(Syfia/CRP) Aidées dans leurs démarches par différentes associations, les veuves congolaises connaissent aujourd'hui mieux leurs droits et se battent pour obtenir justice. Un combat difficile entravé par les pratiques archaïques et illégales de certaines belles-familles.
"Mon mari, sentant la fin des ses jours approcher, a contacté un notaire pour rédiger un testament. Aujourd’hui, je bénéficie de sa pension et du droit de prélever l’argent des locataires qui vivent dans notre maison. Je peux ainsi supporter les études des enfants", explique Élisabeth, une veuve. "Je jouis de mes droits et j’ai de bons rapports avec ma belle famille", se félicite la veuve Bouanga, mariée légalement. Quant à Martine, aucun membre de sa belle-famille n’est venu la menacer. Son défunt mari ne cessait de dire aux siens que celui qui se hasarderait à déranger sa femme et ses enfants n’aurait plus de nuits paisibles.
Au Congo, ces premiers résultats sont en grande partie le fruit du travail d’associations. "Nous aidons les veuves à rédiger les requêtes et à les déposer. Nous leur trouvons parfois un avocat", précise Jean-Gabriel Mavanga, responsable du département des actions juridiques et judiciaires à l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH). Odile Mayéyé Biyongo explique que son réseau de cliniques juridiques reçoit des femmes expulsées du foyer conjugal ou victimes de pratiques archaïques (obligation pour certaines veuves de manger à une heure précise ou de marcher pieds nus, etc.). Objectif : écouter et apporter des solutions juridiques quand la tentative de médiation échoue. Ces actions permettent d’expliquer à la victime et à sa belle-famille ce que dit la loi.
Vulgariser la loi
Petit à petit, ce travail de fourmi des OSC commence à payer. "Actuellement, la veuve connaît ses droits et sait où aller se plaindre", martèle Anne Ayessa, membre de l’Association évangile et développement, une ONG congolaise. Pour Jean-Gabriel, les Congolais commencent à réaliser que sortir la veuve de la maison et la déshériter n'est pas sans conséquences. "Avant, dès que le mari mourait, la belle-famille la chassait, surtout quand elle refusait d’épouser un des frères du défunt. Aujourd’hui, certaines familles, après avoir tenu conseil, décident de la laisser dans la maison avec les enfants", observe Odile Mayéyé.
Des résistances demeurent, malgré la loi de 1984 qui répartit ainsi les biens du défunt : 50 % aux enfants, 30 % à la veuve et 20 % à la famille. Elle stipule que l’épouse bénéficie de l’usufruit. Mais, de nos jours encore, cette dernière est bien souvent chassée du domicile où elle a pourtant vécu avec son époux. Même quand le défunt a rédigé un testament qui lègue des biens à sa femme, il arrive que ses dernières volontés ne soient pas respectées. "Il y a deux ans de cela, mon mari est mort. Sans m’en informer, un de ses frères a vendu notre parcelle à un acquéreur qui s’est présenté un matin avec des papiers attestant qu’il venait de l’acheter. Il m’a donné trois mois pour quitter les lieux... L’affaire est en justice", explique une veuve, qui était pourtant mariée officiellement. "Nous avons vécu pendant 25 ans ensemble. Mais, quand mon mari est décédé, ma belle-famille a oublié tout ce que j’avais fait pour lui durant sa maladie et jusqu’à sa mort. On m’a sortie brutalement de la maison avec les enfants. Je n’ai rien pu emmener avec moi", confie Albertine. Mariée non officiellement et soucieuse de préserver ses enfants des rancœurs de la belle-famille, elle a gardé le silence.
Jeanne Leckomba, ministre de la Promotion de la femme, déplore que, malgré les efforts des ONG, ce genre de violences soit encore d’être perpétré. Le plus grand défi est de faire connaître la loi à un maximum de personnes gens. "Les pouvoirs publics doivent avoir une politique d’accompagnement, en associant les associations et les confessions religieuses qui doivent parler aux populations des outils juridiques en matière de succession", résume Viguier Nguembi, juriste.
Dépoussiérer certains textes
Il semble également important de dépoussiérer certains textes. D’après Simon-William M’viboudoulou, magistrat, directeur des affaires juridiques internationales au ministère de la Justice et des Droits humains, rien ou presque n’a été réformé depuis 1984. Mais, cela pourrait changer. Une commission a en effet été mise en place en août 2009 par le ministre de la Justice pour réviser certaines dispositions de sorte que le conjoint survivant puisse réellement jouir de ses droits. Au total, la commission devrait revoir huit codes, notamment le Code de la famille. Une large consultation populaire sera ensuite organisée.
En attendant, les travaux traînent par manque de moyens financiers et humains. D’après Simon-William M’viboudoulou, il faudra sans doute encore attendre cinq ans pour que la réforme soit terminée.
Jean Thibaut Ngoyi
Juin 2010