(Syfia/CRP) Des cahiers et un peu d’argent suffisent parfois pour éviter que des enfants de familles pauvres se retrouvent à la rue. À Brazzaville, une association et quelques parrains apportent une aide modeste des plus précieuses.
"Je suis parti parce que ma mère n’avait plus rien pour me nourrir et que je n’avais pas de quoi m’acheter des cahiers", raconte Roflan. À 22 ans, il a aujourd'hui retrouvé l’harmonie familiale, après avoir passé plus d’un an dans la rue quand il était adolescent. Comme lui, beaucoup d'autres fuguent quand la pauvreté est intenable chez eux. "Le manque d’un bout de pain suffit pour qu’un enfant se retrouve dans la rue", affirme Paloulou Hervé, coordonnateur de l’ONG Éducation en milieu ouvert (EMO).
"Ma fille avait honte de me demander de l’argent. C'est ce qui l’a poussée à partir", explique Rosalie. Les huit enfants à la charge de cette maman écoutent désormais plus attentivement ses conseils. Il y a quatre ans, ils ont pourtant failli se retrouver tous à la rue, faute de moyens et d’encadrement. "Je ne les contrôlais plus. Toute la journée, ils étaient dehors. Cela me faisait honte et mal", confie cette veuve. Parmi ces enfants, trois sont ceux de sa sœur cadette décédée en 2005. "Je m’occupe de mes neveux, car toute la famille a refusé", ajoute Rosalie. Aujourd’hui, elle a toujours du mal a bien tenir son foyer qu’elle gère seule depuis la mort de son mari en 2000. Elle en est à son troisième logement depuis le début de l’année. Une instabilité dont ont souffert aussi les enfants, obligés d’aller mendier. "Aujourd’hui, vous êtes dans un quartier, demain dans un autre… Ils ont du mal à s’adapter", confirme Hervé dont l’OSC fournit notamment du matériel scolaire à ces enfants qui vont désormais à l’école. Globalement, la famille s’en sort mieux qu’avant grâce à l’argent versé par EMO.
Le coup de pouce des parrains
Manquant de moyens, cette association a créé en 2009 le projet Coopération bonne initiative, qui fait appel aux personnes de bonne volonté pour aider les familles. Depuis, plus de 25 parrains y participent. "Je soutiens les enfants malades en achetant les médicaments, le kit scolaire et je les invite à venir passer les fêtes chez moi", explique par exemple Joseph Ouatimou, parrain de la famille de Rosalie, qui aide trois autres familles. M. Ouatimou a par ailleurs accueilli chez lui un enfant de la rue âgé de 4 ans, qui aujourd’hui est en classe de 3e. "La cohabitation ne pose aucun problème avec les miens qui le considèrent comme leur frère", ajoute-t-il.
"Le parrainage est une bonne initiative, mais il faut qu’il se fasse en respectant les droits fondamentaux de l’enfant (nourriture, hébergement et éducation, Ndlr)", déclare Joseph Biviyou, directeur la Direction de la protection légale de l’enfance (DPLE), une structure du ministère de la Justice qui a pour mission de prendre en charge les enfants en danger et les délinquants. Elle aide aussi les ONG à mieux travailler en leur facilitant notamment la médiation avec les parents. M. Biviyou insiste : "La place de l’enfant est dans sa famille respective et non dans la rue". Pour les éducateurs d’EMO également, l’enfant a besoin de cette chaleur. "Sans quoi, selon un éducateur, il aura tendance à aller dehors et les filles risquent de se prostituer."
Loin de remplacer les parents, OSC et parrains apportent donc une aide à la fois complémentaire, modeste et précieuse, qui aide certaines familles à dépasser leurs difficultés. "Si on pouvait être plus nombreux à aider les enfants de la rue, ce serait bien", conclut M. Ouatimou.
El-Staël Enkari
Juin 2010