(CRP/Syfia) L'Etat congolais promet d'organiser les législatives de juillet en toute transparence, en associant la société civile et l'opposition. Mais une partie de cette dernière s'estime déjà flouée par la récente révision des listes électorales.
"Pas de tromperie cette fois-ci !", s'exclame Simplice, 18 ans après s'être inscrit pour la première fois sur les listes électorales. "Souvent, dit-il, on dit que les jeux sont faits d'avance lors des élections. Aujourd'hui au moins, tout le monde peut y voir clair, parce que tout le monde est représenté."
L'administration congolaise semble déterminée à offrir en juillet prochain une élection législative aussi transparente que possible. En décembre dernier, à Ewo, à quelque 700 km au nord-ouest de Brazzaville, une concertation a ainsi regroupé les partis politiques (majorité et opposition), la société civile et l'administration. Elle a débouché sur le principe d'une organisation consensuelle du prochain scrutin. Et, "cette fois-ci, il n'y aura plus de fraude", avait promis Denis Sassou Nguesso, président de la République, avant et après la concertation d'Ewo.
Certains voient dans cette organisation consensuelle un gage de transparence. "Pour la première fois, la société civile est conséquemment impliquée dans les opérations électorales. Cette fois-ci, je suis sûre qu'il n'y aura pas trop de contestation", expliquait, le 24 mars au cours d'une interview, Régine Ngoma, présidente de l'Agence régionale d'information et de prévention contre le sida (Arips), ONG congolaise associée au Forum des organisations de la société civile pour les élections libres (Fosocel) pour cette correction des listes électorales.
"Opposants factices"
Une satisfaction partagée par certains représentants de partis politiques. "Tout se passe comme prévu. Tous les partis ou groupements politiques sont représentés. Il n'y a rien d'opaque", a estimé Jean Ingrid Mboungou, membre du Parti congolais du travail (PCT) et représentant de la majorité présidentielle lors de la révision des listes électorales au centre du quartier 109 (arrondissement 3 Tié-Tié). L'accès à d'autres sites de révision n'a cependant pas été permis à nos équipes, faute d'autorisation du ministère de l'Intérieur.
Si la concertation d'Ewo a été unanimement saluée par l'élite politique et intellectuelle, son application est loin de combler les attentes de tous. "Cette concertation a été une initiative passionnante pour la consolidation de notre démocratie. Mais, sur le terrain, les commissions administratives d'arrondissements ne répondent pas à la philosophie d'Ewo. C'est normal que l'opposition soit représentée, mais lorsqu'on vérifie, ces personnes ne sont que l’ombre d'elles-mêmes... Pourquoi le ministère de l'Intérieur n'a-t-il pas tenu compte des listes que l'opposition lui a adressées ?", interroge Gaspard Lingouala, responsable de l'Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS).
Comme lui, d'autres opposants pensent que "en fabriquant des opposants factices, le pouvoir réunit toutes les conditions pour qu’il n'y ait pas transparence aux élections et des contestations", craint Crépin Gouala, président de la Dynamique pour la nouvelle éthique républicaine et de la démocratie (DNERD), une association proche de l'opposition.
ONG politisées
Toutefois, M. Lingouala estime qu'il est encore possible de rattraper les choses : "Comme le prévoit Ewo, nous veillerons, dans la Commission d'organisation des élections, à ce que l'opposition ne soit pas représentée par des opposants fabriqués de toutes pièces. Il émet toutefois aussi des réserves sur la neutralité de la société civile : Actuellement, on a vraiment du mal à la délimiter ou à l'identifier, puisque on crée une ONG pour l'affilier à un groupement politique..." Une partie de la population partage cette opinion. "La Rencontre pour la paix et les droits de l'homme, l'Observatoire congolais des droits de l'homme et la Commission justice et paix ont déjà fourni des preuves de neutralité dans ce pays. Pourquoi n'a-t-on pas associé ces ONG ?", interroge Alain Ivouvou, professeur d'histoire dans un collège.
Une autre inquiétude porte sur le rôle des préfets. Aux termes de la concertation d'Ewo, ils ne sont pas parties prenantes des opérations électorales. Pourtant, celui de Pointe-Noire a réuni de temps en temps les membres des commissions pour "leur donner des orientations". Selon son service de protocole, le Préfet était toujours indisponible pour fournir quelques éclaircissements à ce sujet. Quant à la Direction départementale des affaires électorales (DDAE), elle a refusé de commenter cet état de choses et refuse jusqu'ici de donner les chiffres d'avant et après la révision des listes électorales. Tout juste sait-on que, selon le Front des partis de l'opposition congolaise (FPOC), en 2009, le corps électoral de Pointe-Noire aurait été de 488 949 personnes, alors que la ville compte plus d'1 million d'habitants.
Une source proche de la DDAE a toutefois souligné qu'il était illusoire de faire croire aux gens que les préfets ne sont pas associés aux opérations électorales, dans la mesure où le préfet représente le gouvernement central. Selon elle, il revient donc à une préfecture d'organiser le recensement et de réviser les listes comme le dit la loi électorale.
John Ndinga-Ngoma