(CRP/Syfia) A Pointe-Noire, des femmes battues osent enfin quitter leurs foyers. Démunies, elles sont recueillies et conseillées par des ONG. S'en suivent des médiations ou des poursuites devant les tribunaux.
Thérèse*, la quarantaine, est séparée de son mari violent depuis deux ans. Elle loge pour le moment au siège du Réseau des associations pour la solidarité positive du Congo (RASPC) au quartier Mbota (arrondissement 4 Loandjili) de Pointe-Noire. D'autres femmes violentées trouvent gratuitement refuge dans des associations spécialisées. Elles restent ici le temps de reprendre des forces, puis quittent volontairement les lieux.
Le RASPC arrive parfois à jouer la médiation en conseillant les époux. La femme regagne alors le foyer. Mais, si elle estime qu’il faut intenter une action en Justice, le RASPC la soutient, même si les 20 employés qui y travaillent ne sont pas juristes de formation. Dix personnes ont ainsi été poursuivies en Justice depuis les débuts du réseau en 2007. Certaines procédures sont encore en cours. Rappelons que, en vertu du Code pénal (article 311), les maris violents risquent un emprisonnement deux à cinq ans assorti d’une amende de 4 000 à 48 000 Fcfa (6 à 75 euros).
Grâce à « Femme ne pleure pas, agis ! », ONG membre du RASPC, Thérèse est de celles qui ont remporté une bataille juridique. Le tribunal de grande instance de Pointe-Noire a en effet contraint son ex-compagnon à récupérer leur aîné et à assurer tous les besoins de l’autre enfant qui vit avec elle. Ce qui ne signifie pas pour autant la fin de ses ennuis... « La femme peut regagner le toit parental, mais, la cohabitation avec les autres membres de la famille devient parfois conflictuelle, surtout avec les sœurs qui cherchent des occasions pour se moquer de toi. Ce qui du coup aggrave le choc moral. Il faut alors un endroit où l’on peut se reposer et se réconforter », souligne Thérèse.
« Reconstruire ma vie »
Ce refuge, c’est donc le RASPC où Thérèse est logée avec deux autres femmes. Ce réseau avait déjà hébergé, en 2012, une vingtaine de victimes de violences conjugales dans différents foyers. Depuis sa création, le RASPC s’est constitué partie civile pour des victimes d'abus de toutes sortes. « Des femmes qui, exaspérées par des violences morales et physiques, se confient à nous pour que nous portions plainte contre leurs bourreaux et suivions leur cas en Justice », précise Beau Paul Makouangou, responsable du RASPC.
Il ajoute, à propos de l’hébergement proposé aux victimes : « Avant, pendant ou après la procédure, certaines se demandent ‘‘où vais-je aller ?’’ Nous leur proposons de passer quelques instants chez nous. C’est un moyen de les aider à atténuer le choc en attendant une solution durable. »
Une démarche qui s’avère parfois payante. « Ma fille a été formée en coiffure. Une femme vient de lui proposer de travailler dans son salon, ceci grâce à l’aide du RASPC. Je suis sûre que ce réseau trouvera aussi pour moi une solution. Et, sous peu, je pourrais vivre dignement chez moi et reconstruire ma vie », envisage Jeanne*, également « pensionnaire » du RASPC, après avoir été répudiée il y a un an par son conjoint, avec ses enfants d’un premier lit, « sans raison valable », selon elle. Jeanne espère une médiation entre elle et son ex-compagnon afin que l’harmonie revienne dans leur maison.
Pouvoirs publics absents
Pas évident de faire face à toutes ces attentes. Le RASPC connaît ainsi des difficultés matérielles. « Quand nous avons commencé, nous avions une petite ferme porcine. Nous vendions les bêtes pour subvenir aux besoins des femmes que nous hébergions. Mais, tous les porcs ont été emportés par la peste... Désormais, nous nous débrouillons avec les maigres cotisations de nos membres. Et, très souvent, je prends dans ma propre poche... Les femmes battues comprennent nos difficultés et finissent par partir », reconnait Beau Paul.
Quant aux pouvoirs publics, ils semblent étrangement absents... Beau Paul confirme : « Jusqu’ici, une seule fois, les Affaires Sociales (direction départementale de Pointe-Noire, Ndlr) nous ont remis 25 000 Fcfa (moins de 40 €) pour acheter la layette d’une femme. »
* Prénoms d'emprunt
John Ndinga-Ngoma
Juin 2016