(Syfia/CRP) Arrosée par le deuxième fleuve le plus puissant du monde, le Congo, et par plusieurs cours d’eau, Brazzaville manque paradoxalement d’eau potable. Des forages privés remédient, ici ou là, aux défaillances de la Société nationale de distribution, mais la qualité de leur eau est trop peu contrôlée.
À Brazzaville, Annick Milandou, habitante du quartier Mbouala, se dirige vers un point d’eau situé à 60 mètres de chez elle pour remplir deux bidons de 25 litres pour 50 Fcfa (moins 0,10 €) l’unité.
Depuis trois mois environ, plus de 3 000 habitants des quartiers Mbouala, Moutabala et Kahunga s’approvisionnent ainsi non loin de chez eux de 5 à 20 heures, grâce à quatre points d’eau alimentés par un forage d’un débit de 1m3 d’eau toutes les 15 minutes, qui fonctionne grâce à un groupe électrogène. Avec ce nouveau réseau, ils ne sont plus obligés de marcher sur 3 km pour se rendre au puits le plus proche. Ceux qui disposent d’un réservoir de 1m3 minimum peuvent se raccorder à ce réseau et payent en fonction de leur consommation. "Avant, j’arrivais toujours en retard à l’école, parce qu’il fallait d’abord aller chercher de l'eau très tôt pour se laver", se souvient Séphora Gracia, étudiante en comptabilité.
Ce forage, qui a changé le quotidien des habitants, a été construit par un simple particulier, Jean-Baptiste Mboussi. Confronté au manque d’eau lors de la construction de sa maison, ce dernier s’est décidé, en 2008, à forer le sol sablonneux pour en trouver. Avec sa sœur Clémentine, il a investi plus de 12 millions de Fcfa (plus de 18 000 €) au total et comblé les attentes des habitants, privés d’eau du robinet depuis près de 20 ans, en raison de l'état défectueux du réseau de la Société nationale de distribution d’eau (SNDE).
Risques de contamination
Cette initiative n’est pas isolée. Une cinquantaine de forages privés ou semi-privés existeraient aujourd’hui dans la capitale. Les dysfonctionnements de la SNDE, en partie dus à la vétusté des installations des deux usines de traitement d’eau, Djoué et Djiri, situées respectivement au sud et au nord de la capitale, et au manque d’électricité, ont conduit les pouvoirs publics à libéraliser ce secteur en adoptant, en 2003, un Code de l’eau. Depuis, des particuliers et des ONG investissent ce créneau. C’est le cas, entre autres, des sœurs de la mission catholique de Mfilou dont le forage fonctionne trois jours sur sept, du député de la première circonscription électorale de Mfilou, Thierry Moungalla, et du Comité international de la Croix-Rouge, qui a implanté des forages dans les quartiers sud de Brazzaville. L’État ne s’est pas complètement désengagé. Avec l'aide de la Coopération chinoise, il a construit trois forages à Brazza, dans les quartiers de Massengo, Binkaroua et Moukondo, qui alimentent le réseau de la SNDE.
La multiplication anarchique de points de distribution d’eau résout certes bon nombre de problèmes, mais comporte un inconvénient majeur : l'absence de contrôles réguliers de la qualité de l’eau par les services d’hygiène du ministère de la Santé. Le docteur Bertin Ngolo, chef de service du laboratoire de bromatologie (sciences des aliments) des services d’hygiène, explique cette défaillance par le manque de moyens de sa structure. Il est recommandé aux différents distributeurs privés de respecter et faire respecter la propreté autour de leurs forages, afin de limiter les risques de contamination. Ces points d’eau peuvent en effet être source de maladies, parmi lesquelles le choléra qui a frappé le pays il y a deux ans et dont quelques foyers de résurgence ont été découverts récemment dans le département du Pool, proche de Brazzaville.
Bertier Batebi