(CRP/Syfia) A Ewo dans la Cuvette-Ouest, à 630 kilomètres au nord de Brazzaville, des femmes luttent au quotidien pour le respect de leurs droits. Une tâche difficile. Mais, dans cette bataille, certaines se distinguent, à l'image d'Angélique Kébi.
"Se croiser les bras est suicidaire ! Il faut faire quelque chose. La terre est là, c'est un trésor à la portée de tous !", aime répéter Angélique Kébi aux jeunes filles et femmes d'Ewo.
La cinquantaine révolue, cette mère de neuf enfants est l'une des dynamiques actrices de la société civile de la Cuvette-Ouest. Agent technique de santé à la direction départementale des Affaires sociales depuis 2000, elle montre l'exemple, en troquant sa tenue habituelle contre celle de cultivatrice. "À sa place, d'autres se seraient contentées de leurs salaires de fonctionnaires", fait remarquer Angélique Onoungou, directrice départementale de la Promotion de la femme. Pour elle aussi, "il faut diversifier les sources de revenus pour mieux faire vivre sa famille."
A trois ans de sa retraite, Angélique Kébi pense avoir "trouvé sa reconversion". Vice-présidente du groupement agricole We me yi ("Tu es venu de toi-même", en téké), elle incite les femmes à travailler en groupe. "Seule, on est moins efficace. En groupe, on produit plus", résume-t-elle. Aujourd'hui, quand il s’agit de parler des femmes d'Ewo, Angélique n'a pas sa langue dans sa poche : "Elles souffrent. Elles pratiquent encore l'agriculture de façon manuelle et n'ont pas accès au crédit. Les femmes ont une fois de plus été oubliées quand la mairie a recruté des agents pour assainir la ville !", déplore-t-elle. Visiblement dépitée, elle fait remarquer : "Hier, des femmes, membres des groupements, accomplissaient cette tâche gratuitement. Comme ce travail est maintenant lucratif, le gros lot est revenu aux hommes !" Devant ce qu’elle qualifie "d'injustice", Angélique a fait savoir son mécontentement aux autorités locales.
Active aussi en politique
Un activisme apprécié par les femmes. Pour Nadine Omboli, vendeuse au marché d'Ewo, "Maman Angélique est notre avocate. Son engagement est considérable. Nous lui devons respect et admiration." Un engagement que les autorités locales reconnaissent elles aussi. "Angélique Kébi est notre fierté. Je n'hésite donc pas, quand l'occasion se présente, à la faire bénéficier de formations (gestion des associations, élaboration de projets, etc.) à Ewo et dans d'autres villes du pays", assure Angélique Onoungou.
A propos des jeunes filles qui délaissent le village et les travaux champêtres pour partir en ville, Angélique Kébi estime que "la ville est souvent un enfer pour nos filles sans métier. Ici, elles peuvent mieux gagner leur vie." Très active aussi sur le plan politique, elle ambitionne de siéger un jour au Conseil départemental de la Cuvette-Ouest. Pour elle, en effet, "plus la femme est présente dans les sphères de décision, mieux sa cause sera défendue."
Lors des élections locales du 28 septembre dernier, sa candidature n'a toutefois pas été retenue par sa formation politique, le Parti congolais du travail (PCT) dont elle est membre depuis 2000. Elle était en effet absente d'Ewo au moment de la sélection des candidats par les délégués de son parti. "Ce n'est que partie remise !", promet-elle. Elle aura, le moment venu, sans doute le soutien de bon nombre de femmes, mais aussi d'hommes. Parmi ses premiers supporters, son fils Loïc. A ses yeux, sa mère est "l'exemple des femmes battantes de la Cuvette-Ouest !"
Serge Patrick Mankou
Octobre 2014