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Présentation

  • : Le blog de Syfia Congo Brazza
  • : Sur ce blog, vous trouverez des articles et des émissions sur la société civile congolaise. Un projet soutenu par l'Union européenne et mené par Syfia international et le Centre de Ressources pour la Presse (CRP).
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Le projet

Soutenu par l'Union européenne, le projet encourage le dialogue entre les autorités locales et les organisations de femmes qui luttent contre la pauvreté et pour un meilleur respect de leurs droits en milieu rural. Les journalistes vont jouer le rôle de médiateurs en favorisant notamment les rencontres débats entre ces trois groupes.

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Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de Syfia international et du CRP ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

Qui sommes-nous ?

Crée en 1994, le Centre de ressources pour la presse (CRP), association à but non lucratif de la presse congolaise, coordonne cette action. Il est le garant de la ligne rédactionnelle en étroite collaboration avec son partenaire, Syfia International. Il sélectionne, forme et suit individuellement les journalistes, organise les ateliers, les débats communautaires et les conférences de rédaction, assure les relations avec les médias locaux et suit la diffusion des émissions et des articles.

30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 08:52

(Syfia/CRP) Grâce à la mobilisation d’associations spécialisées, de plus en plus de Congolais comprennent l’importance de donner leur sang et en profitent pour faire gratuitement leur bilan de santé. Insuffisant, à l’heure actuelle, pour satisfaire la forte demande des hôpitaux.

 

"Ma femme est morte à l’hôpital de Talangaï", confie Jean, en larmes. Comme son épouse, bon nombre de Congolais meurent ainsi par manque de sang pendant des accouchements, des interventions chirurgicales, ou à la suite d’accidents et d’anémie. Les statistiques du Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Brazzaville ont enregistré, en 2008, 96 décès par manque de sang et 179 en 2009. "Jusque-là, nous arrivons à couvrir un tant soit peu le besoin des patients. Mais, nous sommes préoccupés par la situation des négatifs (rhésus, Ndlr) qui manquent dans les hôpitaux", reconnaît Maurice Yoka, chef de service technique au Centre national de transfusion sanguine (CNTS).

Docteur Bounzeki, pédiatre à l’hôpital de base de Makélékélé, insiste sur le fait que le sang est utilisé dans tous les services de la médecine. Beaucoup de gens en ont donc besoin. Dans les hôpitaux, les banques de sang sont insuffisamment approvisionnées. Pour tenter de mieux satisfaire la demande, l’Association congolaise des donneurs de sang bénévoles (ACDSB) parle dans des églises, des casernes, etc. de l’importance de donner son sang. Quand les structures l’acceptent, l’équipe du CNTS passe pour la collecte.

 

Volontariat, anonymat, bénévolat

"Je donne mon sang depuis 1998. J’ai pris cet engagement pour sauver des vies", confie l’abbé Fred Mbemba, vicaire de la paroisse des Martyrs de l’Ouganda. Certains croyants ont des convictions radicalement opposées. "Nous avons eu une patiente Témoin de Jéhovah. Elle et son conjoint ont refusé que des médecins la transfusent. Elle a succombé le même jour…", témoigne une stagiaire au CHU. La plupart des Congolais sont cependant plus ouverts sur la question. Léa, une malade rencontrée à l’hôpital de Makélékélé, explique : "On m’a opérée et on m’a transfusée avec deux poches de sang de 400 millilitres pour que je survive." De son côté, Didier, explique : "J’ai déjà donné mon sang plus de cinq fois. Auparavant, j’ai subi des opérations au cours desquelles on m’avait transfusé. Depuis, je trouve utile de faire ce don."

Le don du sang repose sur trois grands principes : le volontariat, l’anonymat et le bénévolat, selon Richard Mpeka, chargé de la sensibilisation à la Croix-Rouge congolaise (CRC), qui précise que le donneur doit avoir entre 18 et 60 ans. Le médecin s’assure que ce dernier n'est pas porteur d'une maladie et contrôle notamment sa tension. "Nous prélevons entre 350 à 400 millilitres", précise Guy Elenga, agent au CNTS. Selon les estimations de ce Centre, on compte 5 000 donneurs à Brazzaville. Ils seraient plus nombreux ces dernières années, car de plus en plus de gens prennent conscience de l’importance de ce geste et en profitent pour faire gratuitement leur bilan de santé.

Une évolution encourageante, mais aux résultats encore insuffisants. "Nous avons fait des efforts pour passer de 28 % (des besoins, entre 2000 et 2008) à 36 % (en 2009) d’unités de sang fournit par des donneurs. Notre mission est d’atteindre l’objectif (fixé à l'ensemble des pays, Ndlr) par l’OMS (au moins 80 %) d’ici 2012", fait savoir Michel Mizère, président de ACDSB. "Dans notre plan d’action 2010, nous avons prévu de mettre en place au moins deux clubs de donneurs bénévoles pour qu’il y ait en permanence du sang dans des hôpitaux", révèle Rosalie Likibi, directrice nationale de la santé et de l’action sociale à la CRC. Le manque de moyens matériels et financiers reste le problème majeur des associations. "Notre appui à leur égard consiste à les former à mieux gérer leurs structures, afin qu’elles aient beaucoup d’adhérents et les fidélisent pour atteindre l’objectif de l’OMS", précise une responsable du ministère de la Santé.

 

Jean Thibaut Ngoyi 

Avril 2010 

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 08:50

(Syfia/CRP) Déa Nkounkou est sourd-muet. Ce Congolais, chef d’atelier de menuiserie, formateur et père de famille, vit comme tout le monde et réussit brillamment.

 

Déa Nkounkou, sourd-muet de 29 ans, regarde attentivement deux de ses apprentis. Le premier fabrique un baffle de haut-parleur. Le deuxième scie une planche pour un lit. Nous sommes à Brazzaville, à l’atelier de menuiserie de Handicap Afrique, une OSC congolaise. Marié, et père d’une fillette de quatre ans qu’il accompagne chaque matin à l’école, Déa est diplômé de l’école des jeunes sourds. Il a reçu le soutien moral et financier de sa famille pour apprendre la menuiserie. Depuis cinq ans, il se plaît dans son rôle de chef d’atelier, soucieux de transmettre ses connaissances à ses sept élèves menuisiers âgés de 15 à 20 ans, handicapés ou valides.

"Je ne vois pas de différence entre un sourd-muet et une personne valide du moment qu’on arrive à se comprendre", explique-t-il en langage des signes, traduit par un interprète. Ordonné et très méthodique, Déa inscrit au tableau pour ses élèves le programme de travail de la journée. La communication entre eux et lui se passe elle aussi par signes : "Quand je leur explique des choses à faire, je vais lentement et ils comprennent progressivement.". Ce que confirme Mbola Chirac, l’un de ses apprentis menuisiers valides : "Je ne pensais pas un jour être encadré par un sourd-muet. Tout ce qu’il nous demande de faire, nous l’exécutons. Si nous avons des difficultés à comprendre, il écrit au tableau. Aujourd’hui, nous ne regardons plus comme avant les sourds-muets".

Pour se faire respecter, le chef d’atelier a sa méthode : "Je suis très rigoureux. Certains fuient, car, quand cela ne marche pas, je punis sévèrement. C’est ainsi que j’arrive à les discipliner". Déa est partagé entre son désir de rester et son envie d’ouvrir un atelier ailleurs : "Si un autre encadreur m’aide à conseiller ces jeunes, je pourrais partir. Sinon, je continuerai jusqu’à ce que je sois fatigué."

 

"Capables de beaucoup de choses !"

Satisfait des prestations de son protégé, André Kabi, président de Handicap Afrique, pense qu’"on est toujours handicapé de quelque chose ici bas. Il n’y a pas de frontières entre une personne ‘normale’ et un handicapé". De son côté, la famille de Déa est fière du génie créateur de son maître menuisier. "Il ne cesse d’émerveiller les gens et de nous honorer. Quand on l’a inscrit à l’école française de menuiserie Aide à l’Enfance en 2005, il est arrivé après les autres, mais, à la fin de la formation, il est sorti major de sa promotion ! Cela ne m’étonne pas qu’il soit aujourd’hui chef d’atelier", explique Séraphin Nkounkou, frère de Déa.

Le gouvernement commence à prendre en compte l’intégration, notamment professionnelle, des handicapés, comme le souligne Georges Biakabakana, directeur de la réadaptation au ministère des Affaires sociales : "Nous avons initié une ligne budgétaire pour appuyer l’ensemble des prestations des handicapés (un fonds pour les OSC spécialisées qui ont des projets bien montés, Ndlr). Par ailleurs, un quota de 10 % leur est réservé chaque année pour leur intégration dans la Fonction publique."

Jean de Dieu Ngoma, handicapé moteur et président d'une union nationale de personnes handicapées, souhaite que les efforts en ce sens se multiplient pour une intégration totale, avec en particulier la mise en place de politiques d’autonomisation. Il remarque déjà "une sorte de prise de conscience" : "Hier, avoir un enfant handicapé était considéré comme un mauvais sort. Nous avions peur et honte de nous retrouver. À présent, le regard de notre entourage a changé. Nous sommes capables de beaucoup de choses !"

 

 

Marien Nzikou-Massala

Avril 2010

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 08:49

(Syfia/CRP) "Nos élèves redoutent le livre comme le chat craint l’eau froide !", déplorent autorités, ONG, parents et enseignants de Pointe-Noire. Avec les jeunes, ils regrettent l’insuffisance de centres de lecture à tarif réduit et l’omniprésence des autres loisirs. Ils font aussi des propositions pour redonner le goût de la lecture aux jeunes.

 

Lycée public Victor Augagneur de Pointe-Noire. À la suite d’une grève déclenchée en avril par un syndicat d’enseignants, beaucoup de professeurs sont absents. Les élèves sont dans les bars, les cybercafés et les salles de jeux vidéo des environs. D’autres errent dans la vaste cour de l’école. Deux filles viennent de passer deux heures à visionner des films pornographiques sur leurs téléphones portables. Deux garçons discutent d’un match de foot du championnat espagnol. "Les élèves auraient pu consacrer ce temps à faire des recherches dans des centres de documentation", regrette M. Bareka, un des censeurs. "Nous avons une bibliothèque, mais les élèves ne la fréquentent presque pas pendant les récréations ou les heures de permanence", déplore un autre responsable de ce lycée, qui a requis l’anonymat.

Dans la capitale économique congolaise, les parents d’élèves sont eux aussi conscients de ce désintérêt des jeunes pour la lecture. "Après les cours, mes enfants se précipitent pour jouer avec leurs camarades, sans penser à regarder l’un ou l’autre manuel que je leur ai pourtant achetés", observe Stéphane Babongui, journaliste et père de trois collégiens. "Je ne lis pas parce que je ne trouve pas de livres à l’école", répond, pour sa part, Dreiche Kikounga, en 5e au collège d’État Emmanuel Dadet Damongo qui, selon le directeur des études, Philippe Mbama, a des livres, mais ne dispose pas de local pour installer une bibliothèque.

Consciente de ces différents problèmes, l'ONG congolaise Les Enfants du Phare a créé en 1999 une bibliothèque dans l’arrondissement 3. Sa présidente, Nona Matouala, née à Pointe-Noire, vit aujourd’hui au Canada. Dans ce centre, l’abonnement annuel ne coûte que 300 Fcfa (0,45 €). Par comparaison, il se monte à 3 000 Fcfa (4,5 €) au Centre culturel français et à 2 000 Fcfa (3 €) au centre de formation suédo-congolais Sueco. Grâce à ses tarifs, Les Enfants du Phare entendent "réconcilier les élèves avec le livre". Pour Antoine Mabiala, un bénévole animé par "l’amour de la lecture et la réussite des enfants", il faut "rapprocher l’élève du livre, car c’est un bon compagnon de réussite". Ce que confirme Dériche Moukamba, en 1re littéraire dans un lycée privé : "Cette bibliothèque, située dans mon quartier, me permet de mener des recherches et de compléter les enseignements de l’école."

 

Salons, campagnes, contraintes…

Réconcilier les jeunes avec la lecture prendra du temps… Actuellement, seuls 70 abonnés consultent les quelque mille ouvrages diversifiés (romans, bandes dessinées, manuels scolaires, etc.) contre 20 à la création. Antoine Mabiala tente d’expliquer cette "lente" progression en soulignant que les enfants se tournent plus volontiers vers les loisirs offerts par Internet et dans la rue.

A l’occasion de la Journée "Lire en fête" en 2008, Albert Kimbouala, alors directeur départemental de la Culture et des arts, déclarait à ce sujet : "A Pointe-Noire, le livre ou le journal le plus lu, c’est le programme de la Cogelo (Congolaise de gestion de loterie, entreprise spécialisée dans les courses de chevaux, Ndlr)". M. Kimbouala, expliquait ainsi ce phénomène : "Tout le monde ne pense qu’à s’enrichir plutôt qu’à nourrir l’esprit (…) Qu’il lise ou pas, l’enfant sait comment obtenir une bonne moyenne. Et le parent est coupable, puisqu’il encourage son rejeton à être partisan du moindre effort. Conséquence : nous avons des élèves moins instruits et risquons d’avoir à l’avenir des cadres incapables de défendre leurs diplômes."

Pierre Claver Mabiala, directeur à Pointe-Noire de la troupe théâtrale Bivelas (Tonnerre en vili), milite pour des actions originales et parfois énergiques pour attirer les jeunes : "Construire des centres de lecture est une bonne chose, mais il faudrait des mini salons du livre, des campagnes de persuasion dans les écoles relayées par les enseignants. On pourrait également utiliser la contrainte comme jadis dans nos internats."

 

 

John Ndinga-Ngoma

Avril 2010

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 09:16

 

 

(Syfia/CRP) La prostitution des enfants, adolescentes et très jeunes femmes se banalise à Brazzaville. En cause : la pauvreté, l'irresponsabilité des parents, la méconnaissance ou le non-respect des lois… Seuls quelques associations et éducateurs semblent avoir pris la mesure du problème.

 

"Je sors avec plusieurs garçons. Mes parents, incapables de subvenir à mes besoins, bénéficient de mes relations. Mon père a trouvé du travail grâce à un de mes clients", confie Sylvie. De nombreuses enfants, adolescentes et très jeunes femmes arpentent désormais entre 18 heures et tard dans la nuit le centre-ville de Brazzaville en tenue sexy et provocante à la quête d’une proie. Âgées de 12 à 20 ans, ces "mou crocodile" (dévoreuses d’hommes), se retrouvent dans les rues, ainsi que dans les restaurants et les night-clubs huppés. Leurs cibles privilégiées : les hommes d’affaires, les diplomates et autres portefeuilles bien garnis. "Locaux ou étrangers, l’essentiel est que le consommateur paye bien son heure", résume Dorielle.

Ce commerce sexuel ne semble pas déranger outre mesure les parents. Certains encouragent même leurs progénitures à se lancer dans cette pratique pour échapper à la misère. Cigarette à la main Lucette explique, toute fière : "J’ai longtemps vécu dans la galère. Aujourd’hui, grâce à ce que je fais, j’ai un chez-moi et un compte en banque. J’ai 19 ans, je m’occupe de mes deux frères et sœurs et de ma petite fille. Ce qui me manque, ce sont mes amis, mais avec ce que je fais, mieux vaut être discrète…"

En effet, pour beaucoup de jeunes femmes, le silence est d’or dans ce métier. "Ceux qui nous jugent ne savent pas ce que nous endurons. Je suis en classe de 3e. Je me prostitue seulement de temps en temps, quand j’ai besoin d’argent. Je ne suis pas comme ces enfants de riches qui le font pour avoir de bonnes notes ! Je ne peux pas en parler à mes amis", explique Rose, bien consciente des risques qu’elle encoure. "Je prends mes précautions, j’ai des rapports protégés", s’empresse-t-elle d'ajouter.

 

Clients cyniques, parents irresponsables

L'exploitation sexuelle de ces jeunes et très jeunes femmes, par des hommes qui pourraient être leurs pères, n’émeut presque personne. Surtout pas leurs clients… "Ce sont elles qui viennent à nous. Elles sont bien conscientes de ce qu’elles font. Si leurs parents l’acceptent, est-ce à moi de jouer le rôle de l’assistance sociale ?", questionne, avec une bonne dose de cynisme, l'un d'entre eux qui a requis l’anonymat.

Selon un rapport d’analyse effectué dans le cadre du programme protection des enfants et des femmes par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) en juin 2009, le revenu des jeunes filles de la rue qui pratiquent la prostitution varie de 30 000 à plus de 150 000 Fcfa (de 45 à plus de 230 €)… trois fois le Smig !

En plus de la cupidité, de l'irresponsabilité ou de la démission, s'ajoute chez certains parents l'ignorance de la loi. "Certains articles qui précisent leur obligation de pourvoir aux besoins de leurs enfants et d’assurer leur protection et énoncent les devoirs de l’État ont été adoptés par l’Assemblée nationale, mais attendent d’être promulgués", regrette Maître Marie-Hélène Nanitelamio, de l’Association des femmes juristes du Congo. Actuellement en vigueur, la loi Portella et ses décrets d'application interdit aux moins de 16 ans de sortir sans être accompagnés de leurs parents à partir de 20 heures, de fréquenter les bars, cinémas, et dancings. Maître Nanitelamio regrette que les autorités ne vulgarisent pas ces lois, décrets et autres conventions internationales pourtant ratifiées par le Congo.

Le Code pénal punit pourtant d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 400 000 à 4 millions de Fcfa (de 600 à 6 000 €), toute personne qui embauche, entraîne, ou entretient, même avec son consentement, une personne même majeure en vue de la prostitution, ou la livre à la prostitution ou à la débauche. Seuls quelques associations et éducateurs bataillent pour que ces enfants soient pris en charge. "Nous avons initié un projet dans ce sens, mais il n’a pas abouti par manque de financements", déclare Pierre Chetel Kouanga, secrétaire général de l'Union pour l'étude et la recherche sur la population et le développement. La bataille contre ce fléau est d'autant plus difficile que ce dernier s’immisce jusque dans les établissements scolaires. "Comment comprendre qu'un père fasse plus de deux ans sans acheter un habit à sa fille, alors qu’il se saoule chaque jour ?", questionne Juliette Mbemba, enseignante parente d’élève dans un lycée de la place.

 

Annette Kouamba Matondo

 

Mars/Avril 2010

 

 

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 09:14

 

(Syfia/CRP) Pour faire connaître leurs droits et encourager les jeunes filles à dénoncer les enseignants qui les harcèlent, l’Association des parents d’élèves et étudiants du Congo organise des réunions dans différents établissements scolaires. Elle a également lancé une émission éducative pour les parents, de plus en plus prompts à demander des comptes aux directeurs de collèges et de lycées.

 

"J'ai refusé de satisfaire les désirs de mes enseignants. J’ai manqué ma licence et abandonné mes études", témoigne une victime de harcèlement à la Faculté des lettres et sciences humaines de Brazzaville, qui a malgré tout réussi à devenir journaliste. D'autres ont eu moins de chance… "Après avoir dit non à mon professeur, j’ai été recalée pour un point", explique une autre victime qui poursuit ses études. Une autre encore, au département d’histoire, chôme à présent dans la maison de ses parents : "J’ai été obligée de tripler ma première année, puis j'ai abandonné les cours".

Du collège à l’université, les victimes de harcèlement sexuel sont nombreuses au Congo. Pour faire connaître leurs droits aux jeunes filles et les encourager à dénoncer leurs agresseurs, l’Association des parents d’élèves et étudiants du Congo (APEEC) organise des réunions et des séminaires dans des établissements scolaires. "Dans nos rencontres avec les autorités du ministère chargé de l’Enseignement, nous abordons toujours ce sujet. A notre demande, des parlementaires ont promis de proposer de réviser la loi Portella relative à la protection des mineurs. Nous avons par ailleurs lancé une émission éducative (École des parents), qui passe deux fois par semaine sur Radio Bénie dans le département de la Sangha", complète Christian Ipouma, premier vice-président de ladite association.

 

Des parents réagissent

Une loi du 22 juin 1966 punit de six mois à trois ans de prison ou d'une amende de 50 000 à 200 000 Fcfa (75 à 300 €) toute personne qui, sans être reconnue comme futur époux, aura mis en état de grossesse une élève de moins de 21 ans. Cette peine est doublée lorsque l’infraction a été commise par une personne ayant une autorité ou une direction de droit ou de fait sur la jeune fille. Le Code pénal condamne également le viol, l'atteinte à la pudeur et l'incitation de mineur à la débauche.

Pour éviter ces crimes et délits aux conséquences dramatiques pour les élèves, les futurs enseignants suivent à l’École normale supérieure des cours de déontologie. Et, dans certains collèges et lycées, des parents n'hésitent plus à menacer directement les enseignants et les chefs d'établissement. "Si ma fille continue à être dérangée, je porterai la main sur vous", a dernièrement promis la mère d’une victime à un directeur. De quoi empêcher certains de récidiver et rendre plus attentifs les directeurs.

Raphaël Likibi, directeur des études au Lycée technique industriel de Brazzaville, assure de son côté : "Chez nous, on n’a jamais enregistré ce genre de cas". Gabriel Mahindou, directeur lui aussi, précise : "Nous n’avons jamais reçu de victimes dans nos bureaux. Mais, l'enseignant qui serait surpris à agir ainsi serait interpellé et mis à la disposition de la hiérarchie".

Grégoire Kimbangu, directeur au lycée Chaminade de Brazza, estime, pour sa part, que "les regards des enseignants ne sont plus tournés vers leurs élèves", même si certaines arrivent en cours en tenue provocante. "Nous sommes menacés par leurs charmes, mais cela ne nous attire plus", assure un enseignant. A l’université Marien Ngouabi, où le harcèlement sexuel est connu de tous, d’aucuns pensent que les étudiantes sont les principales responsables de ces pratiques. "Les filles séduisent les enseignants par leurs tenues", juge Kaka, étudiant, dédouanant ses professeurs masculins. L'un d'eux affirme d'ailleurs sans scrupule : "On ne peut pas parler de harcèlement à l’université, car ces filles sont adultes !

 

Peur et impunité

La plupart des victimes n'osent de toute façon pas encore porter plainte. Jeanne Ngala, chargée des questions de genre au ministère de l’Enseignement primaire et secondaire, explique que "les filles ont souvent peur de ternir l’image de l’enseignant". Du coup, les ONG mènent peu d’actions sur le sujet. "Nous manquons de témoignages de victimes", reconnaît un membre de l’Association des femmes juristes.

Le harcèlement sexuel est encore un sujet tabou, totalement absent ou presque des médias. Généralement, les contentieux entre enseignants et enseignées s’arrêtent donc au niveau des écoles et les auteurs ne sont pas sanctionnés, faute de preuves. Faute aussi, parfois, de volonté d'en finir avec ces pratiques… "C’est à la police ou à la justice de les sanctionner", réagit ainsi une autorité du ministère chargé de l’Enseignement, qui a requis l’anonymat.

 

Mamadou Bineta

Mars/Avril 2010

 

 

 

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 09:10

 

(Syfia/CRP) Ces derniers mois, une vingtaine d'aveugles ont été initiés à l'informatique par une OSC congolaise. Certains d'entre eux sont entre temps devenus eux-mêmes formateurs. Une initiative rare et encourageante qui devrait s'inscrire dans la durée pour lutter efficacement contre l'analphabétisme et les discriminations à l'embauche.

 

 

"Acquérir des compétences en informatique serait une nouveauté, un déclic. Cela nous permettrait d'être au même niveau que les voyants dans ce domaine", envisage Guy Mabiala, un aveugle. Ce qui semblait hier encore irréaliste devient aujourd'hui possible, notamment grâce à des ordinateurs à commande vocale. Allumer et éteindre un ordinateur, saisir un texte, naviguer sur Internet... "Les malvoyants suffisamment avancés dans leur apprentissage en forment d’autres", précise Fréjus Ntsakala, l’un des trois encadreurs à avoir reçu une formation de formateurs, par ailleurs permanent au centre d’apprentissage de Viens et Vois. Au total, 19 aveugles ont été initiés depuis novembre 2009 par cette OSC congolaise. Ils se comprennent facilement entre eux et dépensent ainsi moins d'argent que dans des formations classiques.

Cette formation, donnée à Brazzaville, est une première au Congo. Les participants viennent de Brazza et de Pointe-Noire. Ils sont ponctuels, réguliers et motivés, déterminés à sortir de l’analphabétisme où la plupart se trouvent. Pour Hugues Boukélé, président de l’Union nationale des aveugles et malvoyants du Congo (UNAMAC), cette démarche est importante pour leur épanouissement et leur affirmation. Jusqu'ici en effet, certains parents estiment qu'investir dans la scolarité de leur enfant aveugle est un gâchis, puisque trouver un travail lui sera ensuite presque impossible. Mais, d'autres comprennent que tous les enfants ont les mêmes droits. Des efforts accompagnés par Viens et Vois, qui organise des sessions d'alphabétisation des aveugles chaque année afin de leur permettre de lire et écrire en braille.

 

Aussi efficaces dans le travail

Avec l'informatique, de nouvelles perspectives s'ouvrent pour les plus instruits. À l'image de Dieudonné Mbimi : "Je peux à présent naviguer sur Internet, suivre les informations, faire des recherches pour ma maîtrise en sciences et techniques de la communication et saisir certains documents de mon association", se réjouit-il. Pour cet universitaire, c'est un premier pas important vers le marché de l’emploi : "L’informatique est un domaine où voyants et malvoyants peuvent se rencontrer. Un aveugle est capable de traiter un certain nombre de dossiers avec son ordinateur spécialement équipé et rendre ce travail à son chef de service. L’informatique rend les aptitudes des aveugles vraiment visibles !"

Un avis partagé par certains patrons. Rufin Mahinga, directeur de publication du journal Le Manager, explique : "Si un aveugle est capable de rendre le même travail qu’un voyant, pourquoi lui refuser un poste ou un emploi ? Je pense que l'important pour un chef, c’est que ses employés atteignent les objectifs qu’il s’est assignés". Même avis du côté d'Appo Moussavou, administrateur au CHU : "Lorsqu’un aveugle effectue le travail auquel vous attendez, la question de voyant et malvoyant n’a pas de sens".

 

Suivi individuel

Au niveau des autorités, sur le quota de 12 aveugles qui devaient en principe être embauchés dans la Fonction publique, en décembre 2009, huit ont finalement été intégrés, selon leur formation, à différents ministères. Un effort à poursuivre et à amplifier, militent les OSC. Selon le président de l’Union nationale des handicapés du Congo (UNHACO), l'implication totale des handicapés à des postes à responsabilités serait une manière pour le gouvernement de ne pas les délaisser. Pour le directeur général des Affaires sociales et de la famille, Jean Clotaire Tomby, les Technologies de l’information et de la communication (TIC) offrent à cet égard de multiples opportunités : "Le monde du handicap visuel s’ouvre difficilement, mais de plus en plus aux TIC. L’informatique est un domaine où aveugles et voyants peuvent se retrouver les plus égaux, car il existe des solutions pour rendre l’informatique accessible".

Emerson Massa, président de Viens et Vois, ONG soutenue financièrement par la Mission évangélique braille de Suisse, insiste sur l'importance du suivi individuel des aveugles formés, afin de consolider leurs acquis et d'en former une centaine d’autres d'ici fin 2010 : "Ce projet demande des ressources importantes, car notre centre est le seul dans tout le Congo. Les aveugles doivent le fréquenter régulièrement. Pour permettre aux 100 000 aveugles et malvoyants de notre pays d'accéder facilement à Internet, il leur faudrait par ailleurs des ordinateurs portables".

 

Marien Nzikou-Massala

 

Mars/Avril 2010

 

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 09:06

 

 

(Syfia/CRP) Les veuves, les orphelins et les filles mères vivent dans une grande précarité au Congo. Plusieurs associations les soutiennent à travers des aides matérielles, des micro crédits, des formations à des activités génératrices de revenus.

 

"À chaque rentrée des classes, je reçois maintenant des fournitures scolaires", se réjouit Chimène, orpheline, dont les parents sont morts pendant la guerre du Pool. "Nous sommes affaiblies par le poids de l'âge, mais grâce aux Femmes vertueuses pour la paix, vêtues de blanc, nous oublions que nous sommes abandonnées à nous-mêmes", se félicite Antoinette Nzeké, une veuve qui vient de souffler ses 67 bougies.

Depuis les guerres qui ont ensanglanté le Congo Brazzaville, les orphelins et les veuves sont dans une situation très précaire. Certains d'entre eux bénéficient heureusement de soutiens, notamment celui des Femmes vertueuses pour la paix. Cette association congolaise, créée en 2008, est un "outil indispensable d’intégration et de prise en charge globale" selon Pélagie Mayala, sa présidente départementale ; elle aide quelque 850 démunis. Plusieurs associations mènent des actions similaires. François Mifoundou, président de l’Association de prise en charge des veuves, orphelins et des cas sociaux précise : "Nous allons notamment vers les veuves abandonnées dans des maisons. Nous leur apportons de temps en temps de quoi vivre, s'habiller et se soigner."

 

"Les rendre autonomes financièrement"

Jeanne Ngouma, membre de l’Association femmes évangile et développement, explique que les veuves sont généralement des personnes "marginalisées". Elle insiste sur le travail psychologique que les OSC doivent mener auprès d'elles pour leur redonner espoir et envie de se battre : "Nous aidons celles qui ne savent rien faire à identifier une activité génératrice de revenus qui leur permette de se prendre en charge." Lovline Obamba, responsable de projets au Bureau de recherches, d'études et d'appui au développement, une ONG congolaise, abonde dans le même sens : "Le plus important est que cette formation les rende autonomes financièrement."

De nombreuses associations forment dans ce but des veuves et/ou des filles mères. Les plus entreprenantes recourent au micro crédit. À l'image d'Aimée Zoba à Brazzaville : "Un financement de 150 000 Fcfa (230 €) m’a permis de me lancer dans le commerce de friperie il y a deux ans. Aujourd'hui, je prends soin de mes enfants sans l’aide de qui que ce soit." Jacqueline a elle été formée à l'agriculture puis a bénéficié d'une aide de 100 000 Fcfa (150 €). Avec cet argent, elle cultive au village deux champs de manioc de 2 hectares. Aujourd'hui, elle en a un troisième et, par ses revenus, elle n'a rien à envier à un fonctionnaire… Jeanne Ngouma confie : "Nous avons formé plus de 450 veuves dans différents domaines d’activité. Un tiers d'entre elles est actuellement sur le terrain."

Honorine Massamba, directrice de la famille au ministère des Affaires sociales, apprécie "ces bonnes initiatives. Les ONG apportent un appui à l'État à travers leurs multiples actions. Nous réglons les problèmes ensemble, se félicite-t-elle avant de conclure: J'ai beaucoup d'admiration pour les associations qui œuvrent pour les démunis. Ce que l'État ne peut pas faire, peut être fait par ces dernières."

 

 

Jean Thibaut Ngoyi

 

Mars/Avril 2010

 

 

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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 09:24

(Syfia/CRP) Le 8 mars dernier, la Journée internationale des femmes a aussi été la fête des détenues de la maison d'arrêt de Brazzaville. Ces dernières ont en effet reçu différents dons. Un peu de baume au cœur pour des personnes qui vivent dans des conditions extrêmement difficiles, déplorées par plusieurs associations. Reportage.

Il est  onze heures, le soleil est à son zénith. En ce 8 mars, Journée internationale des femmes, la cour de la maison d’arrêt de Brazzaville est remplie de dames de l’association Femmes du corps de Christ en action (FCCA). Chacune d’elles tient un sac rempli de savons, détergents, habits, serviettes et papiers hygiéniques… Elles sont quarante à être venues soutenir les prisonnières et ainsi "accomplir la volonté de Dieu".

Derrière une porte métallique, les mains tendues, une détenue, à l'air fatigué, demande l’aumône aux visiteurs. Une quête réprimandée rapidement et brutalement par des geôliers. "Hé ! toi, recule ou je te frappe !", lance l’un d’eux. "S’il te plaît, j’ai faim, achète-moi du pain", supplie une autre. Lorsqu’un visiteur fait irruption dans ce couloir mal éclairé, tout le monde se met à crier.

Âgées de 20 à 40 ans, les 16 détenues ont toutes l’air malade. Elles sont entre cinq et sept par cellule qui leur sert à la fois de dortoir et de toilettes avec des seaux pour leurs besoins. Quand elles reçoivent les dons, elles se disent "contentes, car, même si c’est petit, c’est essentiel". "Depuis ce matin, nous attendions la visite des mamans qui pouvaient partager notre peine", confie une prisonnière. A l'occasion de la Journée des femmes, la FCCA a été la seule association à visiter ces détenues.


En quête de soutien

En présence des visiteurs, ces femmes sont obligées de rester discrètes. "Nous n’avons pas le droit de dire quoi que ce soit aux visiteurs, sinon les chefs (geôliers ou autres détenues, Ndlr) vont nous taper ou nous punir", affirme l'une d'elles. Certaines, qui sont là depuis plus de sept ans et qui n’ont pas été jugées, ni même été entendues par un juge d’instruction, apprécient toute marque de soutien. Un soutien d'autant plus précieux que certaines "n’ont plus de famille et personne pour leur rendre visite", remarque un geôlier. "Même la prière compte pour nous", confirme l'une d'elles.

Construite pour accueillir 100 détenus au maximum, la prison de Brazzaville reçoit jusqu'à 600 personnes. Les ONG soulignent qu'aucune maison d'arrêt n'a été construite depuis l'indépendance du pays, en 1960, et déplorent cette surpopulation carcérale à l'origine de conditions de détention déplorables. "Ce constat de désolation est largement partagé par tous, y compris par la majorité des autorités en charge de cette question", souligne, dans un rapport publié à l'occasion du 61e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en décembre 2009, la Fédération congolaise des droits de l'Homme (Fécodho), une plate-forme qui regroupe une dizaine d'ONG.

Pour améliorer, un tant soit peu, le quotidien de ces personnes et permettre aux prisonniers de se nourrir et d’apprendre l’agriculture, l’Association pour les droits de l’Homme et l’univers carcéral (ADHUC) a aménagé en 2005 des jardins potagers dans les prisons. Elle a aussi organisé, en 2006, un séminaire sur les droits des détenus, avec tous les régisseurs des maisons d’arrêt du Congo. Pour le responsable de cette association, Louamba Moké, "le budget de l’État ne répond pas aux besoins des détenus. C'est ce qui explique qu’ils vivent dans de telles conditions". Il insiste sur le fait que ceux qui sont privés de liberté "ont leurs droits", notamment ceux "d’être nourris et soignés."

 

"Extrême promiscuité"

De son côté, l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) apporte une assistance juridique aux prisonnières et assure le suivi des conditions de détention au Congo. Pour Rock Euloge N’zobo, responsable de programmes dans cette structure, "la situation de la femme incarcérée est déplorable". "Non seulement, les détenus vivent dans la plus extrême promiscuité, entassés (…) comme du bétail, mais aucune norme des règles minima des Nations unies n'est observée", dénonce plus généralement dans son rapport la Fécodho.

En théorie, la prison ne doit pas uniquement punir, mais aussi éduquer et réinsérer. Pourtant, au Congo, les femmes ne bénéficient actuellement pas de ces droits. Il est donc question que le gouvernement construise des maisons d’arrêt plus modernes, conformes aux standards internationaux. Pour maman Dorcas Passi, présidente de l’association FCCA, en tout cas, "pas question d’abandonner nos sœurs au moment où elles ont le plus besoin de nous".

 

El-Staël Enkari

Mars 2010

 

 

 

 

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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 09:23

(Syfia/CRP) Continuer à tendre la main et à dépendre financièrement des valides ? Non merci ! Une trentaine d'aveugles et de malvoyants ont été formés depuis quatre ans par une association. Aujourd'hui, certains gèrent seuls leurs cabines téléphoniques. Ils ont retrouvé leur dignité et gagné le respect des voyants.

 

Assis sous un parasol derrière sa table, les yeux protégés par des lunettes sombres, Nickson passe des appels pour les clients de la rue Mouleké, dans le 5e arrondissement Ouénzé, à Brazzaville. Il fait partie de la trentaine d'aveugles et de malvoyants formés depuis 2006 par l’ONG Viens et Vois, dans le cadre d'un projet financé par la Mission évangélique Braille de Suisse. Cette initiative contribue à changer l'image des 100 000 aveugles et malvoyants du Congo (estimation en 2006 de l’Organisation mondiale de la santé), longtemps marginalisés par la société et même jusque dans leurs propres familles.

Décidés à s’affirmer, ils apprennent des métiers qui leur permettent de gagner leur indépendance. "Nous organisons des formations de deux mois en pâtisserie, en maraîchage et en téléphonie. Tous les participants sont ensuite suivis au niveau des sites", explique Alain Ibara, formateur. Aujourd’hui, dix de ces apprenants (quatre à Pointe-Noire et six à Brazzaville) gèrent leurs propres cabines. D'autres travaillent pour le compte de l’ONG et sont rémunérés au pourcentage. "Ils reçoivent 60 % des bénéfices et les 40 % restant vont à l’ONG", précise Moukouyou, secrétaire général de Viens et Vois, avant d'ajouter que l'association utilisera ces fonds pour lancer et entretenir en 2010 quatre autres cabines.

Cette activité a donné ou redonné le goût de vivre à certains malvoyants. "Je me suis marié officiellement et j’ai pu verser la dot à ma belle famille grâce à ma cabine téléphonique qui m'a permis d'épargner", témoigne Emerson Massa, président de Viens et Vois, qui exhorte aujourd'hui les autres à ne pas baisser les bras : "Je dis aux amis 'Nous avons perdu la vue, mais pas la vie'. La personne aveugle peut mener une vie heureuse sur cette terre comme tout le monde". Bernard Mounzeo, un autre aveugle, est du même avis : "Quand j’ai commencé mon travail, certains pensaient que je faisais semblant d'être handicapé en me protégeant derrière mes lunettes noires. Je suis depuis devenu un sujet d’admiration pour mon entourage."

 

Considération et respect des voyants

Nickson, qui a en charge une famille de quatre personnes, a lui aussi retrouvé sa dignité. Il fustige même les aveugles qui, au lieu "d'apprendre quelque chose et de se prendre en charge, demandent l’aumône à tous les coins de rue". Il poursuit :"J’exerce ce métier depuis trois ans. Par mois, je gagne au moins 50 000 Fcfa (75 €, le montant du Smig, Ndlr). J’ai le soutien de presque tout le monde, car je suis dans mon quartier. Mon entourage apprécie ce que je fais. Je me fais tout de même accompagner par un ami voyant, car des personnes malintentionnées viennent avec de faux billets dans le but de nous tromper."

Autonomes, les aveugles regagnent la considération et le respect de la plupart des voyants. C'est le cas de Michel Niamba, un client : "Tout ce que fait un voyant, un aveugle peut le faire. Je dis donc à ceux qui viennent téléphoner de respecter les aveugles, car nous avons tous les mêmes droits. Aujourd’hui, la majorité des clients disent le véritable montant de ce qu’ils donnent. Cela me réjouit".

Selon Emerson Massa, le gouvernement a donné à son ONG 2 millions de Fcfa (3 000 €) en 2007 pour acheter de l’équipement. Il souhaite aujourd'hui que ce soutien se poursuive. Le gouvernement, par la voix de Georges Bienavoukana, directeur de la réadaptation, au ministère des Affaires sociales, estime en tout cas que la démarche entreprise par Viens et Vois est "une bonne initiative qui concoure à l’autonomie".

 

 

Marien Nzikou-Massala

Mars 2010

 

 

 

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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 09:21

(Syfia/CRP) À 35 ans, Joséphine Enoce Bouanga, ingénieure en développement rural, met sa science à profit. Sa petite entreprise produit notamment du lait de graines de courge. Une découverte brevetée qui ne passe pas inaperçue chez les consommateurs et les autorités.

 

Une bâtisse de deux pièces perdue dans un quartier périphérique de Pointe-Noire, capitale économique du Congo. Tout autour poussent du manioc, de l’oseille, du maïs et de la banane plantain. Une jeune femme avec un bébé au dos sort de la maison d'où parviennent les vrombissements d’un broyeur et d’un générateur. C’est Joséphine Enoce Bouanga. Cette ingénieure de 35 ans est ici à la fois à son domicile et dans son entreprise.

Après sa maîtrise à l’Institut de développement rural (IDR) de l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville, Joséphine s’installe en 2000 à Pointe-Noire. À Agri Congo, un institut d’appui au développement, elle bénéficie d’un stage et choisit pour spécialisation la transformation des produits agricoles. "Elle était très impatiente, car elle constatait un petit fossé entre ce qu’on lui avait appris à l’Université et la réalité du terrain", se souvient Blaise Mouelet, un de ses encadreurs. En 2006, en préparant son doctorat, Joséphine crée donc sa propre coopérative : Enoce Bio.

Aidé d'un personnel constitué uniquement de femmes, elle produit un mélange de farines de soja et de maïs auquel elle ajoute parfois de l'arachide. Après un autre stage au centre de formation en agronomie tropicale de Songhaï au Bénin, elle se met à transformer d’autres produits dont les graines de courge. "La valorisation alimentaire de la courge" (thème de son DEA en 2008) permet à Joséphine de faire une comparaison entre le lait de graines de courge et celui de soja.

 

Un exemple pour les femmes

En 2008, lors de la foire nationale, elle expose gratuitement au stand de l’Association Pointe-Noire industrielle (APNI), une OSC qui aide à l’émergence des PME et PMI. "Joséphine valorise les produits locaux et crée des débouchés pour la paysanne qui cultive la courge, un produit lié à notre culture. Elle montre aux Congolaises qu'elles peuvent être aussi dynamiques, actives et innovatrices que les hommes", souligne Didier Sylvestre Mavouenzela, président de l’APNI, structure qui aide l'ingénieure dans la recherche de bailleurs et a permis ainsi le financement de dix entreprises en 2008 par différents partenaires.

Selon Joséphine, ses produits auraient des vertus médicinales. Jusqu’ici, aucun test n’a toutefois été fait par des spécialistes, même si certains nutritionnistes, dont le docteur Ouakatoulou, spécialisé dans la production de chocolat, reconnaissent des vertus au lait de graines de courge et à son sirop à base d’ail. Certains consommateurs sont déjà conquis. "J’apprécie les qualités diététiques et les vertus médicinales de ces produits", explique par exemple Patrice Compte, un agriculteur français.

Joséphine commence à être connue aussi en haut lieu. A l’occasion du Salon africain de l'invention et de l'innovation technologique organisé en octobre dernier au Mali par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), qui a breveté en 2008 son lait de graines de courge, elle a ainsi serré la main du président malien Amadou Toumani Touré. "J’ai fait connaître à mes frères d’Afrique de l’Ouest les apports de la graine de courge, car là-bas, on ne consomme que la pulpe et on jette la graine, alors que c’est la partie la plus riche", rapporte l'innovatrice.

 

"Mine d’or" et matériel rudimentaire

Autre souvenir inoubliable pour elle : sa rencontre avec le ministre congolais chargé de l’Industrie, Rodolphe Adada, fin 2009 : "Lorsque j’ai fini de lui présenter mon activité, il m’a lancé 'Madame vous êtes une mine d’or qui s’ignore'", rapporte-t-elle, ravie, avant de poursuivre "Ces mots encourageants me donnent la force de foncer." D'autant plus que M. Adada aurait promis de doter son entreprise d’une chaîne de transformation, afin de la rendre plus moderne et plus productive.

Un apport qui serait précieux. Pour l'heure, Joséphine en est en effet encore au stade de l’artisanat. Son unité de production se limite quasiment à un broyeur à marteaux, un robot électrique et une table de tri des graines. Sa capacité de production est de 10 000 sachets de farine de soja d’un kilo par mois, 100 litres de lait de graines de courge par semaine (sur commande uniquement) et 300 litres de sirop d’ail par semaine.

Débordante d'idées, Josephine projette à présent de faire de la farine infantile de banane plantain. Ses différentes initiatives permettent, en partie, de combler un vide. Au Congo, rares sont en effet les entreprises de transformation agricole.

 

Blanche Simona

 

 

 

 

Un secret bien gardé

 

(Syfia/CRP) Coopérative créée en 2006 par Joséphine Enoce Bouanga, Enoce Bio produit notamment du lait à partir des graines de courges cultivées dans les départements de la Bouenza et de la Lékoumou, au sud du Congo. Le décorticage, manuel, peut prendre des semaines à raison de cinq sacs de 50 kg par mois.

Ces graines sont ensuite mises à tremper puis broyées par un robot électrique. Le jus recueilli est ensuite filtré puis embouteillé. Pour ne pas exposer son invention brevetée en 2008 par l’OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle) "à l’imitation et à la tricherie", Joséphine s'abstient de décrire avec précision son processus de fabrication du lait de graines de courge. Elle est par contre intarissable sur les vertus de son produit phare : "Ce lait ne provoque aucune intolérance ; les nourrissons comme les personnes âgées peuvent en consommer."

Joséphine se dit aujourd’hui bio et fière de l'être : "Mes produits ne contiennent pas d’additifs chimiques. Ils peuvent se conserver entre six et douze mois", assure-t-elle. Ne disposant pas encore d’un entrepôt, elle ne produit son lait que sur commande et conseille à ses clients de le conserver au frais. "Le produit mal conservé garde ses vertus, mais il perd toutefois son goût succulent", prévient-elle.

 

B. S.

 

Mars 2010

 

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Le partenaire

Syfia international est partenaire du CRP dans la mise en œuvre du projet. Son bureau français, l'association Journalistes Médiateurs (J'M), assiste le CRP dans la gestion financière de l'action et le suivi rédactionnel des journalistes, en particulier dans la production des articles. Syfia regroupe 15 agences de presse dont 12 en Afrique (parmi lesquelles le CRP) et 3 en Europe. Les 100 journalistes de l'équipe travaillent en réseau pour produire et diffuser des informations prioritairement destinées aux médias et aux lecteurs et auditeurs du Sud.

Les medias associés

La vingtaine de journalistes participants sont tous membres de radios ou de journaux de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Sibiti, Djambala et Ewo. Leurs responsables diffusent les émissions et les articles réalisés dans le cadre du projet et participent activement aux formations. La présente action mise en particulier sur les radios rurales pour élargir la diffusion vers l'intérieur du pays.

 

Autorités et OSC associées

24 associations de soutien aux femmes et 24 autorités locales (4 sur chacun des 6 sites de l'action) prennent l'habitude de se réunir régulièrement. Les OSC rurales sont davantage connues des médias et reconnues par les autorités.

Contact

Centre de Ressources pour la Presse – Gaston Elbi Enkari
g.elbienkari(a)gmail.com

 

Syfia international – Bureau français : association Journalistes Médiateurs - 125, rue Raimu - 34 070 Montpellier - Emmanuel de Solère Stintzy
edesolere(a)gmail.com