(CRP/Syfia) A Yé, dans le département du Pool, à environ 45 km de Brazzaville sur la RN2, Félicité Milebé est l’unique femme à élever des porcs. Depuis près de cinq ans, elle se bat pour maintenir son élevage.
De taille moyenne, vêtue d’un simple tee-shirt et d’un pagne, sandales aux pieds, Félicité Milebé nettoie les abreuvoirs dans l’enclos des porcs. Depuis près de cinq ans, cette femme d'environ quarante ans, mariée et mère de six enfants, élève des cochons à Yé, un village du département du Pool situé à environ 45 km de Brazzaville, sur la route nationale n°2. "J’ai commencé avec une truie et un mâle. Aujourd'hui, j'ai 12 bêtes. Et, quand mes 7 truies mettent bas, j'ai chaque année 10 à 12 bêtes de plus."
Félicité, comme d’autres éleveurs de Yé, avait reçu en 2005 des porcs, des petits ruminants et de la volaille de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), dans le cadre du Programme spécial de sécurité alimentaire (PSSA). Elle précise : "J’ai reçu trois petits porcs, dont deux truies et un mâle. Mais, j’ai perdu les deux truies à cause d’une mauvaise alimentation. J’ai donc été obligée d’acheter à nouveau une truie à 30 000 Fcfa (45 €) en 2010 pour redémarrer cet élevage." Un investissement à présent rentable, puisque le prix de vente d’un cochon varie de 60 000 à 75 000 Fcfa (de 90 à 115 €).
"Si nous avions d'autres éleveurs comme elle..."
C'est au Lycée agricole Amical Cabral, option élevage, que Félicité a commencé à se passionner pour ce métier. Jules Ntsiba, exploitant agricole à Yé, est admiratif de sa persévérance : "Mme Félicité se bat pour maintenir son élevage. Parmi les 17 bénéficiaires du PSSA, elle est la seule femme à continuer à élever des porcs. Seuls certains hommes ont encore quelques têtes de moutons."
Malgré sa volonté, Félicité Milebé peine à s'approvisionner en aliments pour le bétail (tourteau de palmiste): "Je me débrouille à nourrir mes porcs à base de noix de palme, de tubercules, de manioc, de feuilles de choux, de saka saka ou je les laisse en divagation..." L'aliment vendu à la Congolaise de développement et de distribution des produits agro-alimentaires (Coddipa), une société privée, reste trop cher selon elle : "Pour nourrir mes 12 porcs, il me faut un sac de 25 kg d’aliment de bétail par jour..."
S'il est parfois difficile au quotidien, l'élevage de Félicité est utile. Il ravitaille en effet la population de Yé et d’Ignié estime Alphonse Bilankelé, habitant de cette localité voisine située à 2 km : "L’élevage de Mme Félicité nourrit la population de la zone et même des Brazzavillois. Si nous avions d'autres éleveurs comme elle, nous consommerions moins de viandes surgelées."
Forte demande
La demande est là, en particulier pendant les fêtes de fin d’année. Fin 2014, des clients ont acheté des porcs entiers qu'ils ont amenés au PK 45, un autre village du district d'Ignié pour les revendre en détail. "Pendant les fêtes, la demande était supérieure à l’offre. Je n’ai pas pu satisfaire toute la population. J’ai vendu quatre porcs et réalisé une recette d'environ 200 000 Fcfa (300 €)", se réjouit Félicité.
Bien que prometteur à Yé, l'élevage de porcs manque de soutien et de suivi. Un cadre du ministère de l’Agriculture et de l’élevage fait remarquer, sous le sceau de l’anonymat : "Le ministère de tutelle est représenté dans tout le pays à travers le secteur agricole, mais quand aucun éleveur n'est recensé dans un district, il est difficile que ce dernier bénéficie d'une quelconque aide... Le secteur d’élevage n’existe pas, parce que l’Etat ne recrute pas !"
Jean Thibaut Ngoyi
Mars 2015