(Syfia/CRP) Le nombre et la gravité des accidents à Brazzaville continuent d’inquiéter autorités et associations spécialisées. En cause, le manque de formation des conducteurs, l’augmentation mal maîtrisée du parc automobile et le laxisme de certains policiers.
"Je roulais vite à moto et ce taxi est sorti sans regarder. J’ai paniqué…" Encore sous le coup de l’émotion, Boris témoigne. Ce coup-ci, il s’en tire heureusement avec de simples égratignures au bras. Le bilan matériel de cet accident, survenu le 18 mai dernier à Talangaï, dans le 6ème arrondissement de Brazzaville, est plus grave : la moto est irrécupérable et le pare-brise du taxi cassé...
Autorités et associations ont mené ces derniers temps plusieurs actions pour tenter de raisonner les conducteurs imprudents. L’Association du syndicat des employeurs du transport terrestre en commun du Congo (ASETTCC), en collaboration avec la Direction générale des transports terrestres (DGTT), avait ainsi lancée, en 2009, une opération d’authentification des permis de conduire grâce à laquelle près de 300 faux documents ont été détectés. "Dès le début, comme nous n’avions pas réuni toutes les conditions, cette opération a échoué", relativise Patrick Milandou, président dudit syndicat.
Dans le même élan, la police routière a effectué des contrôles renforcés des dossiers de bord. "Nous infligions des amendes aux chauffeurs qui roulaient sans ceinture et exigions de ceux qui avaient des motos de porter des casques", se souvient un gendarme, selon lequel "aujourd'hui ces sanctions ne sont plus appliquées comme avant." Ce que confirme un chauffeur : "Lorsque les policiers nous interpellent, au lieu de nous conseiller, ils prennent des pots de vin." Une attitude que dénoncent officiellement les autorités qui entendent à l’avenir "sanctionner tout agent surpris en fragrant délit de corruption. La police ne devrait pas être là pour s’entendre dans les petits coins avec les chauffeurs !", déplore le colonel Jean Aive Alakoua, porte parole de la Police nationale.
Vitesse et non respect du code de la route
Selon lui, les derniers accidents sont dus, entre autres causes, à "des défauts de freinage, l’usure des pneumatiques et différents problèmes mécaniques." Autant de contrôles sur les véhicules que n’effectuent pas les policiers en raison notamment de l’augmentation du parc automobile. Brazzaville compte en effet actuellement 24 000 voitures et mille automobiles y sont immatriculées chaque mois selon le colonel Alakoua. "Les routes ne sont plus adaptées et la police est incapable de contrôler ce flux de véhicules", confirme un gendarme.
La vitesse et le non respect du code de la route seraient cependant les principales causes d’accidents. Certains chauffeurs montrent du doigt les jeunes inexpérimentés. "Ils n’ont aucune formation adéquate. Ils apprennent à conduire dans des garages ou des parkings", fulmine Noël Opaye, usager de taxi-bus. Ceux qui sortent des auto-écoles ne seraient guère plus aptes… "La DGTT délivre des permis à des jeunes qui n’ont pas la formation nécessaire. Il y a des gens qui ont des permis informatisés, mais qui n’ont jamais été formés !", assure Patrick Milandou. Pour lui, les auto-écoles ont aussi leur part de responsabilité : "Elles ne forment plus comme avant. Qu’apprend un jeune dans une formation accélérée de deux semaines ?" Stéphane, un chauffeur, propose : "Il faut que nos autorités fassent des descentes dans ces écoles pour voir comment se font les formations."
Prévention et répression
De son côté, le Bureau central des accidents demande aux autorités de faire plus de prévention (davantage de panneaux de signalisation) et plus de répression (conducteurs en état d’ivresse, utilisateurs du téléphone au volant, etc.). Les responsables des auto-écoles pensent eux aussi que la DGTT devrait installer plus de panneaux sur les routes et sanctionner les chauffeurs en infraction. "Il faudrait recycler les chauffeurs (taxis, bus, etc.) sur le code de la route. La police doit travailler en collaboration avec eux, en les conseillant", souhaite Boniface Iloyi, chef d’agence de l’auto-école Stan.
Un travail d’équipe que Jean Aive Alakoua appelle de ses vœux en renvoyant chacun à ses responsabilités : "La sécurité de tout un chacun sur la voie publique dépend de la vigilance de l’autre."
El-Staël Enkari
Juin 2011