(Syfia/CRP) La santé n’a pas de prix, dit-on. Nombreux sont pourtant les Congolais qui, par souci d’économie, se soignent sans avis médical et achètent leurs médicaments dans la rue. Beaucoup meurent avant d’arriver à l’hôpital ou y débarquent dans un état critique. L’arrivée dans les pharmacies de génériques, médicaments vendus à bas prix et en petites quantités, pourrait, à terme, être une alternative.
Un après-midi d’octobre, Médard, la gorge "brûlée" après avoir consommé un médicament acheté chez des vendeurs ambulants, arrive en urgence au Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Brazzaville. Il fait partie de ces Congolais qui, redoutant les prix des consultations dans les hôpitaux -entre 5 000 Fcfa (parfois moins dans les cabinets de fortune tenus par des infirmiers ou des médecins improvisés) et 20 000 Fcfa, soit entre 8 € et 30 €-, se "soignent" eux-mêmes. Martin Okouo, gastro-entérologue au CHU, explique : "la base de l’automédication est la pauvreté. L’absence de sécurité sociale fait que les gens y ont recours plutôt que de sortir d’une consultation avec une ordonnance".
Ces derniers temps, les tarifs des consultations ont peu augmenté, mais les Congolais, nombreux à être au chômage ou à gagner tout juste le SMIG (50 000 Fcfa, soit environ 75 €/mois), pensent faire des économies en achetant leurs médicaments dans la rue. C’est seulement quand le mal empire qu’ils se précipitent vers les hôpitaux. Des gens meurent avant ou y arrivent dans un état critique. La situation est la même dans presque tous les centres hospitaliers du Congo. En 2008, le CHU, miroir des centres hospitaliers du pays, a enregistré seulement près de 43 000 consultations, contre 55 000 en 2007 et 59 000 en 2006. Le docteur Moussahou, gynécologue à l’hôpital de base de Makélékélé, deuxième grand centre de santé de Brazzaville, sans avancer de chiffres, évoque également une baisse.
Médicaments faux ou périmés
Le Dr Okouo observe deux types de malades. Le plus instruit, à partir du nom d’un médicament qui a par le passé soulagé un de ses proches souffrant selon lui plus ou moins du même mal, va en pharmacie. L’autre se rend plutôt chez les Bana bilongo (jeunes vendeurs ambulants). "Quand j’ai le paludisme ou de la fièvre, avec 2 000 Fcfa (environ 3 €), j’ai un traitement. En pharmacie, je devrais dépenser près de 5 000 pour des antipaludéens", explique Aymar, qui s'approvisionne en médicaments dans la rue.
Une économie à court terme, car les remèdes exposés en plein soleil au bord de la route sont certes moins chers qu’en pharmacie, mais sont souvent faux ou périmés. En consommer peut donc gravement nuire à la santé. "Un produit recommandé à une tierce personne sans avis médical, peut provoquer des effets indésirables", fait remarquer le Dr Okouo. Un autre médecin prévient : "ces médicaments se dégradent et deviennent un poison. Ils donnent des vertiges, des nausées, des démangeaisons, des troubles visuels, etc." "Un remède mal utilisé ne soigne pas et permet à l’organisme de développer une résistance à certains médicaments", explique Irène Ossa, pharmacienne. Les faux médicaments (antipaludéens, antibiotiques, etc.), sont en particulier sous dosés en produits actifs. Les malades sont donc contraints, soit de multiplier les traitements, soit d'aller à l'hôpital. Finalement, ces "remèdes", dangereux pour la santé, sont aussi très chers…
La solution des génériques
Au niveau des pharmacies justement, le problème du prix élevé des médicaments est en passe d’être résolu. Depuis septembre 2009, après certains centres de santé intégrés à l'intérieur du pays, elles sont aussi autorisées à vendre au détail des génériques tels des plaquettes de paracétamols à 250 Fcfa (0,4 €) ou des vermifuges à 400 Fcfa (0,6 €). Les génériques arrivent généralement dans des boîtes de 1 000 comprimés, les pharmacies les transvasent par lots de 10-20 voire 30 dans des sachets. Une campagne a été lancée par le gouvernement en juin pour vulgariser la prescription des génériques, mais bon nombre de médecins restent attachés aux médicaments classiques.
Par ailleurs, le ministère de la Santé et des laboratoires ont fait retirer des officines et défendu la vente de certains médicaments, les estimant nuisibles pour la santé. Mais, il arrive de les retrouver sur le marché, faute de contrôle suffisant en amont. Dieudonné Moussala, président local de l’Association internationale des consommateurs plaide pour la mise en place par les pouvoirs publics "d’une structure de surveillance de qualité des médicaments vendus dans la rue et dans les pharmacies, qui tienne compte du revenu mensuel du dernier citoyen. Il ajoute : Nous éviterons ainsi les morts dues à la mauvaise utilisation des médicaments."
Marien Nzikou-Massala