(Syfia/CRP) Bon nombre d'enfants se retrouvent à la rue à cause des difficultés financières de leurs parents. Ils y cherchent, en vain, leur indépendance. Épaulés par des associations, certains quittent la rue, apprennent un métier et trouvent ou retrouvent une vraie liberté.
"La rue n’est pas une bonne chose !", soutient aujourd'hui Dieu-merci, 18 ans. Maltraité, il y a passé quelque temps. À Brazzaville, bon nombre d’enfants ont, comme lui, quitté la rue pour apprendre un métier grâce auquel ils sont devenus autonomes. "Avant, je dépendais des gens qui me donnaient 50 ou 100 Fcfa (0,07 ou 0,15 €). Avec l’argent que je gagne, j’achète à présent mes outils et je subviens à mes besoins", se félicite Jess, mécanicien formateur, à son compte depuis trois ans.
Arsi, 23 ans, a lui aussi pris goût à sa nouvelle autonomie. Réintégré en famille depuis deux ans, ce jeune artiste peintre ne veut plus dépendre financièrement des parents et assure pouvoir se débrouiller avec l’argent qu’il gagne sur les marchés : "Je veux vivre seul pour m’organiser et ouvrir un compte en banque." "Même s’il est un peu dur avec les enfants, il leur achète du pain chaque matin", témoigne en souriant Lucelle, sa grande sœur.
L’Espace Jarrot forme chaque année en moyenne entre 15 et 20 enfants à différents métiers. Difficile de faire comprendre à tous qu'ils ont ainsi plus à gagner sur le long terme. "Sur les quinze que nous étions, je suis le seul à avoir terminé ma formation", regrette Jess qui explique ainsi ce désintéressement : "Les autres n’ont pas supporté les difficultés du métier et ont préféré retourner vivre dans la rue". C’est le cas de Basile, qui a fui la maison familiale il y a 7 ans après avoir volé 100 000 Fcfa (152 €). "Je trouve facilement de l’argent quand je suis dans la rue", affirme-t-il.
"Je ne peux plus repartir dans la rue"
Pour se forger un nouvel avenir, le jeune doit bien sûr être volontaire, mais aussi être soutenu un minimum par son entourage. "Certains parents refusent de collaborer", déplore M. Likibi, directeur de l’Espace Jarrot. "Je n’ai pas besoin de ce bandit. Prenez-le comme cadeau !", a dit un jour un père à un éducateur. "Je ne veux pas perdre mon mariage à cause de ce voleur", a lancé une mère à un autre éducateur. Pour obtenir de meilleurs résultats, cette ONG collabore avec le ministère des Affaires sociales. Ce dernier, dans le cadre d'un projet, a travaillé sur un échantillon de 100 enfants de Pointe-Noire et de Brazza : "En deux ans, tous ont été intégrés dans leur famille", souligne M. Kibinda, chef de projet réintégration familiale des enfants de la rue, au ministère. Afin d'éviter que ces jeunes ne retournent dans leur ancien milieu, "nous avons accompagné l’insertion d'une somme de 70 000 Fcfa (105 € environ) qui permet aux parents de créer une activité génératrice de revenus. Pendant six mois, l’équipe de suivi passe contrôler ces activités", ajoute-t-il.
Associations privées et étatiques travaillent ensemble pour réintégrer les quelque 2 000 enfants de la rue (1 200 environ à Brazzaville et 800 à Pointe-Noire), selon l'estimation la plus récente d'une ONG américaine, International Rescue Committee (IRC), qui date de 2003. "Nous hébergeons parfois des enfants de l’Espace Jarrot qui n’ont pas de place pour dormir", rapporte Barthélemy Peya, directeur du Centre d’insertion et de réinsertion des enfants vulnérables (CIREV) qui héberge 40 enfants en difficulté. Dans ce centre étatique, trois d'entre eux, formés à la maroquinerie et à la coiffure sont autonomes financièrement de leurs parents depuis 2007. "Le métier garantit l’avenir", se réjouit un apprenant.
Se laver, se soigner, se nourrir… Autant de gestes vitaux que Jess a pu faire au centre d’écoute de l’Espace Jarrot et qui l'ont convaincu de rechercher une autonomie plus constructive et durable que celle de la rue. "Dans la rue, je mangeais avec difficulté. Maintenant, je gagne bien ma vie grâce à mon métier. Je suis devenu responsable. Je ne pourrais plus repartir dans la rue", affirme Jess, satisfait d'avoir travaillé dur pour conquérir cette vraie liberté.
Flaure Tchicaya
Juin 2010