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Présentation

  • : Le blog de Syfia Congo Brazza
  • : Sur ce blog, vous trouverez des articles et des émissions sur la société civile congolaise. Un projet soutenu par l'Union européenne et mené par Syfia international et le Centre de Ressources pour la Presse (CRP).
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Le projet

Soutenu par l'Union européenne, le projet encourage le dialogue entre les autorités locales et les organisations de femmes qui luttent contre la pauvreté et pour un meilleur respect de leurs droits en milieu rural. Les journalistes vont jouer le rôle de médiateurs en favorisant notamment les rencontres débats entre ces trois groupes.

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Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de Syfia international et du CRP ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

Qui sommes-nous ?

Crée en 1994, le Centre de ressources pour la presse (CRP), association à but non lucratif de la presse congolaise, coordonne cette action. Il est le garant de la ligne rédactionnelle en étroite collaboration avec son partenaire, Syfia International. Il sélectionne, forme et suit individuellement les journalistes, organise les ateliers, les débats communautaires et les conférences de rédaction, assure les relations avec les médias locaux et suit la diffusion des émissions et des articles.

10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 07:54

(Syfia/CRP) Opérées gratuitement, des femmes incontinentes qui souffraient de fistules obstétricales retrouvent dignité, joie de vivre et activité professionnelle. Les autorités, les ONG et les institutions travaillent aussi en direction des familles pour qu'elles soutiennent ces femmes plutôt que de les rejeter.

 

"Je ne contrôlais plus mes urines. Toute ma famille m’avait abandonnée", se souvient Pauline qui mène aujourd'hui une vie normale. Pauline souffrait de fistule, cette fissure qui se forme entre le vagin et la vessie ou le rectum à la suite d'accouchements difficiles, fréquents sans assistance médicale. Quant à la maman, elle souffre ensuite d'incontinence chronique (urines et selles) et du rejet de son entourage. Comme Pauline, après bien des souffrances, Félie a retrouvé sa joie de vivre et tient un petit commerce.

Dans le cadre de l'amélioration de la santé maternelle, cinquième objectif du Millénaire pour le développement, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a lancé en 2003 une campagne mondiale de lutte contre les fistules obstétricales dans près de 40 pays. En juin dernier, le gouvernement congolais, avec l’appui du FNUAP a démarré une deuxième campagne. Selon Jeannette Bikoussi, médecin chargé de la santé de la reproduction au FNUAP, en 2009, 30 femmes ont été opérées gratuitement et sont aujourd'hui guéries. Parmi elles, une vingtaine ont bénéficié d'une aide pour retrouver une activité : "Nous espérons qu’avec cette deuxième campagne, nous pourrons atteindre un plus grand nombre".

Après l’opération, les femmes sont soutenues psychologiquement et financièrement. "Nous avons réinséré plusieurs femmes dans des commerces. Elles sont suivies par nos agents", déclare Rock Mabiala, coordonnateur chargé de la réintégration socio-économique des fistuleuses au ministère des Affaires sociales. De son côté, le Rotary Club a lancé en 2009 une mission médicale humanitaire au cours de laquelle 19 fistuleuses ont été opérées. Jérémie Mouyokani, secrétaire de cette OSC, espère que cette mission s'inscrira dans la durée.

 

"Besoin de l'affection de leurs proches"

Au Congo, le coût de l'opération de la fistule varie entre 500 et 900 000 Fcfa (entre 760 et 1 370 €). Bien trop cher pour la plupart des femmes obligées de vivre avec cette anomalie et de subir en plus le rejet de leur entourage. "Elles sont souvent repoussées par leurs familles et leurs maris. Elles se sentent humiliées et doivent être prises en charge", confirme Anani Odzébé, urologue au CHU de Brazzaville. "Parfois, quand tu te lèves devant des gens, ton habit est souillé derrière ; ça fait honte", dit Pauline. "Mon mari m’injuriait tout le temps. Il me disait que je sentais et m’évitait. Il a fini par trouver une autre femme", se souvient douloureusement Claude. "Jusqu’à aujourd’hui, j’ai des écoulements. Tout le monde me fuit, sauf ma famille. Je souffre beaucoup", témoigne Rose.

Cornélie Adou Ngapi, directrice générale au ministère chargé de la Promotion et de l'intégration de la femme au développement, invite les familles à soutenir les victimes. "Lorsqu’un cas de fistule est signalé au niveau des hôpitaux, nous nous rapprochons de la famille pour essayer d’en parler avec elle. Les fistuleuses ont besoin de l'affection de leurs proches".

Ces dernières années, une enquête du FNUAP a enregistré près de 150 cas de fistules obstétricales au Congo. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année dans le monde, 50 000 à 100 000 femmes présentent une fistule obstétricale. En Asie et en Afrique subsaharienne, plus de 2 millions de jeunes femmes vivent avec ces anomalies non traitées. Les fistules peuvent pourtant être évités, rappelle l'OMS, qui préconise de "repousser l’âge de la première grossesse, de mettre fin aux pratiques traditionnelles préjudiciables et d'avoir accès en temps voulu à des soins obstétricaux."

 

El-Staël Enkari

Août 2010

 

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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 07:52

(Syfia/CRP) Sur la façade maritime congolaise, les riverains de la mangrove, qui étaient hier ses principaux destructeurs, en sont devenus les défenseurs. Cela, grâce au monde associatif qui mène des actions et informe sur la nécessité de préserver ce milieu important pour l'environnement et l'économie de la région. Mais, des menaces demeurent. 

 

Un ancien paradis en train de renaître. Au bord de l’Atlantique, dans la banlieue nord de Pointe-Noire, "Songolo-les-Bains" doit sa célébrité à sa plage, jadis très visitée par les touristes. Petit à petit, l'endroit retrouve sa beauté naturelle grâce aux quelque mille pieds de palétuviers plantés depuis 2003 sur dix hectares par Eco-Durable, une structure congolaise créée en 1999.

Même si des espèces animales comme les antilopes ou les boas ont disparu, des poissons tel le curieux périophtalme qui grimpe aux racines des palétuviers, réapparaissent progressivement. Des hérons et des mouettes viennent de nouveau se percher sur la cime de ces arbres. Bien qu’éloigné des autres plages, le site, qui abrite un restaurant-bar, accueille quelques étrangers qui se divertissent sur le banc de sable où poussent de jeunes cocotiers également plantés par Eco-Durable. Avec ce lent regain touristique, le commerce informel fait une timide apparition.

"Chaque jour qui passe, Songolo ne fait que révéler son charme envoûtant et son attrait de jadis", s'enthousiasme Jean Pierre Soumbou, chef du quartier, qui mobilise souvent les jeunes pour qu'ils plantent des palétuviers. Natif de la zone, Soumbou s’inquiétait de la disparition de la belle plage de son enfance.

 

"Auteurs de notre malheur"

Il y a quelques années, du fleuve Loemé au Sud vers Cabinda (Angola) à la lagune Conkouati au Nord vers le Gabon, les 170 km de côte étaient parsemés de vastes étendues de mangrove. Les palétuviers, avec leurs racines et leurs feuilles toujours vertes, suscitaient l'admiration. "Je me rappelle de cette vue splendide de la forêt de mangrove quand nous nous rapprochions du rivage", se souvient Alain Ivouvou, ancien interprète sur des chalutiers.

Mais, ces palétuviers étaient souvent abattus par les riverains qui utilisaient leur bois pour divers usages. Les pêcheurs, par exemple, le brûlaient pour fumer le poisson. En 2001, un décret présidentiel a classé Songolo-les-Bains aire protégée et zone interdite d’occupation. Cependant, sa mangrove subit une pression foncière, qui "se traduit par l'occupation anarchique et illégale du site", selon un document de l'Unesco de 2008 sur la baie de Loango.

Ce document pointe du doigt l'érosion qui entraîne aussi la disparition de vestiges historiques tels que le cimetière de Loango (environ 20 km au nord de Pointe-Noire). De leur côté, certaines ONG craignent des catastrophes naturelles et leurs dégâts humains et matériels. "Beaucoup de gens qui occupaient des terrains dans ces zones ont déménagé. Ils étaient constamment confrontés à l’invasion des eaux lorsqu’il y avait de hautes marées", explique Jean Albert Placide Kaya, président d'Eco-Durable. Ce qui fait dire à Crépin Télinganou, du Réseau national agropastoral et de l’environnement (Renape) : "Nous sommes les auteurs de notre malheur".

 

"La mangrove redevient mon amie"

Depuis 2008, Renatura, association franco-congolaise de conservation de la biodiversité, informe les élèves et d’autres personnes des dangers de détruire leur environnement. "Nous leur apprenons par exemple que la mangrove est le milieu de nourrissage et de ponte des poissons", rappelle Nathalie Bréheret, sa coordonnatrice. Petit à petit, le travail de la société civile porte ses fruits. Selon M. Kaya, l’année dernière, une vingtaine de pêcheurs et d’habitants du quartier ont aidé Eco-Durable à reboiser la mangrove. Ainsi, partageant les avis des ONG sur les graves conséquences de la destruction de ce milieu fragile, Ngoma Batchy, président de l’association des pêcheurs du Kouilou, confesse : "Je contribuais à sa destruction. Mais, aujourd’hui, la mangrove redevient mon amie". En outre, les riverains utilisent désormais le bois d’eucalyptus à la place de celui des palétuviers pour fumer le poisson.

Si la nature est mieux préservée, elle n'est cependant pas hors de danger. Des terrains continuent d’être vendus dans ces zones interdites d’occupation. L’administration semble débordée, tant "la corruption et l’impunité sont des vertus toujours sublimées dans notre pays", ironise un agent du cadastre. Une autre menace vient du déversement de déchets pétroliers.

 

John Ndinga-Ngoma

Août 2010

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23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 08:00

(Syfia/CRP) Le Centre hospitalier universitaire de Brazzaville accueille chaque jour de nouvelles personnes atteintes de cancer. Certaines d'entre elles pourraient être sauvées si leur maladie avait été détectée et soignée plus tôt. Spécialistes et associations militent pour une meilleure prévention et une prise en charge plus adaptée.

 

En attente d’un traitement qui tarde à lui être administré, Médard (*), allongé depuis un mois sur son lit d’hôpital au service de cancérologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville, surmonte avec peine le cancer de la prostate qui le ronge. "Ce n’est pas facile de vivre avec cette maladie, car tu vis avec l’idée que tes jours sont comptés, lâche-t-il, le regard fixé sur le sol. Quand on m’a annoncé mon mal, c'était comme si tout s’écroulait devant moi."

Traits tirés et amaigri, il fait partie des 600 cancéreux que ce CHU a reçus depuis fin 2009. Ils n'étaient que 200 en 2005. "Le registre des cancers existe à Brazzaville depuis 1996. Il est le seul outil d’information sur cette pathologie et représente un échantillon de toute la nation, dans la mesure où des malades viennent d'autres hôpitaux et d'autres régions", précise Gérard Ibara, responsable de ce registre.

 

Prévention efficace et moins coûteuse

Le directeur de l'OMS pour l'Afrique, le Dr Luis G. Sambo, tirait dernièrement la sonnette d'alarme : "Bon nombre de patients n’ont toujours pas accès aux services de dépistage et de diagnostic, ni à un traitement approprié (…). Selon le Rapport sur le cancer dans le monde en 2008, les nouveaux cas de cancer devraient passer de 13 millions à près de 27 millions par an d’ici 2030 ; le cancer entraînera chaque année le décès de quelque 17 millions de personnes. En Afrique, le nombre de nouveaux cas était estimé à 667 000 en 2008, avec 518 000 décès." Et le directeur Afrique de poursuivre : "De nombreux cancers sont causés par des infections virales, bactériennes ou parasitaires persistantes (…). La vaccination et le traitement peuvent contribuer à réduire substantiellement la charge des cancers causés par ces infections (…). Pour la plupart des cancers, il existe des mesures préventives. On préconise notamment de cesser la consommation de tabac, d’éviter l’usage nocif d’alcool, d’entreprendre régulièrement l’activité physique et d’adopter un régime alimentaire sain, riche en fruits et légumes. "

Détectés et soignés à temps, certains cancers se guérissent. Mais, la cherté des traitements désespère les malades. Pour le Pr Claude Maylin, conseiller médical du président Denis Sassou Nguesso, "les Africains doivent beaucoup plus investir dans la prévention et dans la détection parce qu’elles ne coûtent pas trop cher à mettre en place. L’Afrique doit considérer que c’est l'outil le plus efficace et le moins cher qui permettra d’améliorer de 20 % la survie d’ici 10 ans", a-t-il annoncé lors du 5e congrès Euro africain de cancérologie tenu en mai dernier à Brazzaville.

Paul Ndom, président de l’association Solidarité chimiothérapie, une OSC basée au Cameroun, s’exprimant lui aussi à l'occasion de ce congrès, a insisté sur l'importance du rôle des associations : "L’ignorance est le cancer le plus dur à soigner (…). Les associations doivent être des éducateurs capables de ramener une information de valeur à un niveau très bas pour qu’on comprenne ce qu’est le cancer et qu’on s’organise pour mieux le vaincre."

 

"C’était déjà trop tard…"

Au Congo, SOS Femme Elikia, accompagnée des personnels de santé, mène ainsi des campagnes de sensibilisation dans les marchés et lieux publics auprès des femmes, et, selon les besoins du service de cancérologie du CHU, fait des dons de médicaments. Ce genre de démarches est apprécié par la population, mais certains assimilent toujours le cancer à un mauvais sort. "Notre famille se déchirait parce que ne maîtrisant pas de quoi souffrait notre frère. Nous l'avons amené ici et là chez des marabouts, sans résultats… Lorsque le scanner fait à Kinshasa a révélé qu’il souffrait du cancer, c’était déjà trop tard…", explique le frère d'un malade.

Dans le but d'éveiller une large prise de conscience, Mme Ndengué, présidente de SOS Femme Elikia, souhaite qu’il y ait au Congo une plate-forme qui s’occupe des cancéreux. "Nous avons suggéré aux pouvoirs publics de mettre en place un système de protection sociale pour alléger le poids des dépenses supportées par les parents des malades", rappelle de son côté M. Ngafoula, vice-président de l’Union congolaise contre le cancer. Martin Djouob, conseiller technique au ministère de la Santé, explique ainsi l'absence de prise en charge : "Le cancer, considéré comme une maladie à évolution lente et lié à nos habitudes, n’avait pas trop d’ampleur par le passé. Mais, nous envisageons à présent un plan contre toutes ces maladies non transmissibles".

En attendant, d'autres associations accompagnent les cancéreux dans leurs derniers jours. Sœur Éliane, présidente de l’Association congolaise accompagner, confie : "Nous allons dans les hôpitaux et au domicile des malades pour leur administrer des médicaments. Nos psychologues sont à leur écoute. Quand l'un d'eux meurt, nous aidons les parents à organiser les obsèques." "Le malade, poursuit-elle, doit être au centre de toutes les démarches thérapeutiques. Nous le considérons comme une personne à part entière."

 

(*) À la demande des malades, certains prénoms ont été modifiés

 

Marien Nzikou-Massala

Juillet 2010

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23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 07:59

(Syfia/CRP) Sous l'impulsion d'ONG spécialisées et de certaines écoles, des enfants de Pointe-Noire parviennent à convaincre leurs parents de ne plus transporter ni conserver des aliments dans des sachets plastique qui dégradent l'environnement. Ils commencent à être aussi entendus par les autorités.

 

École privée Sainte Suzanne de Songolo, dans le quatrième arrondissement de Pointe-Noire. Diana Batalou est au préscolaire. Avant d’entrer en classe, elle jette l’emballage plastique de son jus dans le trou creusé derrière le bâtiment de la direction. "La saleté rend malade", dit-elle.

Si la cour de Sainte Suzanne est "d’une incroyable propreté", selon Jean Pierre Soumbou, chef du quartier, c’est parce que les élèves ont acquis certains réflexes. Chaque matin, leur première tâche consiste à ramasser les feuilles de papier et autres déchets qui traînent dans la concession scolaire et aux alentours. "La saleté est notre ennemie, comme nous disent les professeurs", lance Chelga Tsadi, élève de 3e. Elle ajoute :"Le pire adversaire pour notre avenir, c’est le sachet plastique, car il empêche les plantes de pousser."

Le directeur des études, Alain Kimbembé, reconnaît qu’auparavant on n’entendait pas les enfants de Sainte Suzanne raisonner de la sorte. "Ce, dit-il, malgré les notions environnementales inculquées dans les cours d’hygiène ou de Sciences de la vie et de la terre (SVT)". Ce changement de mentalités est en grande partie imputable aux campagnes des ONG dont le Réseau national agropastoral et de l’environnement (Renape) qui organise des sensibilisations dans les écoles et les quartiers. Des campagnes relayées de manière parfois un peu musclée par certains établissements. "Un élève qui abandonne le sachet dans la cour est mis à genoux pendant une trentaine de minutes", souligne Alain Kimbembé.

 

Paniers en lianes, récipients en verre

L’implication plus ou moins spontanée des jeunes est à la mesure du danger que représente la pollution. "Pointe-Noire risque de devenir une ville à sol plastique", s’écriait en mai dernier, lors d'une session du conseil municipal, Jean Médard Diambou, spécialiste de l’environnement. Parlant d’une étude menée l’année dernière par la direction départementale de l’Environnement de Pointe-Noire, il explique que des millions de sacs plastique sont abandonnés chaque année dans la ville et utilisés chaque jour pour transporter ou conserver des produits comme l’huile, le pétrole lampant, la pâte d’arachide, la viande et le poisson.

La mère de Chelga, Lydie Tsadi, ne transporte ni ne conserve plus ses aliments dans ces sacs. Elle regrette d'avoir pendant longtemps "contribué à hypothéquer l’avenir des enfants" et utilise désormais des paniers en rotin ou en lianes, comme cela se faisait jusqu'aux années 1970. Son huile, elle la garde dorénavant dans les récipients en verre. Elle explique son changement d’attitude par les pressions de sa fille : "Au départ, je la trouvais impolie, car elle m’imposait de ne plus utiliser de sachets. Mais, maintenant, je m’adapte."

Plusieurs jeunes plaident pour que les adultes renouent avec d'anciens modes de transport des denrées et de conservation. En juin dernier, le ministère des Affaires sociales a collecté des lettres écrites par des enfants. Au cours de cette cérémonie, plus d’une centaine de paniers en lianes ont été distribués à des femmes de Pointe-Noire. Ce soir-là, Reine Ndonga, une jeune membre du Cercle culturel pour enfants, une ONG, déclarait en substance : "Il faut qu'adultes et autorités nous épargnent des dangers du sachet plastique. En utilisant le raphia ou les lianes, on remettrait au goût du jour des métiers artisanaux comme la vannerie".

 

Interdire ou bien recycler le sachet

Pour certains, les consommateurs ne sont pas seuls responsables. "Si ces sacs traînent partout, c’est parce qu’ils ne sont pas ramassés, comme les autres déchets ménagers, observe Stéphane, un commerçant. Il y a une la défaillance des services de voirie." Vincent Téliane Tchicaya, attaché de presse du maire de Pointe-Noire, reconnaît le problème. Cependant, assure Téliane, "comme vous le constatez déjà, dans le cadre du plan triennal d’investissement 2010-2012, l’accent sera mis sur l’assainissement. D’ailleurs, des tas d’immondices géants comme celui de Fond Tié Tié (quartier de l’est de la ville, Ndlr) disparaissent progressivement".

Pour Marceline Pandzou Tsimba, vendeuse de beignets, le problème doit être réglé au plus haut niveau : "Le sachet n’est pas seulement l’affaire de la mairie. C’est au gouvernement d’en interdire l’importation ou la production comme l'ont fait le Gabon ou le Rwanda". Une perspective pas forcément bien accueillie par certains entrepreneurs. Le responsable d’une société de traitement des eaux propose ainsi une alternative : "On peut lutter contre le sachet pourvu qu’on le recycle, en fabriquant par exemple des pavés pour le revêtement des sols ou des routes". Ce qui ne serait pas sans poser d'autres contraintes... "Recycler, c’est bien, mais il faut vérifier que ce traitement des déchets ne pollue pas l’air, les eaux ou les plantes", s’inquiète Crépin Télinganou, président du Renape.

 

John Ndinga-Ngoma

Juillet 2010

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23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 07:52

(Syfia/CRP) Certains retraités congolais deviennent changeurs de monnaie ou cultivateurs pour arrondir leurs fins de mois. D’autres, après avoir cotisé toute leur carrière, reçoivent un petit pactole de leur mutuelle quand ils quittent le monde professionnel. De quoi bâtir une vie plus digne.

 

Au coeur de Brazzaville, sur l’avenue Éboué qui mène au Beach, à 5 mètres les uns des autres, de vieux papas sont assis sur des chaises en plastique ou des bancs en bois. Changeurs de monnaies, ils guettent ici les voyageurs de passage. "Je fais ce métier depuis longtemps. Je soutiens ainsi ma famille", dit M. Oko. Ce fiscaliste de 70 ans, à la retraite, s’est lancé dans ce métier, car sa pension était trop maigre (10 600 Fcfa/mois, 15 € environ) et les versements trop irréguliers. Avec le change de devises, il peut gagner jusqu’à trois fois plus chaque mois. "Cette activité ne demande aucune force. L’essentiel c’est d’avoir un capital pour se lancer", précise M. Yebi, un retraité de 68 ans qui a commencé dans le métier avec 300 000 Fcfa (près de 460 €).

Au Beach, le dollar, l’euro et le franc CFA sont les principales monnaies en circulation. Les changeurs achètent 1 dollar à 540 Fcfa et 1 euro à 670 Fcfa et les revendent respectivement à 560 et 680 Fcfa. Ils sont un peu plus chers que les banques de la place, mais certains clients préfèrent malgré tout faire affaire avec eux. Carine est de ceux-là : "Ici, l’opération se fait à la minute", se félicite-t-elle. Selon M. Oko, il y avait 160 changeurs au Beach en 2008 et 150 en 2009, en raison du décès de certains d'entre eux. "Quand l'un de nous décède, chacun cotise 25 000 Fcfa. Et, lorsqu’un ami est en difficulté, nous donnons 50 000 Fcfa (75 € environ)", confie un changeur.

 

Pesanteurs administratives et arriérées

Un coup de pouce d’autant plus précieux que la vie d’un retraité congolais est loin d’être un long fleuve tranquille... Avant d’espérer toucher sa pension, il lui faut en effet d’abord constituer son dossier à Brazzaville. Certains, de l’intérieur du pays, renoncent à venir faire les papiers. "Il y a ceux qui sont encore derrière ces documents. D’autres meurent avant de les réunir… Un citoyen qui a travaillé pendant 30 ans, passe plus de cinq ans pour avoir sa pension", déplore un membre de l’Union des ressortissants retraités du district de Gamboma (URDG), à 320 km au nord de Brazzaville.

Une fois les droits établis, la régularité des versements de la pension accordée laisse parfois à désirer. "Ici, à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), nous avons 17 mois d’arriérés. Et avec des maigres pensions de 10 000 à 12 500 Fcfa (15 à 20 € environ) que nous touchons avec retard, on ne peut rien faire", se plaint un retraité. "J’ai deux lopins de terre à Brazzaville, mais je n’arrive pas à construire un hangar. Je continue à louer", déplore un ayant droit de la Caisse de retraite des fonctionnaires (CRF). Ce à quoi Thomas Onounou, directeur de la sécurité sociale au ministère du Travail et de la sécurité sociale,  répond : "En 2000, on parlait des 'maltraités' pour les retraités Actuellement, cette expression malheureuse a disparu parce que la CRF paie régulièrement les pensions". Selon Marcel Kouessabio, président de la Concertation des retraités contractuels du Congo, il y a 35 000 retraités à la CNSS. À la CRF, les chiffres ne sont pas connus.

 

Oublier la misère

Pour compléter le dispositif, différents systèmes existent. Par exemple, la MUGEF, la Mutuelle générale de la FETRASSEIC (Fédération des travailleurs de la science, des sports, enseignement, information, culture et arts), verse au retraité mutualiste "une prestation de 1 million à 1,5 million de Fcfa (de 1 500 à 2 300 €), après qu'il ait cessé de travailler. Cela lui permet d’amorcer une nouvelle vie", relate Sylvain Nzassi, président de cette structure. Pendant que le mutualiste exerce, il cotise 5 000 Fcfa (7,5 €) le mois. La prestation est échelonnée par rapport aux nombres d’années de cotisation. "La mutuelle a été créée au moment des différents programmes d’ajustement structurel (dans les années 80, Ndlr), quand le fonctionnaire était dans la précarité. Cette situation a obligé la Confédération syndicale congolaise à s’organiser pour soulager tant soit peu cette misère par la solidarité", explique M. Nzassi. Jean Makita, fonctionnaire retraité en 2007, témoigne : "J’ai touché 1,5 million Fcfa à la fin de ma carrière. Cet argent m’a permis d’ouvrir un atelier de peinture à Dolisie. Aujourd’hui, j’oublie que je suis retraité".

D’autres initiatives existent. "Nous cultivons l’igname à Gamboma depuis fin 2009. Nous sommes une quarantaine de retraités à avoir compris qu’il fallait nous lancer dans le domaine agricole", raconte un membre de l’URDG.

 

Jean Thibaut Ngoyi

Juillet 2010

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23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 07:51

(Syfia/CRP) Faire connaître leurs droits aux personnes sans ressources, les aider à résoudre leurs problèmes à l’amiable ou à rédiger des plaintes pour le tribunal : c’est le travail que font les cliniques juridiques à Brazzaville. Leurs difficultés à travailler ensemble nuisent cependant à leur efficacité.

 

Accusé de vol puis licencié, Lionel Nycoud, ignorant ses droits, ne savait que faire. Après trois mois de chômage, il a retrouvé son travail grâce à l’aide d’une clinique juridique. "Un ami m’a conseillé d’aller à la clinique du Comptoir juridique junior (CJJ). Là-bas, ils m’ont écouté et orienté mon dossier vers l’Inspection du travail. Cette dernière a convoqué mon patron et nous avons pu trouver une solution", explique-t-il, visiblement satisfait d’avoir été réembauché. À Brazzaville, des personnes, sans moyens financiers ou qui ignorent leurs droits, bénéficient de l’aide des cliniques juridiques. 

La ville compte aujourd’hui six structures de ce genre : la clinique juridique du CJJ, celle de Bacongo, l’Association des femmes juristes du Congo, l’association Mibeko (les lois, en lingala), Humanico et l’Association panafricaine Thomas Sankara. Ces deux dernières sont basées à Brazzaville, mais leurs activités s'étendent respectivement à Dolisie et à Kinkala, deux villes du sud du pays. Ces cliniques apprennent ou rappellent à leurs bénéficiaires leurs droits, rédigent des plaintes pour eux ou leur évitent les tribunaux en trouvant des solutions à l’amiable. De 2003 à 2005, par exemple, selon les derniers chiffres disponibles à la clinique du CJJ, celle-ci a assisté environ 3 860 personnes et a assuré environ 180 médiations. "Quand une personne arrive, raconte Patrick Landry Bitseke, chargé des projets et programmes, nous l’écoutons, puis nous la conseillons et lui donnons une ligne de conduite." Quant à la Clinique juridique de Bacongo, elle a connu de 2003 à 2004, selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) de 2007, un taux de fréquentation de 16 personnes par jour et a traité 1 500 dossiers de médiation et 80 d’assistance juridique dont 60 dossiers portés devant les tribunaux ont abouti. 

 

Problèmes de parcelle, licenciement, etc.

Après plus de 40 ans de mariage, Élisabeth, 65 ans environ et mère de six enfants, a été confrontée à un conflit de parcelle, vendue à son insu par son mari. La clinique du CJJ, après avoir proposé une médiation qui a échoué, l’a aidée à rédiger une plainte et à constituer un dossier qu’elle a déposé au tribunal. L’affaire est en cours. "On nous a parlé de la façon de vivre dans un foyer conjugal, ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Mais, mon mari a préféré le tribunal", déclare-t-elle, en précisant qu’elle avait choisi, sur les conseils de sa sœur, les services d’une clinique afin d'éviter de payer au moins 15 000 Fcfa (23 €) à un avocat pour qu'il rédige la plainte et 300 000 Fcfa (457 €) pour qu'il assure sa défense.

Quand elles étaient encore soutenues par le PNUD et l'Union européenne (UE), les cliniques juridiques s’occupaient d’un peu de tout : conflit de parcelle, licenciement, crise conjugale... À présent en rupture de financements, elles ont réduit leurs activités. "Nous avions expérimenté des cliniques juridiques mobiles dans les paroisses, les marchés, les arrondissements. Les gens venaient soumettre directement leurs problèmes. Aujourd’hui, cela n’existe plus…", regrette Patrick Landry Bitseke, qui précise que sa structure ne fait plus du porte-à-porte comme avant, mais continue à recevoir quelques personnes.

 

"Difficultés à travailler ensemble"

Selon Vanessa Dick, chef de secteur Économie, gouvernance et secteurs sociaux à la Délégation de l'Union européenne au Congo, l’UE avait prévu environ 125 000 € pour le projet, mais n'a payé pour l'instant que quelque 37 000 € en huit mois environ. Les financements ont cessé, ajoute-t-elle, car le projet source était arrivé à son terme, mais aussi à cause d’une exécution décevante : "Le problème principal n'a pas été les capacités de chaque clinique, mais plutôt leurs difficultés à travailler ensemble en consortium." Vanessa Dick dit avoir malgré tout réinscrit les cliniques dans un prochain projet d’assistance juridique qui pourrait être exécuté en 2011. "Mais, cela sera assujetti à plusieurs conditions préalables afin d'éviter les écueils de 2009", prévient-elle.

Maître Quenum, avocat à la cour de Brazzaville, milite, lui aussi, pour plus de clarté dans les missions de ces structures et souhaite qu’on définisse leurs tâches par un texte juridique "pour éviter que leur action ne soit perçue comme une concurrence déloyale par les huissiers et les avocats". À côté de cela, il loue cette initiative qui "aide les justiciables à bien comprendre le fonctionnement du droit dans notre pays."

 

Dieudonné Moukouamou Mouendo

Juillet 2010

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23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 07:49

(Syfia/CRP) Ces derniers temps, les slameurs sont de plus en plus appréciés à Brazzaville. Parmi ces magiciens des mots, des jeunes regroupés en une association. Voix affirmées et textes engagés font leur succès.

 

"Ici, on ne dit pas merci. La joie est très loin du paradis. Les feux des entrailles ne sont pas maudits, mais heureux sont les bannis. Tout le monde veut partir ailleurs, fuir la galère, la guerre, avoir un rêve nomade (…). Donc, je ne suis pas perdu. Quelqu’un a juste déplacé ma rue, m’a montré les rêves de la télé que le pays tarde à réaliser (…)", déclame Aryan 04 sur un ton léger, le regard perdu au ciel.

Puis le silence se fait. La voix de Précieux coordonnateur du groupe Styl’Oblique s’élève dans le hall de la cafétéria du Centre culturel français (CCF). "Le slam…" lance-t-il. "… s’enflamme !", répondent ses complices à l'unisson. Depuis trois ans, c'est le cri de ralliement de cette formation d'environ une vingtaine de jeunes. Aryan 04, Boris, Robinson Solo… Chacun des membres marque sa présence par une composition personnelle. "Toi, femme que mes yeux ont longtemps convoitée / Toi femme qui pieds nus dès l’aurore bravait des sentiers masqués de cailloux et d’herbes/ Femme qui, pagne s’arrêtant aux genoux, activait nuit et jour ce feu de bois (…)", enchaîne Robinson Solo dans Lettre à une femme.

 

Slameurs porte-parole

Étudiants ou chômeurs pour la plupart, âgés de 18 à 35 ans, ces poètes des temps modernes décident de créer le groupe Styl’Oblique en 2007 à Pointe-Noire. Ils n’ont alors pas de lieu pour se retrouver et sollicitent le concours du CCF qui met à leur disposition un local pour leurs rencontres. Le groupe se forme avec Loïc Bonimar, slameur français, et construit petit à petit sa propre identité. "Styl’Oblique est un nom qui a une valeur affectueuse ; c’est le nom de l’association de Loïc", explique Précieux Boumba, coordonnateur de l’association au Congo.

À Brazzaville, le slam connaît ces derniers temps un certain engouement. Le groupe ne rate jamais une occasion de se produire. Ses membres jouent le plus souvent au CCF et lors de festivals ou de manifestations populaires. "Slamer pour moi signifie sortir de ma coquille, extérioriser la partie cachée de ma vie, mes envies, mes peurs et mes doutes", confie Memelle, une collégienne de 15 ans primée lors de la compétition interscolaire lancée par Styl’Oblique. Ce concours a réuni, en mars dernier, plus de 500 élèves de sept établissements (collèges et lycées) et une vingtaine de professeurs.

Un premier coup d’essai applaudi par les responsables des écoles qui déplorent avoir peu d’activités de ce genre pour susciter le talent de leurs apprenants et désirent que cette dynamique s'amplifie tout au long de l’année. "Je pense que c’est un excellent moyen pédagogique pour inciter les enfants à écrire, à les forger dans la narration", argumente un professeur de lycée de Brazzaville. Une compétition qui a aussi eu du succès auprès des élèves : "Ces slameurs sont comme nos porte-parole. Ils expriment ce que nous ressentons : déboires comme espoirs", résume une lycéenne.

 

Art tous publics

"Les jeunes raffolent de cette nouvelle forme d’expression, il n’y a qu’à voir le nombre d’élèves et de professeurs qui se sont impliqués lors de la compétition interscolaire", se félicite Ferdinand, coordonnateur du magazine Planète Jeunes (Congo) qui voudrait que certains écrits soient publiés dans les revues de la place pour faire connaître le talent de ces jeunes. "Ces joutes verbales captivent et font prendre conscience", observe Dorient Kaly, administrateur de l’association Espace Tiné dont l’objectif est de mettre en valeur les arts de la parole et du langage. Cette ONG encourage des jeunes en les invitant lors de son festival (Rencontres itinérantes des arts de la parole et du langage, RIAPL, à Brazzaville) et intervient parfois dans les écoles. Dorient estime que le succès du slam repose sur ses textes. "Difficultés d’emploi, problèmes de santé, abus d'hommes en arme... Ils font réfléchir, car ils répondent aux besoins des jeunes. Tout le monde semble y trouver une part de son vécu", précise Dorient.

"En mariant poésie et spectacle interactif, le slam est un terrain d'expression idéal. Il touche tous les publics, bien au-delà des cercles littéraires classiques. En ce sens, il se rapporte aux formes traditionnelles d’expression comme les incantations lors des séances initiatiques dans les campagnes", analyse Abdon Fortuné Koumbha, directeur artistique du festival RIAPL.

Festival, stages, spectacles… Les jeunes slameurs ont dorénavant différentes tribunes pour s’exprimer. Le souffle de leur poésie engagée ne semble cependant pas avoir encore atteint les sphères des autorités spécialisées. Beaucoup d'entre elles ignorent tout de cette nouvelle forme d'expression.

 

Annette Kouamba Matondo

Juillet 2010

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2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 10:12

(Syfia/CRP) Valérie et Thierry Maba sont tous deux séropositifs. Heureux et résolument optimiste, le couple combat la maladie au quotidien et les préjugés qui l'entourent en partageant son expérience. Pour que les malades retrouvent espoir et cessent d'être discriminés.

 

"Ici, à la maison, nous parlons tous du sida… Sauf le nouveau-né bien sûr !", plaisante Thierry Maba, 38 ans. Thierry a l’air en bonne santé. La voix ferme, il donne des ordres que son entourage s'empresse d'exécuter. Sa femme Valérie, elle aussi séropositive, vient de donner naissance à un bébé bien portant.

À Brazzaville, on ne présente plus Valérie et Thierry. Le couple est en effet devenu le miroir dans lequel se reconnaissent des malades, mais aussi des personnes saines. Leur courage et leur optimisme montrent aux Congolais qu’être séropositif ne signifie pas la fin de tout. "On peut vivre en couple positivement et heureux, même infecté par le VIH", soulignent les amoureux. Pour montrer que le sida ne tue pas l’amour, Valérie et Thierry ont été les premiers séropositifs à se marier officiellement au Congo en 2005. "Il fallait partager notre expérience", déclare Thierry. Depuis, ils partagent leur expérience de vie commune à travers différentes campagnes de sensibilisation.

Tout débute en 1991, quand Thierry obtient une bourse d’études après son baccalauréat. Lors du bilan de santé, il apprend qu'il a le sida. Cette découverte bouleverse à jamais sa vie. "Quand j’ai eu mes résultats, je me suis confié à un ami. Je ne voulais pas que mes parents l’apprennent", se souvient-il. Quand ces derniers finissent par le savoir, une barrière s'érige entre eux et leur enfant. "Au départ, j’ai été rejeté, mais aujourd’hui ils ont compris que le sida est une maladie comme une autre", estime-t-il.

 

Les jeunes, "couche la plus vulnérable"

Tous les jours, Thierry discute avec les gens de sa maladie : "C’est une question de vie", résume-t-il. Pour mieux véhiculer son message, le couple a réalisé un documentaire, Une vie positive, présenté au public en décembre 2009, au Centre culturel français de Brazzaville. "Ce film est le seul vrai moyen de sensibiliser d'autres personnes, qu’elles soient saines ou séropositives", affirme Thierry, désireux, dans le même élan de donner ou redonner espoir aux malades. Vice-président de l’Association des jeunes positifs du Congo (AJPC), il mène aussi cette mission à travers cette OSC créée par sa femme en 2002 et qui accompagne psychologiquement et socialement les séropositifs et lutte à leurs côtés pour leurs droits.

Thierry met un accent particulier sur les jeunes, "couche la plus vulnérable" selon lui, pour que ces derniers soient correctement informés sur le virus. Un combat particulier que partage Attaque contre la prostitution infantile, la drogue et le sida (ATTAC3). "Nous insistons auprès des jeunes sur l’importance de connaître cette maladie et d’en parler à ceux autres qui l'ignorent", explique Sosthène Nganga, président de ATTAC3. Son association a lancé, depuis 2005, une opération de vulgarisation des préservatifs chez les jeunes. En 2008, plus de 800 d'entre eux ont été informés. "Sur une tranche de 50 personnes, 22 étaient séropositives", confie Sosthène avant de conclure : "Il nous faut faire des efforts, en informant et en conseillant les jeunes. Le VIH n’est plus un sujet tabou !"

La preuve ? Les mentalités commencent à évoluer. "J’ai été stigmatisé, mais aujourd’hui, mes voisins ont un nouveau regard sur moi lorsque nous nous croisons", se réjouit Thierry. Certaines personnes estiment ainsi désormais qu’"il n’est pas question de rejeter les séropositifs. Ce sont des personnes comme nous. Nous qui nous croyons sains, nous sommes tous des ignorants", déclare par exemple un infirmier.

Valérie et Thierry ont montré la voie. Le fait de connaître et de ne pas cacher sa séropositivité, "a permis une avancée significative dans la lutte contre le sida au Congo", affirmait George Moyen, ministre chargé de la Santé, durant la compagne de lutte contre cette maladie en décembre 2009. Associée à d'autres actions, cette prise de conscience produit ses effets. Dans leur rapport conjoint de 2009, l'OMS et l'Onusida estiment que le taux de prévalence du VIH chez les Congolais adultes (de 15 à 49 ans) est de 3,2 % contre 7,2 % en 2002.

El-Staël Enkari

Juin 2010

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2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 10:11

(Syfia/CRP) À Pointe-Noire, des filles mères, abandonnées par le père de leurs enfants et rejetées par leurs familles, retrouvent dignité et autonomie grâce à une association. Sylvie Viviane Messo, sa présidente, s'appuie sur son expérience personnelle pour leur redonner espoir.

 

"Que Dieu assiste les mamans. Au revoir." Sylvie Viviane Messo, 36 ans, est, depuis 2006, une présentatrice bien connue des téléspectateurs et auditeurs de Dvs+, un média privé de Pointe-Noire. Les fans du Journal de maman Sylvie apprécient en particulier son art de manier les langues vernaculaires. "Comme Laurent Botseké (ancien célèbre journaliste en langue locale, Ndlr), elle plie et broie les mots avec aisance", commente Diane Cassandre Moukassa-Tsingui, une téléspectatrice.

Au quartier Loussala, dans le 3e arrondissement, Sylvie est plutôt vue comme une "folle de papiers" qui ne fait qu’écrire et lire à longueur de journée. "C’est une boîte à idées !", observe son logeur qui se demande si elle se repose parfois... Les papiers en question concernent des projets, conçus pour la plupart en 2008, date à laquelle elle a créé l’Association de la jeune fille et femme démunie et désoeuvrée du Congo (AJFFDDC). "Question, dit-elle, de réunir les mères abandonnées autour d’une plate-forme où elles peuvent réfléchir à des solutions durables à leur situation".

 

"Rejetées par les parents"

Si Sylvie Viviane Messo s'investit autant pour les filles-mères, c'est qu'elle a personnellement vécu les mêmes difficultés. Aînée d’une fratrie de huit enfants, elle est tombée enceinte à 14 ans. La même année mourait son père, médecin…: "Les parents de mon père se sont valablement occupés de moi, mais je me suis confiée naïvement au père de Gracia, ma fille. Bien que jeune à l’époque, il a assumé ses responsabilités. Je me suis séparée de lui pour raisons personnelles. Aujourd’hui, il travaille et s’est marié, mais j’ai toujours préféré que Gracia soit à mes côtés. Elle a fait basculer ma vie ; elle est le symbole de ma prise de conscience."

Sans soutien de parents, Sylvie a gravi plusieurs niveaux et cycles scolaires pour décrocher une licence d'anglais à 23 ans. "Après le père de Gracia, j’ai été rigoureuse envers mes amis en les enjoignant de s’impliquer dans mes études. Aujourd'hui encore, j’exhorte les membres de l’ AJFFDDC à avoir l’esprit d’initiative, quand bien même elles auraient un amant ou un mari". Pour "mieux scruter la société congolaise", Sylvie suit des formations dans plusieurs chaînes de télévision et de radio. C'est au cours de ses reportages sur Dvs+ qu'elle a été "choquée" par le sort des filles mères, souvent issues de milieux pauvres. "Tout commence dès la première grossesse, explique-t-elle. Croyant résoudre un problème, elles se lancent dans la prostitution. Cela renforce leur vulnérabilité face aux infections sexuellement transmissibles, aggrave leur pauvreté et les plonge dans un total désespoir".

Ainsi, chaque mois depuis deux ans, près de cinq filles mères s'adressent à la direction des Affaires sociales de Pointe-Noire pour résoudre leurs problèmes liés à l’abandon par leur conjoint ou au rejet familial. "Elles sont rejetées par les parents aux revenus insuffisants, qui considèrent qu’un petit-fils est une charge supplémentaire", souligne un agent des Affaires sociales. Prudence, 19 ans et deux enfants de pères différents, se prostitue sans que cela ne choque outre mesure ses proches. "C’est le prix de sa naïveté. Elle doit se battre seule pour survivre", commente un de ses frères. "Peut-être trouverais-je ainsi un homme qui m’épousera et prendra en charge mes enfants. C’est honteux, me direz-vous, mais je n’ai pas le choix", estime Prudence.

 

"Devenir moi aussi une leader"

L'association de Sylvie tente d'aider certaines de ces jeunes femmes comme Jacquie, 34 ans, mère de quatre enfants de pères différents. Tous l’ont abandonnée parce qu’ils étaient "irresponsables", résume Jacquie. En 2009, grâce à l’Ajffddc, Jacquie, comme les dix-neuf autres membres, a été formée à l’élaboration de projets et à la broderie. Elle vend aujourd’hui des yaourts, des jus de fruits et du charbon pour financer les études de ses enfants dont un garçon qui prépare le bac littéraire. Jacquie, qui veut "multiplier" ses chances et ses revenus, suit sérieusement sa formation en couture dans un atelier privé où elle a été placée à titre gracieux.

Pour ces femmes, briser l'isolement est capital. "Le salut peut venir de la vie associative !", assure une nouvelle adhérente. "Je suis une mère. Sylvie est ma maman, car elle m’a redonné espoir. Mon rêve est de devenir moi aussi une leader", lance Jacquie. Malgré les difficultés de financement des projets de son association qui soutient notamment ses membres malades dont les séropositives, Sylvie n'est pas près de baisser les bras. Elle n'arrêtera que quand "toutes les femmes du monde seront devenues des pôles de développement".

 

John Ndinga-Ngoma

Juin 2010

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2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 10:10

(Syfia/CRP) Au Congo, plusieurs femmes battues racontent leur calvaire sur un blog. Leurs témoignages représentent une libération pour elles-mêmes et pour d'autres victimes. Quant aux associations, elles trouvent là un outil rapide et efficace de communication et d'échange d'informations.

 

"Un jour, j’ai reçu la visite de ma petite sœur et de son collègue de travail. Pour mon mari, ce dernier était mon amant. Après leur visite, il m’a battue et m’a menacée avec une arme blanche. Cela s’est répété plusieurs fois jusqu’au jour où j’ai décidé de le quitter (…)", témoigne en substance Hortense, sur le blog de l’Association femmes solidaires (AFS). Sur le même site, Élise raconte aussi son histoire : "J’étais enceinte. À l’hôpital, le test a révélé que j'étais séropositive. Quand mon compagnon a su que son test était négatif, il a commencé à me maltraiter physiquement et psychologiquement jusqu’à dévoiler mon statut. Cela a duré six mois, puis un de mes frères m'a délivrée de lui (…)".

Sur Internet, ces victimes ont trouvé un soutien. "Si mon témoignage peut aider d’autres Congolaises à parler de leurs problèmes (coups, injures, main mise sur l'argent, Ndlr), cela ne peut que me réjouir", se félicite Élise. De son côté, Hortense avoue avoir eu "un choc" la première fois qu'elle est allée sur Internet : "Quand j’ai lu les témoignages, j’ai réalisé que je n’étais pas la seule à être battue. J’encourage les femmes à créer leur blog." "Ces aveux permettent aux visiteurs d’avoir une idée des violences faites aux femmes et aident les victimes à dénoncer leurs partenaires et à se sentir moins seules", résume Arlette Bakou, chargée de coopération multilatérale au ministère de la Promotion et de l’Intégration de la femme au développement.

Pour les associations spécialisées, cet espace de liberté a aussi son utilité. "Cet outil permet de travailler en réseau avec des OSC et peut servir de vitrine pour une association", explique Alain Ndalla, directeur au ministère des Postes et des Télécommunications chargé des nouvelles technologies. "J'entrevois la collaboration possible avec d’autres associations : partage d’expérience, annonce de nos travaux et invitations a participer à nos activités", précise Sylvie Mfoutou de l’Association pour les droits de l’homme et l’univers carcéral.

 

"Espaces d’expression et de réflexion"

Vivienne Dzobo, de l’Agence régionale d’information et de prévention du sida, est, elle, devenue fan de ce moyen de communication depuis un an qu'elle met à jour le blog de cette association qui traite aussi des viols conjugaux : "Je reçois des réactions et des suggestions. Des OSC viennent me voir pour que je parle de leurs activités. Certaines femmes me demandent des adresses de gens à contacter quand elles sont victimes de violences au sein de leur foyer." Vivienne espère que ce blog "sera un miroir pour notre structure, qu’il suscitera des partenariats et attirera des subventions pour nos prochaines activités."

Même si le taux de fréquentation reste minime (à peu près une visite par mois selon les blogs), on constate une volonté de maîtriser cet outil de la part de certaines OSC congolaises. "Quand on est dans le bain, on reste scotché pendant des heures à échanger et discuter sur un document. Ce support permet de gagner du temps et d'échanger avec des internautes du monde entier !", prêche Arlette, qui a son propre blog, mais reste lucide en raison de la faible présence des Congolaises sur Internet.

Une préoccupation relayée par Sylvie Niombo, coordinatrice d’Azur Développement : "Elles ne sont pas nombreuses à utiliser les blogs et se limitent aux mails. Cet espace n’a pas encore la renommée qu’il mérite dans les rangs des OSC. À cela s'ajoute le coût de la navigation, l’accès difficile à Internet et les interminables coupures d’électricité." Sylvie reste cependant optimiste, convaincue de l'utilité de "ces journaux en ligne, espaces d’expression et de réflexion enrichissants."

 

Annette Kouamba Matondo

Juin 2010

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Le partenaire

Syfia international est partenaire du CRP dans la mise en œuvre du projet. Son bureau français, l'association Journalistes Médiateurs (J'M), assiste le CRP dans la gestion financière de l'action et le suivi rédactionnel des journalistes, en particulier dans la production des articles. Syfia regroupe 15 agences de presse dont 12 en Afrique (parmi lesquelles le CRP) et 3 en Europe. Les 100 journalistes de l'équipe travaillent en réseau pour produire et diffuser des informations prioritairement destinées aux médias et aux lecteurs et auditeurs du Sud.

Les medias associés

La vingtaine de journalistes participants sont tous membres de radios ou de journaux de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Sibiti, Djambala et Ewo. Leurs responsables diffusent les émissions et les articles réalisés dans le cadre du projet et participent activement aux formations. La présente action mise en particulier sur les radios rurales pour élargir la diffusion vers l'intérieur du pays.

 

Autorités et OSC associées

24 associations de soutien aux femmes et 24 autorités locales (4 sur chacun des 6 sites de l'action) prennent l'habitude de se réunir régulièrement. Les OSC rurales sont davantage connues des médias et reconnues par les autorités.

Contact

Centre de Ressources pour la Presse – Gaston Elbi Enkari
g.elbienkari(a)gmail.com

 

Syfia international – Bureau français : association Journalistes Médiateurs - 125, rue Raimu - 34 070 Montpellier - Emmanuel de Solère Stintzy
edesolere(a)gmail.com