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  • : Le blog de Syfia Congo Brazza
  • : Sur ce blog, vous trouverez des articles et des émissions sur la société civile congolaise. Un projet soutenu par l'Union européenne et mené par Syfia international et le Centre de Ressources pour la Presse (CRP).
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Le projet

Soutenu par l'Union européenne, le projet encourage le dialogue entre les autorités locales et les organisations de femmes qui luttent contre la pauvreté et pour un meilleur respect de leurs droits en milieu rural. Les journalistes vont jouer le rôle de médiateurs en favorisant notamment les rencontres débats entre ces trois groupes.

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Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de Syfia international et du CRP ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

Qui sommes-nous ?

Crée en 1994, le Centre de ressources pour la presse (CRP), association à but non lucratif de la presse congolaise, coordonne cette action. Il est le garant de la ligne rédactionnelle en étroite collaboration avec son partenaire, Syfia International. Il sélectionne, forme et suit individuellement les journalistes, organise les ateliers, les débats communautaires et les conférences de rédaction, assure les relations avec les médias locaux et suit la diffusion des émissions et des articles.

24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 09:31

(Syfia/CRP) À Pointe-Noire, les malades mentaux sont marginalisés au sein de leurs familles et dans la société. En l'absence d'hôpital psychiatrique et de réaction des pouvoirs publics, ils errent dans les rues depuis des années. La population s'en inquiète et les rejette.

 

Philippe passe ses nuits sur le perron d'un bâtiment administratif à lire les journaux. Il dit avoir la cinquantaine, un bac en poche et être venu de Kimongo (ville du département du Niari, au sud du Congo Brazzaville) il y a près de vingt ans. Bien qu'il s'exprime correctement, Philippe est considéré comme fou. "Même mes parents m'ont rejeté… Les jeunes et les grandes personnes me provoquent et me frappent", se plaint-il. Le prétendu dément ironise : "Les vrais fous, ce sont eux. Ma chevelure (hirsute, Ndlr), mes habits (des haillons, Ndlr) sont normaux. Je raisonne, je lis... Je ne mérite pas l'appellation de fou." Certains artisans des alentours le confirment. "Le pauvre n'est pas agressif. Il ne provoque personne. Il ne vole pas et il gagne sa vie en ramassant les ordures. Mais, certains lui lancent des pierres", regrette Maurice Ngoma.

Philippe n'est pas le seul à être rejeté de la sorte. Au centre-ville et dans tous les quartiers (Foucks, Tié-Tié, Mbota, Mawata) de Pointe-Noire, les malades mentaux sont exclus de leurs familles et de la société. "Un fou est une personne inutile !", affirmait récemment dans un bus une femme, se disant pourtant intellectuelle. Les causes de cette stigmatisation sont le plus souvent d'ordre culturel. Pour beaucoup, en effet, la maladie mentale aurait des origines mystiques. "La folie, c'est la malédiction par des parents !", lance un enseignant vacataire dans une école primaire.

 

"Le vrai fou, c'est l'homme en cravate"

Si les parents sont souvent montrés du doigt, les malades sont parfois considérés comme responsables de leur propre malheur. "Certains fous paient le tribut de leurs actes. Si vous avez fait du mal aux autres, la nature ne peut vous le pardonner. Une victime peut aller voir un marabout pour vous maudire", explique en substance le pasteur Noël Madoura, qui se dit guérisseur. Il nuance cependant : "Il existe aussi des folies liées à la drogue et à différentes pathologies comme le paludisme cérébral." Un responsable de la police administrative, psychologue de formation, évoque pour sa part parmi différentes causes possibles "des chocs psychologiques comme les horreurs des guerres ou les déceptions sentimentales". "Les parents, très superstitieux, les conduisent alors chez des charlatans, poursuit-il. Mais souvent, le traitement se solde par un échec. C'est ce qui explique la prolifération des fous (dans les rues, Ndlr)."

Paul Labou, psychologue et directeur du Centre spécialisé de rééducation orthophonique et oto-acoustique abonde dans le même sens : "Si les malades mentaux errent dans la ville, c'est parce que personne ne s'occupe d'eux. Aucun asile psychiatrique n'existe. On oublie que ce sont des personnes qui peuvent (dans certains cas, Ndlr) être sorties de cet état. Dès lors, le vrai fou, c'est l'homme en cravate qui abandonne son frère en l'accusant gratuitement d'avoir pactisé avec le diable", explique-t-il, très remonté.

L'asile de l'hôpital Adolphe Sicé est en effet fermé depuis une quinzaine d’années. Les autorités sanitaires départementales ont refusé de se prononcer sur le sujet, mettant en avant l'indisponibilité ou l'absence d'autorisation de leur hiérarchie. "Nous ne comprenons pas pourquoi on a fermé l'asile de Pointe-Noire. Nous avons déjà demandé sa réouverture", déplore un agent de la police administrative. En absence d'un lieu d'accueil et de soins adaptés, les malades ont bien du mal à cohabiter avec le reste de la société. Plusieurs personnes disent ainsi avoir été agressées physiquement voire blessées par certains d'entre eux. Un habitant du 4e arrondissement se plaint de son côté de louer dans une parcelle abritant deux enfants malades : "Ils volent ou détruisent nos objets. Je ne peux rien faire, mais je me soucie de cette famille. Ce serait différent si elle était prise en charge."

 

Les mêmes droits

La Constitution de 2002 stipule pourtant dans son article 30 que les personnes âgées et les handicapés ont droit à "des mesures de protection en rapport avec leurs besoins physiques, moraux ou autres, en vue de leur plein épanouissement", mais les autorités n'ont jamais ne serait-ce que dénombré avec précision les malades mentaux. Bien que le professeur Georges Marius Moyen, ministre de la Santé et de la Population ait promis des avancées significatives, le plan national de développement sanitaire et d'autres programmes ne prennent pas vraiment en compte la santé mentale.

La société civile plaide pour la réhabilitation de l'asile de Pointe-Noire et la formation d'agents spécialisés. "L'État devrait former des personnes qui prendront en charge ces compatriotes. Ces derniers devraient bénéficier des mêmes droits que les personnes dites normales", souligne Georges Nguila, chef d'antenne de l'Observatoire congolais des droits de l'Homme.

 

John Ndinga-Ngoma

Novembre 2010

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Le partenaire

Syfia international est partenaire du CRP dans la mise en œuvre du projet. Son bureau français, l'association Journalistes Médiateurs (J'M), assiste le CRP dans la gestion financière de l'action et le suivi rédactionnel des journalistes, en particulier dans la production des articles. Syfia regroupe 15 agences de presse dont 12 en Afrique (parmi lesquelles le CRP) et 3 en Europe. Les 100 journalistes de l'équipe travaillent en réseau pour produire et diffuser des informations prioritairement destinées aux médias et aux lecteurs et auditeurs du Sud.

Les medias associés

La vingtaine de journalistes participants sont tous membres de radios ou de journaux de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Sibiti, Djambala et Ewo. Leurs responsables diffusent les émissions et les articles réalisés dans le cadre du projet et participent activement aux formations. La présente action mise en particulier sur les radios rurales pour élargir la diffusion vers l'intérieur du pays.

 

Autorités et OSC associées

24 associations de soutien aux femmes et 24 autorités locales (4 sur chacun des 6 sites de l'action) prennent l'habitude de se réunir régulièrement. Les OSC rurales sont davantage connues des médias et reconnues par les autorités.

Contact

Centre de Ressources pour la Presse – Gaston Elbi Enkari
g.elbienkari(a)gmail.com

 

Syfia international – Bureau français : association Journalistes Médiateurs - 125, rue Raimu - 34 070 Montpellier - Emmanuel de Solère Stintzy
edesolere(a)gmail.com