommes égaux, mais quand ils mettent nos femmes enceintes, nous ne disons rien. Par contre, quand c’est le contraire, ils nous font la guerre !", souligne Charles. Selon lui, une bonne égalité commencerait par là.
Jean-Pierre Mountali confirme que, pour le moment, il n'y a presque pas de couples mixtes autochtones-bantous s'affichant comme tels à Djambala et ses environs immédiats. Ce genre d'unions restant encore mal perçues...
Annette Kouamba Matondo
Janvier 2017