(CRP/Syfia) A Mossendjo, dans le département du Niari, des femmes et des hommes découvrent la culture de la ciboule. Leur formatrice, Béatrice Boulingui, a elle-même été formée par son époux, ingénieur agronome.
Six sillons de dix mètres chacun. Une petite étendue de ciboule (condiment), d’une verdure susceptible d’immobiliser quiconque ferait un tour au secteur agricole situé en plein centre de Mossendjo, ville de 18 000 habitants à environ 400 kilomètres au nord-ouest de Brazzaville (département du Niari). Tel est le décor du potager de Béatrice Boulingui. Cette maraîchère a été formée par son mari, Raymond Kouaka, ingénieur agronome et chef de secteur agricole de Mossendjo. "Quand nous nous sommes unis il y a une quinzaine d’années, je me suis rappelée l’expression selon laquelle 'la femme d’un flic est flic'. Alors, je me suis dit que la femme d’un agronome est agronome", se souvient Béatrice en repiquant avec le sourire un jeune plant de ciboule.
D'un niveau scolaire modeste, Béatrice Boulingui, la quarantaine, n’a pourtant jamais fréquenté le moindre centre d’enseignement agricole. Son art du maraîchage, elle le doit à sa formation pratique de terrain. "A Kimongo (sous-préfecture du Niari, à environ 100 km au sud de Dolisie, Ndlr) où j’étais chef de secteur agricole, elle assistait aux réunions avec les paysans. Elle enregistrait tous les conseils que je leur donnais. Mais, sa meilleure formation se déroulait dans le potager de la maison... Elle voyait par exemple comment j’entretenais les plantes", se souvient l’époux formateur.
Si Béatrice s'est tant appliquée à retenir ses précieux conseils, c'est pour maximiser les revenus de la maisonnée. "Mon mari est cadre de la fonction publique, mais nous ne sommes plus à l’ancienne époque où la femme devait tout attendre de son mari ! De nos jours, épouse et époux doivent s’investir ensemble pour le bien-être de la famille. Lorsque je lui ai expliqué cela, il s’est engagé à m’apprendre la formation de pépinières, l’arrosage des plantes et bien d’autres choses, explique-t-elle. Elle poursuit, l’argent que je gagne me permet de contribuer à la popote et aux autres besoins de la famille. Quant à mon mari, je lui fais parfois plaisir en lui achetant par exemple des habits."
Les revenus tirés du maraîchage ont par ailleurs permis au couple de doter leurs quatre enfants d’une maison en matériaux durables à Dolisie. Ce qui fait dire à Raymond Kouaka son époux : "Je n'ai pas seulement une bonne épouse, mais aussi et surtout une bonne partenaire au développement de notre foyer. Voilà pourquoi, je la soutiendrai toujours."
Conseils rentables
Aujourd’hui, Béatrice dit s’être spécialisée dans la culture de la ciboule, plus rentable que d’autres légumes. Elle partage gratuitement son expérience avec d’autres femmes de Mossendjo. "Elle vient dans mon jardin m'expliquer en faisant des démonstrations. C’est ainsi que j’ai appris à faire des pépinières et à repiquer la ciboule", témoigne Augustine Milébé, une maraîchère. Béatrice compte aussi des hommes parmi ses apprenants. "Je resterai redevable à 'maman Béa' pour m’avoir appris à faire des pépinières, car les revenus de la ciboule sont deux fois plus importants que ceux d’autres légumes", jure par exemple Michel Kokolo, maraîcher. Béatrice fait ainsi aussi la fierté de son mari : "Les paysans me rapportent les résultats des conseils qu’elle leur prodigue. Si elle transmet bien ces conseils, c’est qu’elle a bien assimilé les notions que je lui ai apprises."
Les consommateurs trouvent aussi leur compte dans le développement de la ciboule qui venait auparavant de Mont-Belo, une localité à environ 200 km de Mossendjo. "Ces six derniers mois, nous avons de la ciboule fraîche sur le marché. Les maraîchers qui prétendent que la femme du chef de secteur a révolutionné les choses ont donc sans doute raison !", constate Rose Ibinda, une consommatrice.
Et demain ? La fille aînée de Béatrice et Raymond, environ 20 ans, entend bien continuer la culture de la ciboule : "Il y a des jeunes qui tournent le dos à l’agriculture. Moi, j'ai grandi avec ça. Je le transmettrai à mes enfants. Et ce sera ainsi de générations en générations."
John Ndinga-Ngoma
Mars 2015