(Syfia/CRP) Une dizaine de films de réalisateurs congolais ont été projetés dans les sept arrondissements de Brazzaville en décembre dernier. Ce festival, initiative d'une réalisatrice en partenariat avec une association sur l'enfance, a permis aux habitants, en particulier les plus jeunes, de découvrir d'autres films et de s'évader.
Les artistes musiciens installent le matériel. La réalisatrice Nadège Batou, initiatrice à Brazzaville de ce festival itinérant des sept quartiers, les animateurs d'Encred (Enfance créatrice de développement) et des techniciens du Centre culturel français vont bientôt pouvoir libérer les énergies concentrées pendant des semaines de préparation. Pendant que les artistes s'affairent en coulisse, de l'autre côté de la scène, les enfants affluent. En quelques minutes, ils occupent les 500 chaises prévues à leur intention, ce 7 décembre. La plupart de ces jeunes sont venus à la demande d'Encred. "Notre premier objectif est de créer des moments de loisirs encadrés et organisés. L'initiative de Nadège va dans ce sens", se félicite un des membres de cette association.
Comme toutes ses copines, Élodie, 12 ans et élève de 5ème, est pressée de découvrir ces séances cinématographiques. Elle souhaite suivre un film sur le sida, une maladie dont elle a plusieurs fois entendu parler par sa mère. Son choix fait rire ses amies qui préféraient voir une série ivoirienne humoristique comme Ma famille. Le débat est lancé. Une autre jeune fille lance : "Moi, je veux suivre Racines, c'est un film congolais". "Faux !", intervient avec raison (Racines est en fait un film sur l'esclavage d'Alex Haley, un Afro-américain) un autre, suscitant des éclats de rire et de nouvelles discussions animées entre collégiens.
Du 7 au 12 décembre dernier, une dizaine de films de réalisateurs congolais ont été projetés dans les sept arrondissements de Brazzaville. Ces projections publiques ont permis aux spectateurs de découvrir des réalisateurs qu'ils voient peu sur leurs petits écrans et…pas du tout sur grand écran. Il n'existe en effet plus de salles de cinéma à proprement parler dans la capitale congolaise. Tous ces lieux sont désormais occupés par des Églises du réveil ou des particuliers.
400 à 800 personnes à chaque séance
"Je suis arrivé ici parce que j'ai entendu des tam-tams. Maintenant, j'attends la suite du programme", s'impatiente Brice, tout en se déhanchant au rythme de la musique. Comme lui, d'autres habitants convergent vers ce centre d'attraction. D'un quartier à l'autre, le scénario est toujours le même ou presque. Après les conférences du matin animées par des réalisateurs et des producteurs de films (Remy Mongo Etsion, Claudia Haidara Yoka et Jean Blaise Bilombo), l'équipe reprend sa route et projette trois à quatre films par soirée dans chaque arrondissement. Leur durée varie de 4 à… 81 minutes.
À chaque escale de ce voyage culturel, 400 à 800 personnes se joignent à la fête. À l'école primaire Moukoundzi Ngouaka, à Bacongo, deuxième étape du parcours, un membre d'Encred souligne : "L'adage de Nadège 'Si vous ne pouvez aller au cinéma, le cinéma vient à vous', prend tout son sens vu le nombre de personnes qui se ruent vers nos sites." "Mon leitmotiv est de faire découvrir au public, aux enfants en particulier, des films faits par des Congolais avec leur lot d'imperfections dues au manque de financement", précise Nadège. Au-delà de ce plaisir, l'artiste veut éduquer. D'où son partenariat avec une association spécialisée avec laquelle elle a sélectionné des œuvres sur les discriminations faites aux femmes ou sur l'enfance. Notamment la série Très claire qui explique de façon ludique la grammaire française.
Avoir accès à ces films est d'autant plus important que ces enfants ne côtoient généralement le cinéma que dans quelques maisons de particuliers qui ont ouvert des vidéos clubs. Sir Daniel Samba, psychologue à Encred, fait observer : "Ils y sont agressés par des images qui ne sont pas adaptées à leur âge." Il se réjouit de ce festival, qui permet aux plus jeunes "de découvrir un autre genre de cinéma avec le documentaire, un outil didactique attrayant susceptible de les aider dans leur apprentissage."
Cinéma dans les écoles
Représentant permanent au Congo du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), David Lawson en est à sa seconde année de soutien financier et de collaboration avec le festival. Il se réjouit de l'engouement du public : "Je sais par expérience que les images peuvent éduquer. Peut-être pas dans l'immédiat, mais dans les années futures. Mon souhait est qu'au sortir de ce festival, chaque enfant retienne quelque chose."
Mis à part deux projections annulées, le festival a été une réussite et a sans doute permis de conquérir de nouveaux adeptes. Un ancien maître, encore sous le charme de la deuxième projection, déclare : "La série Très claire est un excellent outil d'apprentissage. Elle aiderait beaucoup les maîtres de l'école primaire et bien sûr les enfants à retenir facilement leurs leçons."
Serge, dans la vingtaine, est, lui aussi, ravi : "Cette aventure ne doit pas s'arrêter là. Les organisateurs, en rapport avec les écoles, devraient ouvrir des cellules de cinéma, histoire de pérenniser ce festival jusqu'à sa prochaine édition." Une idée que Nadège et Encred approuvent, mais l'argent manque pour la mettre en pratique...
Annette Kouamba Matondo
Décembre 2010