(CRP/Syfia) Absence d’hôpitaux, école surchargée, difficultés d’approvisionnement en eau potable… A Kitengué, sur l’Île M’bamou, près de Brazzaville, associations de femmes et autorités locales ont débattu récemment de leurs problèmes avec des journalistes.
« Ici, la plupart des femmes donnent la vie dans les maisons aidées par une accoucheuse traditionnelle. Et cela avec tous les risques possibles ! », a lâché d’emblée Xavier Bockondas, président de l’association Cœur de l’Ile M’bamou. C’était au cours d’un débat communautaire organisé le 10 septembre dernier à Kitengué, un village d’environ 800 âmes situé à 9 km de Brazzaville, dans le district de l’île M’bamou, sur le fleuve Congo.
Débat animé en lingala par Viviane Bonaventure Nkoua et Hortense Nathalie Ngatsongo, deux journalistes du projet « Associations et autorités locales contribuent à un respect des droits de femmes rurales pour la lutte contre la pauvreté », sous la supervision de Gaston Elbi Enkari, coordonnateur dudit projet et l’assistance de Fanny Derrien, représentant la Délégation de l’Union européenne.
Au cours de ce débat, une soixantaine de femmes, en majorité des cultivatrices et des maraichères, ont dénoncé, sans langue de bois, le manque de « droit à la santé et à l’éducation ». Des droits pourtant prévus dans la Constitution de 2002, dont ces femmes affirment ne pas bénéficier. « Quand j’étais enceinte, j’étais tout le temps obligée d’aller à Brazzaville pour les examens prénataux. Au moment de l’accouchement, ne pouvant pas me rendre dans la capitale, j’ai accouché à la maison, avec l’aide d’une accoucheuse traditionnelle. Malheureusement, mon enfant a bu le liquide amniotique. Le temps de prendre la pirogue pour Brazzaville, il a succombé pendant le voyage… Si nous avions eu un hôpital sur place, cela ne serait pas arrivé ! », déplore Annie Efikalokoua, mère de cinq enfants et participante au débat.
Abandonnées par les pouvoirs publics ?
Quant aux enfants qui réussissent à arriver au monde, ils sont rapidement confrontés au problème d’eau potable… « Ils consomment parfois l’eau du fleuve, car certaines familles n’ont pas assez d’argent pour s’offrir des bouteilles d’eau minérale », fait savoir madame Mounikini, une autre habitante, obligée d’aller chaque semaine à Brazzaville s’approvisionner en eau. Elle rappelle que « les ‘’Kiténguoises’’ sont des Congolaises au même titre que les Brazzavilloises ! Le gouvernement devrait résoudre nos problèmes. »
Car les problèmes ne manquent pas… A Kitengué, la seule école primaire compte trois enseignants pour environ… 300 élèves ! « Et, quand un enfant obtient son CEPE (Certificat d’études primaires et élémentaires, Ndlr), il doit aller à Lisangha, à 7 kilomètres d’ici. Nous, leurs mères, souhaitions avoir un collège sur place. C’est plus rassurant, en particulier pour nos filles », demande Ngoma Albertine. Massouka Sylvie, une autre habitante, insiste sur ce point : « Si nous voulons le développement du Congo, cela passe aussi par l’éducation. Nous avons donc besoin d’un collège et d’un lycée dans notre village. »
Avec ce débat de septembre dernier, les Kiténguoises ambitionnent trouver des partenaires sûrs pour relayer leurs peines auprès des pouvoirs publics : « J’espère seulement que vous ne venez pas nous perdre le temps comme l’ont déjà fait plusieurs associations ! Elles sont venues nous interroger sur nos problèmes et sont parties sans aucune suite… », se plaint madame Mounikini aux journalistes, sans cacher sa colère.
Avec autant de maux qui empêchent l’épanouissement de cette localité dans laquelle les femmes sont à l’avant-garde du développement avec leurs activités agricoles et commerciales, Philippe Owemeyi, vice-président du village, sollicite l’intervention des pouvoirs publics. Selon lui, « il n’y a aucune infrastructure de l’Etat sur place. Kitengué fait partie du Congo et devrait être considéré comme tout autre village de ce pays.» Il demande en priorité un hôpital pour éviter aux femmes de parcourir des kilomètres pour accoucher ou se faire soigner.
Annette Kouamba Matondo
Septembre 2015