(CRP/Syfia) Coût élevé de la vie, accès aux nouvelles méthodes contraceptives… A Djambala, chef-lieu du département des Plateaux, à près de 450 km au nord de Brazzaville, une majorité de femmes autochtones, soutenues par leurs maris, limitent à présent les naissances. Elles comptent ainsi préserver leur santé et assurer une meilleure qualité de vie à leurs enfants.
« Après mon accouchement, les sages-femmes m’ont dit qu’il fallait attendre que mon enfant grandisse pour que je tombe à nouveau enceinte. Elles m’ont proposé des méthodes contraceptives modernes comme la pilule ou le stérilet », explique Ardolie Invantsina, 19 ans, mère célibataire d’une fille.
A Djambala, chef-lieu du département des Plateaux, à près de 450 km au nord de Brazzaville, des jeunes filles autochtones ont décidé de limiter les naissances. « Prendre soin d’un enfant, ce n’est pas facile. Les femmes n’accouchent plus comme avant, car plus tu accouches, plus tu fanes, tu vieillis ! », avance Ardolie. La jeune maman pense que « l’arrivée d’un enfant peut chambouler toute une vie. Je ne suis donc pas prête à tomber à nouveau enceinte ! »
Rendez-vous au centre de santé intégré
Decelie Maboubaki, 30 ans, mère d’un enfant de 4 ans, a quant à elle opté pour une contraception moderne (comprimés), à la demande de son mari : « J’ai choisi d’espacer les naissances pour m’occuper de mon enfant, puis de mon foyer et, enfin, de vaquer à mes activités champêtres. » Decelie est la première épouse de Charles Efouambi, chef du campement des autochtones du quartier Goulanyo. Un mari qu’elle partage avec deux autres co-épouses. Fadia Akiakani, 25 ans, coiffeuse de formation et troisième épouse de Charles, a elle ses propres astuces pour ne pas tomber enceinte : « Quand mon mari veut de moi et que je suis en période de fécondité, je le pousse vers l’une de ses autres épouses. Je ne suis pas prête à concevoir, car nous n’avons parfois même pas de quoi manger ! »
Convaincue, Fadia conseille les filles de son entourage de limiter elles aussi les naissances pour espérer une meilleure qualité de vie. « Même si un bébé s’annonce, si le couple n’est pas prêt à en avoir un, il devrait pouvoir décider ensemble de le garder ou de l’évacuer… », explique-t-elle avant de terminer ses propos par un rire gêné, suivie des autres femmes. Au Congo, l’avortement n’est en effet ni légalement, ni socialement accepté, mais il arrive que certaines personnes le pratiquent secrètement.
Si quelques unes commencent à prendre conscience de la nécessité de limiter les naissances, beaucoup reste cependant à faire… « Pour qu’une femme autochtone accouche à l’hôpital, il faut que l’accouchement soit à risques, sinon, elle donne naissance chez elle… », déplore Colette Otanko (Maman Coco), présidente de l’association Les Compagnons du devoir et de l’action (Codac). Colette observe cependant un petit changement de comportement depuis l’application de la loi 05-2011 du 25 février portant promotion et protection des droits des populations autochtones en République du Congo, mais demande à multiplier les sensibilisations pour faciliter la fréquentation du centre de santé intégré : « Chaque jeudi au CSI, nous avons des séances de sensibilisation sur les méthodes contraceptives. Les autochtones viennent, disparaissent et réapparaissent parfois trois mois plus tard. Difficile pour nous d’assurer le suivi… »
Continuer à éduquer
Toutefois, dans les campements autochtones, les hommes aussi commencent à modifier leurs habitudes. A l’image de Charles Efouambi : « J’attends que mon enfant ait entre 3 et 4 ans pour en faire un autre, car le coût de la vie actuelle ne me permet pas d’avoir trop d’enfants. En plus, la femme s’épuise vite, c’est pour cette raison que j’envoie mes femmes à l’hôpital pour qu’elles prennent des contraceptifs afin d’éviter de tomber enceintes. »
L’histoire ne dit pas si Charles utilise lui-même des préservatifs pour participer, lui aussi, à la contraception et éviter tout risque de maladie sexuellement transmissible. Maman Coco encourage cependant ses efforts pour limiter les naissances, car « les grossesses précoces et incontrôlées freinent l’épanouissement de la femme et la rendent moins productive. Le fait de ne pas savoir lire et écrire est un réel problème, car ces femmes ne tiennent pas compte de la date du rendez-vous inscrite sur leur carnet. »
Colette Otanko pense donc qu’il est capital de continuer à éduquer : « Plus tu accouches, plus tu t’appauvris ! C’est cela qu’il faut répéter, afin que les femmes autochtones en prennent conscience ! »
Annette Kouamba Matondo
Octobre 2016