(CRP/Syfia) Dans la Cuvette-Ouest comme ailleurs au Congo, après une séparation, la charge des enfants revient généralement à la mère. Cette dernière se bat souvent seule pour les nourrir, les scolariser et les soigner. Quand le père ne verse aucune pension alimentaire, elle peut se tourner vers le juge pour enfants ou la gendarmerie.
« Mon mari m’a abandonnée avec les enfants dans la parcelle de ses parents, dans une maison sans porte, qui suintait. Il est allé louer une autre maison avec sa nouvelle femme ! », résume avec amertume Anaïs*, une habitante d’Ewo, chef-lieu départemental de la Cuvette-Ouest. Les raisons de cet abandon ? « Le mari d’Anaïs* a été surpris en flagrant délit d’adultère... Après avoir payé une amende lors d’un arrangement à l’amiable, il s’est marié avec une autre femme », croit savoir un habitant du village où vivait ce couple, marié coutumièrement.
Séparée de son mari en 2007, Anaïs*, dans la quarantaine, s’occupe désormais seule de ses six enfants grâce à l’agriculture, la cueillette et le commerce du « coco » (gnetum africanum, plante aux feuilles riches en protéines, Ndlr). « Mon ex-mari ne leur donne pas un franc, ni à la fin du mois, ni même pendant les fêtes ! Il ne fait pas non plus face aux ordonnances quand les enfants sont malades. Une fois, j’ai porté plainte contre lui à la gendarmerie. Il a du payer 25 000 Fcfa (38 €) d’amende, mais depuis, il ne change pas…», regrette Anaïs*, aujourd’hui surnommée par ses enfants « femme-homme ». « Nous sommes en vie grâce à maman ! Papa ne nous visite jamais. Nous ne le rencontrons qu’à son lieu de service ou en chemin… », témoigne un de ses fils, élève en terminale au lycée d’Ewo.
Abandonner femme et enfants après une séparation est une pratique de certains hommes au village, mais pas seulement. En ville aussi, plusieurs d’entre eux n’honorent pas leurs engagements. « Avec mon époux, nous nous sommes séparés il y a douze ans. Nous n’étions mariés que coutumièrement. Au moment de notre séparation, notre premier fils avait 2 ans, le second 1 an, et j’étais enceinte de 4 mois... Depuis notre séparation, mon mari ne demande même pas l’état de santé de ses enfants et il ne leur envoie pas d’argent. Je le considère donc comme déjà mort ! Je suis la seule à les nourrir, à m’occuper de leur scolarité et de leur santé. Je vends les skys (glaces, sucettes dont les jeunes raffolent, Ndlr), gâteaux, gingembre… », raconte Albertine*, 30 ans environ, habitant à Brazzaville.
Obligation légale
Pourtant, le Code de la famille congolaise de 1984 en son article 178, précise « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, élever et instruire leurs enfants. » L’article 195 précise même : « quelle que soit la personne à laquelle les enfants issus du mariage seront confiés, les pères et mères conserveront respectivement le droit de surveiller l’entretien et l’éducation de leur enfants et seront tenus d’y contribuer à proposition de leurs facultés. Le tribunal (…) peut également à tout moment modifier le montant de la pension alimentaire, la garde ou seulement le droit de visite si les circonstances l’exigent à la requête des père et mère ou le ministère public. »
En principe, le parent absent verse à la fin de chaque mois une pension alimentaire. S’il ne le fait pas, l’autre parent peut se tourner vers le juge pour enfants ou la gendarmerie. Albertine* encourage les femmes à ne plus se laisser faire : « Je demande à celles qui négligent leurs enfants après un divorce de mieux s’occuper d’eux, car ils sont leur retraite de demain. Si tu t’occupes de tes enfants aujourd’hui, plus tard tu seras dans la joie !»
Angélique Onounga, directrice départementale de la Promotion de la femme de la Cuvette-Ouest, affirme avoir déjà résolu plusieurs abandons familiaux, en orientant les femmes délaissées avec leurs enfants vers les Affaires sociales. Elle se souvient en particulier « d’un monsieur qui avait déchiré même les cahiers de ses propres enfants. Ces derniers se sont retrouvés à la traîne à l’école. J’ai donné 5 000 Fcfa (7,5 euros) à leur mère pour acheter quelques cahiers. Aujourd’hui, ils sont tous les quatre scolarisés. » Il aura fallu un petit coup de pouce d’une autorité et surtout le courage d’une maman pour arriver à ce résultat précaire...
*Prénoms d’emprunt
Viviane Bonaventure Nkoua
Avril 2016