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Présentation

  • : Le blog de Syfia Congo Brazza
  • : Sur ce blog, vous trouverez des articles et des émissions sur la société civile congolaise. Un projet soutenu par l'Union européenne et mené par Syfia international et le Centre de Ressources pour la Presse (CRP).
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Le projet

Soutenu par l'Union européenne, le projet encourage le dialogue entre les autorités locales et les organisations de femmes qui luttent contre la pauvreté et pour un meilleur respect de leurs droits en milieu rural. Les journalistes vont jouer le rôle de médiateurs en favorisant notamment les rencontres débats entre ces trois groupes.

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Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de Syfia international et du CRP ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

Qui sommes-nous ?

Crée en 1994, le Centre de ressources pour la presse (CRP), association à but non lucratif de la presse congolaise, coordonne cette action. Il est le garant de la ligne rédactionnelle en étroite collaboration avec son partenaire, Syfia International. Il sélectionne, forme et suit individuellement les journalistes, organise les ateliers, les débats communautaires et les conférences de rédaction, assure les relations avec les médias locaux et suit la diffusion des émissions et des articles.

15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 10:07

(Syfia/CRP) Désireux d'arrondir leurs fins de mois, des enseignants négligent le public pour le privé où leurs compétences sont recherchées. Ils y font plus sérieusement leur travail par crainte d'être sanctionnés. Pendant ce temps, leurs élèves du public sont un peu délaissés…

 

Neuf heures. Les élèves du collège public de la Liberté à Talangaï sortent en recréation. La cour se teinte de kaki et de bleu, les couleurs de la tenue des élèves de ce collège brazzavillois. A l'intérieur, certains professeurs s’apprêtent à prendre le relais dans les salles de classe, d’autres font déjà le point de la journée. "Les cours se déroulent normalement. Les enseignants sont présents en dehors de quelques cas isolés", se félicite une autorité de cette école.

Dans bon nombre d'établissements, des professeurs sont en effet aux abonnés absents ou bâclent leur travail pour aller donner des cours dans le privé où ils arrondissent (40 à 50 000 Fcfa, 60 à 75 €) leurs fins de mois. "Notre salaire (70 à 80 000 Fcfa, 105 à 120 €, Ndlr), assure Bled, professeur dans une école publique, est insuffisant pour joindre les deux bouts." Dans le privé, ils s’investissent davantage parce qu’ils sont payés à l’heure (1 000 Fcfa, 1,5 €) et ont peur d’être renvoyés. Ils sont par ailleurs obligés de terminer les programmes scolaires. "Si un enseignant manque le cours, il est sanctionné. La rigueur et le suivi font défaut dans le public", résume Paulin, un enseignant du privé.

Les professeurs des écoles d'Etat sont très sollicités, car ils ont en général participé à des formations pédagogiques efficaces. "L'encadrement qu’ils ont reçu est aussi bénéfique pour le privé", déclare Brice, directeur d’une école, avant de poursuivre, "sur 15 agents, sept de l’école publique évoluent avec nous ; le reste se forme sur place." Un cumul de postes mal perçu du côté du ministère chargé de l’Enseignement. "Les textes n'autorisent pas à exercer à la fois dans le privé et dans le public", rappelle Gaëtan Mayoukou, inspecteur général de l’enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation, qui contrôle l'ensemble des écoles. "Chacun doit respecter ses heures de travail avant d’aller ailleurs", conclut-il.

 

Scolarité à deux vitesses

Certains élèves, découragés par l'irrégularité de leurs enseignants, sont tentés d'abandonner leurs études. D'autres peinent à suivre dans une classe où ils sont au moins 60, contre seulement 20 à 30 dans le privé. D'après Bienvenu Eyiamoro, parent d’élève, "dans les établissements privés, on ne regarde que l’argent. Même s'il échoue, l’enfant se retrouve en classe supérieure. Par contre, celui du public passe grâce ses propres efforts". Dans certaines écoles, l’élève paye 5 à 10 000 Fcfa (7,5 à 15 €) par mois, alors que l’enseignement est gratuit dans le public.

Les parents qui en ont les moyens préfèrent inscrire leurs enfants dans le privé, estimant meilleurs la qualité de l’enseignement et le suivi des élèves. Les résultats aux examens nationaux indiqueraient toutefois que les élèves de ces différents établissements ont les mêmes chances de réussite. "Les examens organisés par l’Etat sont nationaux. Les candidats du privé sont toujours brassés avec ceux du public. Ils passent les mêmes épreuves", précise Landry Ebata, directeur d'une école privée.

 

El-Staël Enkari

 

 

Janvier 2010

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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 09:34

(Syfia/CRP) Au Congo Brazzaville, le pagne se sophistique sous l'impulsion de créateurs encore peu connus et reconnus. Défilés de mode, concours de couture et festivals fleurissent pour faire sortir de l'ombre ces talents. La profession reste cependant à organiser.

 

"Le wax avec sa valeur marchande (50 000 Fcfa, 76 €, Ndlr) fait la dame comme l’habit fait le moine", se rengorge Maguy, la trentaine. Rencontrée juste avant les festivités de Noël, elle avait noué autour de ses reins un pagne surmonté d’une blouse cousue en "mode kazacou" (veste portée par certains musiciens).

Comme Maguy, bon nombre de Congolaises s’habillent ainsi pour les grandes occasions : mariages, sorties galantes, etc. Quant aux hommes, ils portent au quotidien des chemises style Madiba (popularisées par Nelson Mandela) en provenance du Togo, de la RD Congo ou fabriquées localement. Dans les foyers polygames, ces tissus peuvent aussi être "l’arme fatale d’une guerre froide", soutient Bertille, une quinquagénaire : "Par ce que je mets, la coépouse doit savoir ce que j’ai envie de lui dire. Je ne peux pas l’agresser sinon je perds mon mari, alors nous parlons par code !" D’où des motifs comme "l’œil de ma rivale" (tout rouge d’avoir pleuré ou de colère). Les hommes ne sont pas à l'abri de ces mises en garde codées. En témoigne l’expression "Mon pied, ton pied", résumé de l’histoire d’une épouse qui, furieuse de voir trop sortir son mari à son goût, aurait choisi un pagne imprimé avec des traces de pas pour lui annoncer sa volonté de le suivre de très près à l'avenir...


Identité culturelle

Aujourd'hui encore, le pagne reste un élément identitaire important. Selon Solange Samba-Toyo, présidente d’Africontacts, une agence de communication et de promotion de la culture congolaise, "il accompagne l'Africaine de la naissance au deuil, en passant par le mariage. De l’Afrique de l’Ouest jusqu’au Centre, il permet la rencontre de cultures différentes." Gisèle Gomez, styliste congolaise exportatrice de pagnes vers la France, parle même de "rite magique" en évoquant "le mouvement précis et rapide des femmes pour en dénouer les deux coins puis les resserrer après y avoir glissé quelque trésor…"

Pour faire sortir de l'ombre les talents, Africontacts organise des défilés de mode et des concours de couture. En décembre dernier, l'agence a mis en place le 1er Festival du pagne et du tissu africain à Brazzaville. Ce dernier a réuni une petite quarantaine d'exposants du continent et rassemblé en moyenne 1 000 visiteurs par jour qui ont notamment pu découvrir Maître Calva, qui a reçu le Prix créa-couture récompensant les meilleurs couturiers congolais.

"Notre pays compte une importante quantité de couturiers de pagne indigo, de créatrices et créateurs dans le domaine des arts de la table et de la mode, d'artistes peintres spécialisés en raphia et bien d’autres…", s'est félicité le ministre de la Culture et des arts, Jean Claude Gakosso, lors de l'ouverture de cette manifestation. A l'occasion d'un autre festival spécialisé qui a eu lieu au Niger en novembre dernier, le pays, qui participait pour la première fois à cette rencontre réunissant beaucoup d'autres pays africains, s'est classé premier grâce à son pagne mélangé avec du raphia, un modèle très en vogue au pays. Localement, petit à petit, fabricants et artisans, gagnent mieux leur vie.


Organiser la profession

Le pagne peine cependant à s'imposer, en particulier auprès des jeunes. "Avec le modernisme, il est de moins en moins porté. Certaines l'utilisent uniquement à la maison. Quand elles sortent, elles mettent un pantalon. Elles pensent que le pagne les vieillit", observe Thyde Anne Koumba, une universitaire.

De leur côté, les stylistes pourraient valoriser encore davantage ce tissu. Selon Dominique Nanitelamio, directeur de la promotion et de la formation au ministère des Petites et moyennes entreprises et de l'artisanat, entre 2000 et 2009, seuls 403 créateurs se sont fait officiellement enregistrer. Une majorité d'entre eux restent dans l'informel, craignant les policiers et les fonctionnaires qui les prennent pour des commerçants et leur imposent différentes taxes. Autre difficulté pour les stylistes : le manque d’accès au crédit. Dominique Nanitelamio souhaite en particulier que tous aient un compte épargne ou de prévoyance sociale. Un projet de loi régissant l'artisanat, en attente de promulgation par le président de la République, devrait contribuer à mieux organiser la profession.

Marien Nzikou-Massala

 

 

Janvier 2010

 

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17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 11:02

(Syfia/CRP) Il est désormais strictement interdit de vendre au bord des grandes artères de Brazzaville. La police fait énergiquement appliquer la mesure, mais les commerçants tardent à tous intégrer les marchés qu’ils jugent moins fréquentés, pas assez aménagés et donc moins rentables pour eux.

 

Total, le plus grand marché de Brazzaville, dans le deuxième arrondissement Bacongo. Nkouka Bateké, la principale avenue qui traverse ce marché est désormais accessible aux véhicules et aux passants. Les vendeurs qui l’obstruaient depuis des décennies ont désormais interdiction formelle d’y travailler. Mais nombre d’entre eux continuent à vendre non loin de là. "Nous regardons à droite et à gauche pour prendre rapidement la fuite au cas où les policiers arriveraient", raconte C., 27 ans, vendeur de pains. Malgré leur vigilance, certains tombent dans les mailles du filet. La marchandise de C. a par exemple été détruite par des agents des forces de l’ordre à trois reprises. Au total, il estime avoir perdu 26 000 Fcfa (40 €).

Comme d’autres, C. s’acharne tout de même à rester à proximité de cette avenue très passante, car il estime qu’intégrer le marché ne lui permettrait pas de bien écouler ses produits. Selon lui, les acheteurs pressés n’y entrent pas et les étalages sont difficilement accessibles. C. comme les autres vend donc désormais en catimini, exposant d'abord un simple échantillon et, ce n'est que quand un client mord à l’hameçon qu'il lui apporte le reste ou l’amène voir le reste de la marchandise. "C’est moins risqué. En cas d’irruption de la police, nous ne perdons presque rien", déclare Tony, 25 ans, vendeur ambulant de lait en sachet.

 

Brazzaville se refait une beauté

Entre les vendeurs et les autorités, le jeu du chat et de la souris a commencé en septembre dernier, quand la municipalité de Brazzaville a débuté son opération "déguerpissement des occupants anarchiques du domaine public", qui vise à assainir, protéger et conserver l’espace public et à terme, embellir la ville. Premiers visés : les baraques et étalages installés sur des espaces publics. À ce jour, Jean-Claude Oniangué Ollingo, conseiller du maire, responsable de ladite opération, estime que la moitié des objectifs sont atteints, car, selon lui, les principales artères du centre-ville ont été assainies : "L’opération se poursuit. Elle durera jusqu’à ce que toutes les artères concernées soient balayées".

Pour le conseiller, l'opération en cours semble réussir mieux que les précédentes : "À plusieurs endroits, des occupants ont eux-mêmes débarrassé la rue de leurs baraques avant que les agents de l’ordre ne passent. Des boutiques ont été démolies sans résistance des propriétaires." En 2004, l’opération avait échoué à cause d’interventions d’autorités civiles et militaires qui parrainaient certaines baraques. Par ailleurs, les patrouilles de police sont plus régulières aujourd’hui, assure M. Ollingo.

Casses de boutiques par-ci, confiscations de la marchandise et pénalités par-là… Des commerces font faillite et de nombreuses personnes sont réduites à l’oisiveté. Edvin Ntsila, 42 ans, père de trois enfants, a décidé de ne plus vendre depuis qu’il a été déguerpi du marché de fortune de PK Mfilou dans le 7e arrondissement. "On nous a demandé d’intégrer le marché de Bissita (situé à 500 mètres de PK Mfilou, Ndlr). Mais là bas, les vendeurs de produits congelés sont nombreux. On ne peut y vendre qu’un jour sur deux. Le carton de poisson que je vendais par jour dehors, il me faut deux ou trois jours pour le vendre dans le marché. Comme je faisais moins de bénéfices, j'ai préféré rester à la maison."

 

Méthodes musclées

Des policiers organisent des contrôles réguliers. "Lorsqu’il y a résistance ou récidive sur le terrain, explique un agent du commissariat central de Brazzaville, la police procède à la casse ou emporte la marchandise au commissariat. Au propriétaire de venir la délivrer." Une manière de faire qu’un officier de la Direction générale de la police nationale (DGPN) n’apprécie pas : "Il y a toujours eu des dérapages dans ce genre d’opération. La police devrait se faire accompagner par des agents municipaux à chaque descente sur le terrain." Un point de vue partagé par un responsable du Comptoir juridique junior (CJJ) qui pense que "les policiers devraient suivre des formations en droits de l’homme avant d’exécuter ce genre d’opérations".

Pour le Collectif des responsables de rayons de vente du marché Total, la mesure est cependant la bienvenue. Son vice-président, Étienne Nsana, montre du doigt "ceux qui vendent hors des étalages échappent au contrôle et ne payent pas les taxes". Il reconnaît cependant l’insuffisance d’étalages dans le marché et pense que le problème sera totalement réglé après la construction du nouveau marché moderne sur deux niveaux, prévue en 2010.

 

Bertier Batebi

 

Décembre 2009

 

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17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 10:56

(Syfia/CRP) Au Congo Brazzaville, la lutte contre la mortalité infantile tarde à produire des résultats. Certains dénoncent la mauvaise gestion des ressources humaines et financières dans les hôpitaux, le manque de compétences des agents de santé et la lenteur de la prise en charge des enfants, ainsi que le comportement de certains parents qui attendent la dernière minute pour les faire soigner. En cause également, la gratuité, très relative, des antipaludéens.


Convalescent, le système de soins congolais sera-t-il bientôt sur pieds ? Oui, répond en substance, résolument optimiste, le Dr Djombo, directeur de la Santé de la famille au ministère de la Santé et de la population : "Nous allons lancer, le 21 décembre 2009, la feuille de route nationale. Ce programme prévoit entre autres la formation continue des personnels. Un de ses objectifs est de réduire de moitié la mortalité maternelle, néonatale et infantile d’ici 2015."

Pour l’heure, à cause surtout de la prématurité qui tue un nouveau né sur trois et du paludisme responsable de la mort de 31 % des enfant au cours de leurs premières années de vie, le Congo compte, selon l’enquête démographique et de santé menée en 2005 par le ministère du Plan et de l’aménagement du territoire, un des taux de mortalité infantile les plus élevés d’Afrique subsaharienne.

"Il y a des campagnes de vaccination et des dons de moustiquaires. Plusieurs femmes accouchent en services sanitaires et y amènent leurs enfants malades. Mais, le taux de mortalité infantile reste élevé. Les personnels soignants et les services de santé ne sont pas performants. Il y a un problème de compétences", estime le Dr Abdon Goudjo de la Coopération française. Un pédiatre du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville est lui très remonté contre la mauvaise gestion des ressources humaines et financières. "Tous les meilleurs agents et les financements les plus importants, explique-t-il, sont confiés aux responsables des grands hôpitaux qui empochent l’argent et détournent le matériel au profit de leurs cliniques privées. Les centres de santé intégrés, qui devraient jouer le plus grand rôle pour réduire la mortalité infantile, manquent de tout, même d’alcool et de coton, et fonctionnent avec des budgets aléatoires."

 

"Trop tard, notre enfant était mort"

Le Dr Djombo reconnaît le manque de performance des hôpitaux et des agents de santé, mais pointe du doigt le faible niveau d’instruction et les maigres revenus des familles qui, selon lui, ne prennent pas à temps les bonnes décisions pour préserver la santé de leurs enfants. "Les gens font de l’automédication et n’arrivent à l’hôpital que lorsque les choses s’aggravent. Il nous faut combattre cette attitude par des campagnes d’information", déclare-t-il.

Lors du 5e congrès de l’Association des pédiatres d’Afrique noire francophone, tenu à Brazzaville du 29 au 31 octobre 2009, où environ 150 spécialises ont traité de la réduction de la mortalité infantile, le Dr Malonga a présenté les résultats d’une étude menée à l’hôpital Adolphe Sicé de Pointe-Noire, de décembre 2007 à novembre 2008, par un groupe de médecins : "Sur 3 677 nouveaux nés hospitalisés, 541 sont morts, surtout à cause de la grande prématurité. Nous avons exclu de nos statistiques 101 nouveaux nés décédés une heure après leur arrivée environ, avant que l’institut de santé ne les prenne en charge."

Le retard accumulé dans la prise en charge des enfants dans les hôpitaux participe activement à leur forte mortalité. Une femme explique : "Mon enfant faisait de fortes fières accompagnées de vomissements. A l’hôpital de Talangaï, nous avons attendu plus de deux heures avant d'être reçus par les agents de santé. Le médecin nous a ensuite prescrit un traitement contre le paludisme. Le temps pour mon mari de courir les pharmacies à la recherche des médicaments, il était trop tard. Notre enfant était mort…" Plusieurs témoignages similaires  montrent les conséquences dramatiques du manque de pharmacies dans les hôpitaux et confirment la lenteur de la prise en charge des malades par les agents de santé.

 

Gratuité à deux vitesses

Dans le cadre de la prise en charge intégrale des maladies de l’enfant, le gouvernement a investi, il y a deux ans, plus de 4 milliards de Fcfa (6 millions d’€) pour rendre gratuit le traitement contre le paludisme pour les enfants de 0 à 15 ans. Mais, sur le terrain, cette gratuité n’est pas effective. A l’hôpital de Makelekele, le Dr Régis Karym Ntsila, chef de service de pédiatrie, continue de prescrire des médicaments à ses malades. "Nous n’avons pas reçu de médicaments gratuits", assure-t-il. À l’hôpital de Talangaï, une infirmière précise : "Ce traitement n’est gratuit que dans les centres de santé intégrés." Ce que confirme le Dr Djombo, qui ajoute que "c’est une décision du gouvernement".

Dans un des centres de santé intégrés où nous nous sommes rendus, une infirmière, qui a requis l’anonymat, déclare : "Nous ne traitons que le paludisme simple, car nous n'avons que des comprimés. Quand un enfant ne peut pas les prendre parce qu’il vomit ou qu'il est trop fatigué, nous l’envoyons dans un grand hôpital où ses parents devront acheter des solutions injectables. C’est le paludisme grave qui tue les enfants. Au lieu de s’attaquer au mal, on le contourne. Tant que l’État ne comprendra pas cela, tous ses investissements seront de l’argent gaspillé." 

 

Dieudonné Moukouamou Mouendo

 

Décembre 2009

 

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 09:26

(Syfia/CRP) À Brazzaville, Roselle Ndoungounou, orpheline de père et de mère, a appris un métier, gagné une indépendance financière et retrouvé sa joie de vivre. Elle rêve demain d’ouvrir son atelier de couture et d’embaucher à son tour des orphelines.

 

Assise derrière sa machine à coudre, Roselle Ndoungounou, 25 ans, a les yeux fixés sur la camisole qu’elle est en train de confectionner. Elle a été formée à la couture par Femmes et Actions, une association créée en 1998, qui lutte contre la pauvreté et mène des actions de prévention contre le sida et le paludisme. Chaque jour, elle reçoit ses clients le sourire aux lèvres, oubliant ses souffrances d’autrefois. "Elle fait très bien son travail, nous l’apprécions beaucoup", déclare une cliente. Une reconnaissance et une bouffée d’oxygène pour cette orpheline dont la mère est morte d’un cancer et le père du diabète en 1996. Elle avait alors 12 ans. "Je me sens maintenant utile, j’ai retrouvé ma joie", se félicite la jeune femme.

À Poto-Poto, dans le 3e arrondissement de Brazzaville, plusieurs jeunes, filles et garçons, apprennent des petits métiers et parviennent ensuite à s'assumer. Certains n’ont jamais été à l’école ou l'ont quittée très tôt et apprennent le métier de leur choix. D’autres sont aidés pour reprendre leurs études. À la mort de ses parents, Roselle a ainsi été obligée d’abandonner l’école par manque de soutien financier. Femmes et Actions, l’a l’insérée dans le projet "Prise en charge des orphelins et autres enfants vulnérables". "J’aime coudre tous les modèles et habiller les autres", confie-t-elle.

 

Libre grâce à la couture

Le programme dont elle a bénéficié a pour but de prendre en charge les orphelins et les enfants dont les parents n’ont pas assez de moyens. Financé par la Banque mondiale, il a été lancé en 2008 par le Conseil national de lutte contre le sida (CNLS), avec l’appui notamment de plusieurs Ong congolaises. En 2008 et 2009, 350 enfants ont été réinsérés à l’école à Brazzaville et 22 ont été formés à la coiffure, la couture, la mécanique auto et l’informatique. Aujourd’hui, la plupart de ces derniers ont été embauchés par Femmes et Actions. "Ils gagnent leur vie dans les ateliers où ils ont été formés et sont payés entre 60 et 90 000 Fcfa par mois (entre 90 et 135 €, alors que le Smig est fixé à 50 000 Fcfa, soit environ 75 €, Ndlr)", explique Gaspard Gama, le coordonnateur du programme.

Ces jeunes s’en sortent plutôt bien, mais, pour des raisons financières, ils sont peu nombreux à bénéficier de ce programme qui ambitionnait au départ d’en former 500 dans cet arrondissement et 1 500 sur l’ensemble du pays. L’exemple de Roselle est en tout cas encourageant. Dalton Malonga, son formateur, explique : "C’est une fille qui fait très bien son travail. Au début, elle avait des difficultés pour s’adapter, mais elle a acquis beaucoup d’expérience. Elle a de l’avenir dans la couture !"

Cela tombe bien, la jeune femme est bien décidée à poursuivre son chemin dans ce métier après avoir reçu comme tous les autres apprentis au terme de sa formation, un kit complet (machine à coudre, ciseaux, accessoires). "Grâce à la couture, je gagne 50 à 60 000 Fcfa par mois (75 à 90 €). Je suis indépendante financièrement. Je me sens libre. Je couds aussi mes propres habits", se félicite-t-elle. Demain, elle espère ouvrir sa propre maison de couture et "embaucher d’autres orphelines".

El-Staël Enkari

 

Novembre 2009

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 09:24

(Syfia/CRP) Autodidactes pour la plupart et travaillant parfois avec du vieux matériel, les jeunes du Collectif génération Elili dépoussièrent le métier de photographe au Congo Brazzaville. Bon nombre d’entre eux parviennent à vivre de leur passion. Certains commencent même à être connus et reconnus.

 

Passion et besoin de se démarquer de leurs aînés. Telles ont été et sont encore les motivations des membres du Collectif génération Elili (image en lingala). Plutôt que les cérémonie et les portraits de famille, ce regroupement de 23 jeunes photographes préfère mettre en lumière des scènes de la vie quotidienne auxquelles on ne prête généralement pas attention : voyages en train, shégués (enfants de la rue), bars et musiques, "sapologie", etc.

Cinq passionnés d’horizons divers (bacheliers, étudiants, artisans) sont à l’origine de ce collectif créé après un stage en 2003 du Programme de soutien aux arts plastiques (PSAP), subventionné par l’Union européenne. Au départ, ils ne possédaient que quelques rudiments du métier, acquis auprès d’anciens photographes ou dans des ouvrages spécialisés.

Aujourd’hui, la "famille" s’est agrandie et se bat pour plus de visibilité dans le monde entier. Objectif en partie atteint pour certains. C'est le cas de Baudouin Mouanda, membre du Collectif, dont on peut notamment découvrir les images sur les séquelles de la guerre de 1997 en République du Congo sur le site d'Afrique in visu, plateforme d'échanges autour du métier de photographe en Afrique (http://www.afriqueinvisu.org). Elu meilleur photographe par le jury de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, il a été récompensé aux 5e Jeux de la Francophonie de Niamey (Niger) en 2005. La même année, Baudouin, encore lui, a été sélectionné trois fois au concours international pour le Grand prix photoreportage étudiant Paris Match/SFR. Il faisait partie des 30 candidats sélectionnés parmi quelque 4 000 !

En 2007, il se perfectionne à Paris au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ), fait des stages à l’AFP et dans une école supérieure de l’image et couvre la campagne présidentielle française. Il y a deux mois, il couvre cette fois les élections au Gabon, avant de s’envoler à Bamako (Mali) où il expose en ce mois de novembre.

Que de chemin parcouru depuis sa première expérience photo en 1993. Alors élève de 6e, son père lui offre un appareil 28 mm avec une pellicule déjà entamée. "Heureux, j’ai photographié mes amis. Les photos étaient belles. Encouragé par mes copains, je me suis ensuite acheté ma première pellicule, mais cette deuxième expérience a été désastreuse. Sur 36 clichés seulement 7 étaient visibles", se souvient Baudouin. Cet échec ne le détourne pas de la photographie, au contraire. Plus tard à la fac, son père s’inquiète même de sa fidélité à cette passion. "Il me répétait souvent que la photo n’est pas un métier et qu’un jour je ne pourrais pas payer mon loyer", se souvient le fils.

 

Photographes plus visibles

Désiré Loutsono Kinzenguele, photographe et coordonnateur du collectif, se félicite de la reconnaissance de certains artistes membres. Des travaux ont ainsi bénéficié d’une aide à la création de CulturesFrance (organisme français d’aide aux initiatives culturelles) et sont présentés sur Afrique in visu. Des œuvres sont exposées à travers le monde, avec tous les avantages que cela entraîne (formations, ateliers, séminaires, bourses d’études). "A Brazzaville, les gens commencent petit à petit à s’intéresser à ce nous faisons", se réjouit Kinzenguele.

Qui dit visibilité dit premières retombées. "Comme tout travail artistique, il y a des hauts et des bas, mais j’arrive à en vivre", confie Armel Louzala, membre du collectif depuis fin 2006 et qui a bénéficié de plusieurs formations animées par des grands frères photographes. Comme Armel, ils sont de plus en plus nombreux à gagner leur vie grâce à la photo : "Ce n’est pas rose tous les jours, mais au moins nous n’allons pas mendier", résume Désiré Loutsono Kinzenguele.

Ce dernier est cependant conscient que cela n’est pas suffisant et qu’il faudrait ouvrir au Congo une école de photographie : "Nous, photographes, pourrions créer une école, mais avons-nous les moyens financiers et techniques pour mettre en place une telle institution sans l’apport du gouvernement ?", s’interroge-t-il. En attendant, le collectif continuera à se battre pour obtenir plus de prix et de formations afin d'aider ceux qui n’ont pas encore eu la chance de voyager.

 

Annette Kouamba Matondo

 

Novembre 2009

 

 

 

 

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 09:23

(Syfia/CRP) Victimes de préjugés sexistes dans leurs familles, à l’école et au travail, les Congolaises doivent se battre pour obtenir des postes à responsabilités. Certaines y parviennent, deviennent leur propre patron ou obtiennent la reconnaissance de leurs chefs.

 

Au Congo Brazzaville, les femmes peinent à être appréciées à leur juste valeur. De l’indépendance à aujourd’hui, elles ont toujours été faiblement représentées dans les institutions et les postes à responsabilités. L’actuel gouvernement, appelé Chemin d’avenir, de Denis Sassou Nguesso qui, sur 37 ministres, ne compte que cinq femmes, ne fait pas exception à la règle. Elles ne sont que huit sur 137 députés et sept sur 66 sénateurs. Selon Bernadette Ebaka, directrice au ministère de la Promotion de la femme, les patronnes d’entreprise ou directrices générales ne seraient par ailleurs qu’une dizaine, secteurs privé et public confondus.

Cette faible représentativité à des postes clés serait d’abord culturelle. "Avant même le collège, la maman souhaite que sa fille l’aide à accomplir les petits travaux ménagers pour l’initier à ses tâches de future femme au foyer", observe Mme Mbemba, chef de service du secrétariat du ministère de l’Enseignement primaire et secondaire chargé de l’alphabétisation. Les filles sont donc retirées plus tôt de l’école que les garçons et sont de moins en moins nombreuses au collège, au lycée et à l’Université.

Pour Arlette Bakou, conseillère du ministre de la Promotion de la femme du Congo, qui a ratifié en 1980 la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, est "suffisamment avancé en matière de droits, mais reste à mettre en pratique toutes ces lois". Elle ajoute : "Celles qui se démarquent des autres et bénéficient de la confiance de leur supérieur développent leurs talents et font preuve de professionnalisme dans l'exercice de leurs fonctions."

Rufin Mahinga, directeur de publication du Manager, un journal où quatre des six employés sont des femmes, se réjouit ainsi de leur apport pour son entreprise : "C’est grâce à elles que le journal a connu un essor. Elles ont bâti un bon plan marketing pendant que les hommes semblaient moins préoccupés par la question. Quand on intéresse les femmes à quelque chose, elles le font avec leur cœur. "

 

"Jouer la dame de fer"

À force de ténacité, certaines parviennent à vaincre au moins en partie les préjugés qui les pénalisent dans leurs familles, à l’école ou au travail. Quelques unes obtiennent des postes à responsabilités, plus facilement dans les secteurs de la santé, de l’enseignement, de la restauration et de l’hôtellerie. À l’image de Sophie Biantouari, sociologue, écrivaine et gouvernante de l’hôtel Léon à Brazzaville, qui explique : "Quand vous gérez des hommes, il faut au quotidien toujours être derrière eux. Si vous les laissez seuls, rien ne se fera. Il y a un temps où il faut jouer la dame de fer et un autre où il faut être souple."

Pour faire bloc face aux hommes qui les stigmatisent encore, des femmes participent régulièrement à des ateliers sur le leadership, organisés notamment par les autorités. Sylvie Niombo, présidente exécutive de l’Ong congolaise Azur développement, propose des formations pour les femmes rurales : "Chaque année, nous formons une trentaine d’entre elles au leadership et à l’utilisation des nouvelles technologies, des armes qui leur permettent de s’épanouir." Grâce à une de ces formations, Anne Thyde Koumba a appris à maîtriser l’outil informatique et est aujourd'hui gestionnaire d'un cybercafé, une responsabilité jusque-là plutôt réservée aux hommes.

Un petit début pour les Congolaises, bien décidées à montrer à ceux qui en doutent encore que leur pays ne peut se passer des compétences de plus de 52 % de sa population. Il reste cependant du chemin à faire pour atteindre par exemple le Rwanda où les femmes sont actuellement majoritaires au Parlement.

 

Marien Nzikou-Massala

 

Novembre 2009

 

 

 

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 09:21

(Syfia/CRP) Mécontents de leurs salaires et de leurs conditions de travail, les employés congolais de patrons chinois, ouest-africains ou libanais subissent en silence leur exploitation. Ils n’ont en général pas de contrat en bonne et due forme, ne connaissent pas leurs droits et craignent surtout d’être licenciés dans un pays où trouver un emploi relève du miracle.

 

Jusqu'à 80 heures de travail par semaine pour un salaire de misère... Tel est le traitement de nombreux jeunes Congolais employés de patrons chinois, ouest-africains (mauritaniens, sénégalais, maliens), libanais ou pakistanais. Ces employeurs étrangers font des affaires au Congo depuis la fin de la guerre de 1997 dans les secteurs du commerce, du bâtiment ou de la restauration. Le plus souvent, leurs employés travaillent tous les jours, du matin au soir, sans pause à midi. Ils n’ont pas de prime de transport, pas de congés et sont pour certains rémunérés moitié moins que le Smig, soit 25 000 Fcfa (38 €) le mois au lieu de 50 000 Fcfa (environ 75 €).

"Je suis payé 1 000 Fcfa (1,5 €) la journée et je n’ai  pas de contrat de travail. Je ne suis donc pas à l’abri du renvoi", témoigne un employé d’un magasin ouest-africain. "Le volume de travail est trop élevé par rapport au salaire que je reçois. Mais, si je réclame mes droits, je risque de me retrouver à la rue", assure une mère célibataire, salariée d’un établissement libanais depuis une dizaine d’années. Elle, qui cumule plusieurs tâches dans cette entreprise, ajoute : "Si nos salaires sont minables, c’est à cause de l’Etat. Il n’embauche pas et ces commerçants en sont conscients. Officiellement, nous travaillons de 7 à 17 h, mais en réalité, nous finissons aux environs de 19 h. À Kinshasa, tous les commerces ferment à 15 h !"

 

Le double de la durée légale

Au marché Poto-Poto de Brazzaville, dans un magasin chinois de commerce général, deux travailleurs assis dans un coin attendent la clientèle pendant que leurs patrons déjeunent. Eux n’ont ni pause, ni repas. Ils mangeront une fois à la maison. Pour l’heure, il leur faut vendre, ranger, nettoyer les articles et discuter avec les clients de 6 h 30 à 18 h, du lundi au samedi, et le dimanche de 6 h 30 à 15 h. Près de 80 heures de travail par semaine, soit le double de la durée légale (40 heures) fixée par le Code du travail congolais, et cela pour 45 000 Fcfa (70 €) par mois…

Dans un autre magasin chinois, un employé déplore également, barrière de la langue oblige, "le manque de communication" avec son employeur et le manque de reconnaissance de son travail : "Quand je suis arrivé, je gagnais 30 000 Fcfa (45 €). Deux ans plus tard, je suis à 52 000 Fcfa (près de 80 €). C’est encore très insuffisant pour vivre." À côté de lui, un collègue en colère déclare : "Avec cette somme, tu ne peux pas louer une maison, encore moins avoir une femme."

Le responsable d’un magasin chinois justifie la faible rémunération (1 000 à 2 000 Fcfa soit 1,5 à 3 € par jour au démarrage) de ses vendeurs en accusant les Congolais de voler la marchandise. Il ne cherche pas et n’a sans doute pas besoin de fidéliser ces employés qui, pour certains, démissionnent au bout d’une semaine, espérant trouver mieux ailleurs, comme le fait remarquer un des vendeurs congolais de la boutique. Même dans cet autre commerce chinois reconnu par les autorités congolaises et où le salaire minimum est fixé à 65 000 Fcfa (100 €) selon la chargée de l’administration, certains employés sont décidés à partir s’ils trouvent mieux. Pas évident, car la fonction publique recrute peu et les commerçants congolais embauchent en priorité des membres de leurs familles avec des salaires négociés à l’amiable…

 

Informer employeurs et employés

Les patrons étrangers sont donc très sollicités par les demandeurs d’emploi et feraient jouer à fond la concurrence entre salariés. Selon l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH), "les autorités ont une grande responsabilité, car elles privilégient leurs relations avec les commerçants étrangers au lieu de sanctionner ceux qui ne respectent pas les normes du travail au Congo."

Du côté de l’Office national de l’emploi et de la main-d'œuvre (Onemo), les règles du jeu sont en tout cas claires : "Aucune entreprise ne peut engager du personnel sans nous en avoir informés. Sinon, les relations qui la lient à son employé ne sont fondées sur aucune base légale. Toute entreprise qui va à l’encontre de cette loi encourt des pénalités allant de 30 000 à 95 000 Fcfa (45 à 145 €) par salarié non déclaré", souligne Jean-Ernest Mahoungou, secrétaire à la direction générale de l’Onemo. Sur le terrain, la loi est cependant peu respectée… "Des boutiques ouvrent sans avoir d’information sur la loi régissant l’emploi au Congo. Nous expliquons à l’employeur qu’il doit faire signer un contrat à son employé et le soumettre à notre appréciation.", assure M. Mahoungou.

Les employés qui s'estiment exploités peuvent s'adresser aux inspecteurs et contrôleurs du travail et aux syndicats. Mais peu d’entre eux connaissent leurs droits.

 

 

Annette Kouamba Matodo

 

Novembre 2009

 

 

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13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 10:35

(Syfia/CRP) À défaut de trouver un métier moins risqué pour leur santé, la plupart des jeunes de Madingou, au sud du Congo Brazzaville, deviennent distillateurs de whisky. En bout de chaîne, les consommateurs se détruisent, eux aussi, à petit feu.

 

Florence, 30 ans environ, prend un tuyau et transvase d'un fût à une bouteille un liquide très chaud. L’opération est délicate. "On ouvre ensuite le couvercle du fût. Une vapeur bizarre s’échappe alors ; elle provoque des maladies pulmonaires. Et, si le couvercle vous tombe dessus, vous êtes gravement brûlé", précise Lionel Mvouala, un distillateur de boganda, à Madingou, dans le département de la Bouenza, au sud du Congo.

Cet alcool local, obtenu par distillation d’un mélange fermenté de farine de manioc et de maïs, doit son nom au premier président centrafricain, Barthélemy Boganda. Dans les années 60, ses premiers distillateurs étaient en effet originaires de ce pays. Ils ont commencé à le fabriquer d’abord au nord du Congo, frontalier de leur pays d’origine, puis à Brazzaville. Certains sont ensuite arrivés à Madingou, où le manioc et le maïs poussent bien. Aujourd’hui, à Brazzaville, on ne distille presque plus, car l'approvisionnement en manioc et en maïs est difficile et coûteux.

Dans la Bouenza, tout le monde ou presque s’improvise distillateur. Quelques-uns ont même leur débit de boisson pour écouler directement leur production. Dans certains quartiers, chaque maison ou presque fabrique cet alcool. Des médecins de l'hôpital de Madingou estiment que cette activité est, après l’agriculture, la deuxième source de revenus des jeunes du coin, scolarisés ou non.

 

"Mieux vaut mourir que laisser ce travail"

Isidore, un distillateur, entend ainsi gagner de l'argent pour apprendre ensuite un autre métier : "Nous vendons l'alcool aux détaillants en dame-jeanne de 10 litres, qui eux l'écoulent en petits flacons (des bouteilles de sirop nettoyées, Ndlr) aux consommateurs. Avec cet argent, certains d’entre nous payent leur loyer ou construisent leur maison." Mais, les jeunes vont généralement vers ce travail faute de mieux… "Ici, l’absence d’emploi fait que même si tu es malade, tu ne peux pas t’arrêter. Nous avons des amis à qui les médecins ont défendu de préparer le boganda, mais ils sont obligés de continuer. Selon eux, mieux vaut mourir que laisser ce travail", assure encore Lionel.

Les ravages sur la santé s’observent aussi chez les consommateurs. Ce breuvage, dont la teneur en alcool dépasse 40°, finit par arriver dans d'autres régions (Pointe-Noire, Sibiti dans le Pool, Brazzaville). Les amateurs de boganda, couramment appelé par les Congolais de Brazzaville et de Kinshasa soupou na tolo (vomi sur la poitrine, en lingala), sont nombreux parmi ceux exercent des métiers physiques. Certains sont conscients des risques qu’ils prennent en l’absorbant, mais n'arrivent plus à s'en passer. "Souvent, j’en prends pour surmonter mes soucis. En réalité, rien ne change…", témoigne Serge.

 

Cirrhoses, ulcères, comportements sexuels à risques…

Le docteur Anicet Moussahou, médecin à l’hôpital de Makélékélé, à Brazzaville, détaille les conséquences désastreuses pour l’organisme : "Ces whiskies, forts en alcool, provoquent notamment des cirrhoses du foie, des ulcères et favorisent les comportements sexuels à risques. Certains consommateurs deviennent agressifs, d’autres carrément fous."

Début août, la mairie centrale de Brazzaville, le commissariat, le ministère de la Justice et celui de la Santé ont procédé à la fermeture d’usines qui fabriquaient des whiskies en sachet. "Un mois et demi après, leur consommation a baissé, mais il nous faudrait aussi surveiller le Beach, car c’est par là que le marché est ravitaillé clandestinement à partir de Kinshasa en RD Congo (autre lieu de fabrication, Ndlr)", fait remarquer le directeur de communication et des actions culturelles de la mairie de Brazzaville.

Aux yeux de Dieudonné Moussala, président de l’Association congolaise pour la défense des droits des consommateurs, cette fermeture n’est qu’un premier pas : "Avec nos jeunes, ce sont nos mains valides qui sont touchées. Cela a des incidences sur notre production et notre développement économique. Nos responsables doivent occuper notre jeunesse pour la détourner de la fabrique et de la consommation de cet alcool."

 

Marien Nzikou-Massala

 

 

 

 

 

 

Octobre 2009

 

 

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13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 10:25

(Syfia/CRP) Ces derniers temps, les Églises catholiques et protestantes traditionnelles voient revenir d’anciens fidèles, déçus par les promesses non tenues des Églises du Réveil. Ils n’y ont trouvé ni la richesse, ni la guérison promises, mais abus parfois criminels et arnaques en tous genres.

 

"Notre pasteur disait que mon fils, qui souffrait d’épilepsie, était possédé. Je savais qu’il racontait des sornettes, mais j’avais peur de parler à cause de sa popularité au sein de l’Église. A la mort de mon bébé, mon mari m’a quittée et je suis repartie à l’Église catholique. Ici ou là-bas, Dieu n’est-il pas le même ?", s’interroge Julie. "Une de mes amies a quitté Brazzaville avec sa fille de 16 ans abusée sexuellement par notre pasteur. Son père tente de convaincre un maximum d'adeptes de quitter notre assemblée", témoigne Rita, elle aussi à nouveau fidèle du culte catholique.

Difficile de dire combien, comme Julie ou Rita, retournent dans leurs paroisses catholiques ou protestantes traditionnelles après une aventure malheureuse dans les Églises du Réveil. À Saint-François, l’abbé Ghislain Aymar Nkodia dit recevoir en moyenne trois à quatre personnes par semaine. Il décrit des gens déçus de n'avoir trouvé ailleurs ni l’ascension sociale promise, ni soutien spirituel, d'où un certain sentiment de culpabilité. "Ces Églises édulcorent le message du Christ ; c’est l’évangile de la facilité", regrette l’abbé. "Nous, Église de la mission du temple de la fin (une Église du Réveil, Ndlr), nous prêchons la Bonne nouvelle. Je ne nie pas qu’il y ait des dérapages dans quelques Églises, mais toute œuvre humaine est imparfaite", dit en réponse un adepte.

 

Une forme d’exploitation

Les dérapages imputés à ces assemblées sont plus ou moins graves. Bon nombre d’anciens adeptes ont par exemple le sentiment de s’être fait escroquer. "Plusieurs soi-disant pasteurs érigent des églises ici et là. Ils demandent ensuite des offrandes de toutes sortes pour subvenir à leurs besoins", explique Daniel qui a déserté sa communauté après y avoir passé plus d’un an. Gérant d’un cybercafé, tous les papiers administratifs de l'Église étaient faits dans son entreprise et à ses frais. Certains adeptes venaient même naviguer gratuitement. "Aujourd’hui, cette forme d’exploitation a pris fin", se réjouit Daniel qui a regagné l’Église évangélique du Congo (EEC, protestante) où il a été baptisé. "Quand on est malade, on est capable de tout donner ! Sans l’intervention de mon fils, j’offrais une de mes parcelles à un pasteur qui disait qu’elle était envoûtée et que je devais m’en débarrasser pour guérir", témoigne Fernand, aujourd’hui en pleine forme.

D’autres n’ont pas trouvé leur bonheur spirituel dans l’enseignement proposé. "Cela fait six mois que je suis revenu à l’Église catholique. Avant, j’étais dans l’Assemblée du Dieu vivant. Les prédications parsemées d’alléluia et d’applaudissements vous laissent à un certain moment perplexe. Je n’arrive pas à prier avec autant de bruit. Avec le temps, je me suis aperçu que l’enseignement était creux et que la prophétie se limitait aux richesses terrestres", raconte Philipe, resté plus de deux ans dans cette assemblée.


 

"Solidarité sournoise"

Mais, si certains quittent ces groupes de prières qui ont vu le jour dans les années 1990 avec l'ouverture démocratique, d’autres continuent à affluer… Pour garder leurs brebis fraîchement arrivées à elles, certains ont en effet instauré ce que l’abbé Aymar appelle "une solidarité sournoise" : "Elle consiste à visiter régulièrement les fidèles pour les persuader, par des témoignages alléchants, de rester. Par ailleurs, une grande partie des frais de mariage est prise en charge par les cotisations des membres. D'où la ruée des femmes qui espèrent y trouver chaussure à leur pied."

Entre 2002 et 2003, le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation a recensé au Congo 39 Églises du Réveil. Entre 2008 et 2009, 58  assemblées supplémentaires ont été comptabilisées. A Brazzaville comme ailleurs dans le pays, difficile de les dénombrer avec exactitude. Certains pasteurs ne prennent en effet pas la peine de se faire enregistrer et plusieurs d’entre eux, à qui les autorités ont refusé l’installation, enfreignent la loi. Dans les assemblées qu’ils connaissent, les enquêteurs du ministère vérifient si la sécurité des fidèles, la tranquillité des voisins et la salubrité sont assurées. Quand, au hasard de leur tournée, ils tombent sur une église qui n’est pas aux normes, ils convoquent le prometteur et établissent un dossier en vue d'une reprise éventuelle de ses activités.

Pas de quoi, a priori, freiner sensiblement l’essor de ces assemblées. Les conflits de leadership qui y règnent provoquent en effet des dislocations puis de nouvelles branches qui attirent à leur tour de nouveaux adeptes...

 

Annette Kouamba Matondo

 

 

 

 

 

Octobre 2009

 

 

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Le partenaire

Syfia international est partenaire du CRP dans la mise en œuvre du projet. Son bureau français, l'association Journalistes Médiateurs (J'M), assiste le CRP dans la gestion financière de l'action et le suivi rédactionnel des journalistes, en particulier dans la production des articles. Syfia regroupe 15 agences de presse dont 12 en Afrique (parmi lesquelles le CRP) et 3 en Europe. Les 100 journalistes de l'équipe travaillent en réseau pour produire et diffuser des informations prioritairement destinées aux médias et aux lecteurs et auditeurs du Sud.

Les medias associés

La vingtaine de journalistes participants sont tous membres de radios ou de journaux de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Sibiti, Djambala et Ewo. Leurs responsables diffusent les émissions et les articles réalisés dans le cadre du projet et participent activement aux formations. La présente action mise en particulier sur les radios rurales pour élargir la diffusion vers l'intérieur du pays.

 

Autorités et OSC associées

24 associations de soutien aux femmes et 24 autorités locales (4 sur chacun des 6 sites de l'action) prennent l'habitude de se réunir régulièrement. Les OSC rurales sont davantage connues des médias et reconnues par les autorités.

Contact

Centre de Ressources pour la Presse – Gaston Elbi Enkari
g.elbienkari(a)gmail.com

 

Syfia international – Bureau français : association Journalistes Médiateurs - 125, rue Raimu - 34 070 Montpellier - Emmanuel de Solère Stintzy
edesolere(a)gmail.com