(CRP/Syfia) La veuve Alice Malanda travaille depuis 1997 à Bikakoudi, un site de maraîchers à 20 km de Brazzaville. A la sueur de son front, elle scolarise ses six enfants et a acquis une parcelle.
Affable, Alice Malanda, 47 ans, porte un pantalon kaki-bleu, un polo vert et a la tête couverte d'un foulard de la même couleur. Ce jour là, elle est occupée à sarcler les mauvaises herbes autour de ses légumes de son jardin à Bikakoudi, une bourgade à 20 km environ au sud-ouest de Brazzaville.
Alice est maraîchère ici depuis 1997, au sortir de la guerre. "J'ai été formée à Agri-Congo cette année là. A l'époque, cette structure formait gratuitement des jeunes qui n'avaient de connaissances ni en maraîchage, ni en élevage. Elle leur donnait des kits et les installait après leur formation à Mayanga (un autre site d'Agri-Congo au sud-ouest de Brazza, Ndlr) pour travailler. J'ai été en quelque sorte 'obligée' de saisir cette chance, car ce genre d'opportunité était rare après la guerre", se rappelle-t-elle.
Un pari sur l'avenir qui se révèle aujourd'hui gagnant. Depuis la mort de son mari en 2013, c'est en effet grâce au maraîchage qu'Alice Malanda assume les frais de scolarité de ses six enfants. "La mort de papa a représenté un grand vide pour nous. Depuis sa disparition, maman soutient nos études. Quand papa était en vie, elle faisait comme si elle n'existait pas. Désormais, je sens sa présence", observe Alfierine Nkodia, une de ses filles, étudiante en 3e année en Sciences et techniques de la communication à l'Université Marien Ngouabi.
Une veuve, trois à neuf personnes à charge
Maman Alice pratique le maraîchage durant toute l'année sur une superficie de 36 000 m2. Elle y dispose d'une trentaine de planches : dix de céleris, six de concombres, six autres de piments, trois de ciboules, deux d'aubergines, etc. "Quand je vends une planche d'amarantes au marché Total à Brazza, je gagne 61 000 Fcfa (plus de 90 €) contre seulement 35 000 Fcfa (55 € environ) quand je la vends sur place. Pendant la saison sèche, je peux gagner jusqu'à 800 000 Fcfa (plus de 1 200 €) pour préparer la rentrée de mes enfants", fait-elle savoir.
Après près de 20 ans de dur labeur, la veuve Malanda a également pu acquérir une parcelle aujourd’hui en construction : "Les enfants viennent parfois me prêter main forte, surtout pendant les vacances. Mais, en période scolaire, toutes les charges reposent sur moi..." Courageuse, Alice s'en sort malgré tout toute seule. Cependant, plusieurs structures aident les veuves, comme l’association Œuvre Notre-Dame des veufs & orphelins du Congo, à travers son centre de formation professionnelle et d'alphabétisation fonctionnelle de Mbouono (Pool). "Nous formons au maraîchage, à l'élevage et donnons des plants de légumes aux veuves pour qu'elles les vendent", résume François Xavier Mayouya, président de ladite association. Il poursuit : "Sur 25 000 Fcfa (38 €) de recettes d'un plant vendu, 10 000 Fcfa (15 €) vont à l’association et 15 000 Fcfa (23 €)reviennent à la veuve. C'est ce que nous appelons 'la motivation' !"
De son coté, Sylvianne Kamba Matanda, directrice de la famille, au ministère des Affaires sociales, de l’action humanitaire et de la solidarité, explique que sa direction aide des femmes vulnérables identifiées par les Circonscriptions d’action sociale (CAS) via le projet "filet socio-sécurité-alimentaire". Les femmes ainsi ciblées reçoivent une aide alimentaire de 30 000 Fcfa par mois dans des boutiques sélectionnées.
Un rapport dudit ministère d'avril 2013 a recensé à Brazzaville 352 veuves. Ce document révèle par ailleurs que près de 3 veuves sur 4 (73 %) "ont 3 à 9 personnes à leur charge." Les aider à s'en sortir est donc capital pour elles et pour beaucoup de leurs proches.
Jean Thibaut Ngoyi
Décembre 2014