(CRP/Syfia) Ces dix dernières années, différentes OSC ont formé près de 2 000 para juristes sur le Droit et leurs droits. A Pointe-Noire, ils promeuvent les droits humains dans leurs familles ou à leur travail et alertent les OSC quand ils détectent des violations. Une avancée, même si bon nombre de citoyens ignorent encore les lois.
"Avant, je diffamais et je calomniais. Je ne commettrai plus ces fautes graves", jurait récemment Bienvenu Obili. Ce présentateur de Faits de société et justice sur DVS+, une chaîne de radio-télévision privée de Pointe-Noire, promet de faire de son émission interactive une tribune de promotion des droits de l’homme. Ces derniers temps, il commente beaucoup les lois, comme celle de novembre 2001, sur la liberté de l'information et de la communication. Ce qui fait dire à un téléspectateur : "L'émission a vraiment changé. Elle donne des repères juridiques." Appréciation que nuance un des responsables de DVS+ qui estime que Bienvenu devrait éviter de se substituer en juge.
Bienvenu fait partie de la trentaine de participants au séminaire organisé mi-septembre dernier à Pointe-Noire par l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH). Choisis au sein de la force publique, des écoles et des médias, ces séminaristes alertent aujourd’hui l’OCDH sur les violations des droits de l’homme dans leurs milieux. "Ils jouent le rôle de para juristes. Nous leur avons donné différentes notions pour qu’ils soient capables de faire valoir leurs droits et de les promouvoir dans la société", résume Georges Nguila, chef d’antenne de cette OSC.
Para juristes passionnés
Au Congo Brazzaville, des ONG et institutions déplorent chaque année des arrestations arbitraires et des traitements inhumains pourtant prohibés par l’article 9 de la Constitution de 2002. Éléments de la force publique, juristes, responsables politiques et administratifs et citoyens sont souvent dans le viseur de la société civile. Pour familiariser les populations avec leurs droits, la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH) et l’OCDH ont formé, ces dix dernières années dans tout le pays, près de 2 000 personnes pour les aider à collecter des informations.
À l'image de Georges Mboungou, statisticien au ministère du Plan, qui a participé à une formation de la RPDH en avril dernier. Il affirme depuis avoir fait des droits humains une "véritable passion" : "Mes collègues de service m’appellent 'syndicaliste des droits de l’homme'. Et, avant d’agir, ma femme me demande : 'est-ce une violation de tes droits ?'" Comme les cent autres séminaristes sélectionnés dans les entreprises, les écoles et au niveau de la force publique, Georges informe souvent son OSC formatrice : "Dernièrement, j’ai constaté qu’une entreprise déversait ses déchets dans la rue. C’est condamnable, si on se réfère à l’article 35 de la Constitution (Tout citoyen a droit à un environnement sain, satisfaisant et durable et a le devoir de le défendre. L’État veille à la protection et à la conservation de l’environnement, Ndlr)." Franck Loufoua Bessi, assistant aux programmes au sein de cette OSC précise : "Comme pour toutes les autres alertes, nous sommes déjà descendus sur le terrain. Nous sommes en train de réunir tous les éléments afin d’élaborer un rapport et un plaidoyer."
Formé aussi à l’observation des élections, Georges déclare avoir par ailleurs "identifié des dysfonctionnements et des fraudes lors des récentes législatives. Si je suis encore désigné comme observateur par la RPDH, je m’arrangerais pour bien observer les locales à venir. Frauder au cours d’une élection, c’est une manière de priver un individu du droit à l’équité (l'article 4 de la Constitution déclare que le suffrage est universel, direct ou indirect, libre, égal, et secret, Ndlr)."
"Multiplier les émissions"
Georges fait encore figure d'exception. "Beaucoup de gens ne connaissent ni leurs droits, ni leurs devoirs. C’est pourquoi les droits de l’homme sont constamment violés dans quasiment tous les secteurs. Et les citoyens abusés ne revendiquent pas ", regrette Alain Louganana, conseiller juridique adjoint à la Commission diocésaine justice et paix (CDJP). "Les violences familiales par exemple ne sont pas souvent dénoncées pour sauvegarder la paix dans le foyer", ajoute Georges Nguila.
Reconnaissant cette faible appropriation des droits humains, l’administration affirme travailler souvent avec les OSC. "Les citoyens se rapprochent petit à petit de notre institution. Les ONG sont des partenaires opérationnels avec lesquels nous multiplions ces derniers temps les sensibilisations dans les commissariats, les écoles, etc.", affirme Jérôme Maniokou, directeur départemental des droits humains à Pointe-Noire. La société civile plaide pour une vulgarisation accrue des lois "en multipliant des émissions dans les médias, question de familiariser les citoyens."
John Ndinga-Ngoma