(Syfia/CRP) Au Congo Brazzaville, bien que l’or noir représente plus de 90 % des exportations et près de 80 % des revenus de l'État, le pétrole lampant est hors de portée de bon nombre de ménagères qui s’en servent pour faire la cuisine. La faute à une mauvaise gestion et à des difficultés de transport et de distribution.
Une richesse en apparence inépuisable. Au Congo Brazzaville, le pétrole représente plus de 90 % des exportations et contribue à près de 80 % des revenus de l'État. Le pays espère revivre un boom pétrolier comme celui de 1982 grâce à l'exploitation de nouveaux gisements dans ses eaux territoriales.
Mais au quotidien, se procurer du pétrole lampant, rare et cher, est cependant devenu difficile. Ceux qui n’ont plus les moyens d’en acheter utilisent désormais le charbon ou le bois de chauffe pour la cuisine. "Nous n’arrivons plus à nous en sortir. Avec le maigre salaire des fonctionnaires, la vie est dure", se plaint Rolande, qui vient de faire ses achats. Au marché de Talangaï, 6e arrondissement de Brazzaville, on trouve des bouteilles remplies de ce pétrole sur de petits étalages. Sur les étiquettes posées par les vendeurs au détail communément appelés les Kadhafi, on peut lire "Litre 700 Fcfa", "Demi-litre 350 Fcfa" (soit 1,06 et 0,53 €). "On ne peut pas comprendre que dans un pays producteur, le prix du pétrole soit aussi exorbitant", lance Gilbert, un consommateur.
Un approvisionnement difficile
Avant la guerre civile de 1997 et la liquidation en 1999 de la société pétrolière publique Hydro-Congo en raison de problèmes financiers et son remplacement par la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), le prix du pétrole lampant n’atteignait pas de tels sommets. Aujourd’hui, à Brazzaville, Pointe-Noire et dans le reste du pays, le litre est vendu 320 Fcfa à la pompe et revendu 700 Fcfa par les détaillants. "Cette augmentation se justifie par le prix du transport", assure l’un de ceux-ci.
Le pétrole "se fait rare parce que l’approvisionnement est difficile. Le transport en est la cause", confirme une autorité de l’Agence de régulation de l’aval pétrolier (ARAP), structure du ministère chargé des Hydrocarbures, créée en 2006. Pour cette source qui a requis l’anonymat, "la société habilitée pour le transport n’a pas les moyens suffisants pour alimenter tout le marché national. Et certaines stations-service préfèrent écouler de l’essence et du gasoil plutôt que du pétrole qui, leur occasionnent un manque à gagner."
Les dépôts, mieux fournis parce qu’ils appartiennent aux autorités, alimenteraient en priorité les détaillants et ensuite seulement les stations services "parce qu’ils le revendent plus cher, pour plus de bénéfices", assure un pompiste. Pour les autorités de l’ARAP, l’augmentation actuelle des prix "s’explique par le fait qu’au niveau des grands dépôts, le prix n’est pas stable. Même le prix du baril (sur le marché international, Ndlr) est variable". "Nous sommes obligés par les autorités de ne pas dépasser un certain montant à fournir aux stations service et aux détaillants", souligne un propriétaire de dépôt.
Stations mobiles
La quantité de pétrole lampant fourni irrégulièrement aux stations est très insuffisante pour répondre aux besoins des consommateurs. "Lorsque nous sommes approvisionnés, il faut attendre un à deux mois pour avoir une autre livraison. Nous, nous ne recevons que 4 000 à 6 000 litres alors que notre cuve peut en contenir 10 000. Au bout de trois jours nous n’avons plus rien", affirme un pompiste. La rareté du pétrole dans les stations-service, où les pompistes sont accusés de vendre en priorité à leurs connaissances, constitue une aubaine pour les détaillants qui, pour s’approvisionner, vont dans les dépôts officiels ou parallèles. À défaut, ils revendent du pétrole en provenance de RD Congo. "80 % du pétrole vendu sur le territoire national est produit au Congo, le reste provient de la RD Congo et du Gabon", précise un douanier.
À côté des difficultés de transport et de distribution, certains comme la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) dénoncent "la mal gouvernance de la rente pétrolière" dans un pays où 70 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté. Pour tenter d’améliorer l’approvisionnement et calmer la grogne des consommateurs, la SNPC compte, selon une autorité de cette structure, "mettre en place d’ici quelques mois des stations mobiles pouvant desservir tout le pays".
Mamadou Bineta
Décembre 2009