(Syfia/CRP) Grâce à la mobilisation d’associations spécialisées, de plus en plus de Congolais comprennent l’importance de donner leur sang et en profitent pour faire gratuitement leur bilan de santé. Insuffisant, à l’heure actuelle, pour satisfaire la forte demande des hôpitaux.
"Ma femme est morte à l’hôpital de Talangaï", confie Jean, en larmes. Comme son épouse, bon nombre de Congolais meurent ainsi par manque de sang pendant des accouchements, des interventions chirurgicales, ou à la suite d’accidents et d’anémie. Les statistiques du Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Brazzaville ont enregistré, en 2008, 96 décès par manque de sang et 179 en 2009. "Jusque-là, nous arrivons à couvrir un tant soit peu le besoin des patients. Mais, nous sommes préoccupés par la situation des négatifs (rhésus, Ndlr) qui manquent dans les hôpitaux", reconnaît Maurice Yoka, chef de service technique au Centre national de transfusion sanguine (CNTS).
Docteur Bounzeki, pédiatre à l’hôpital de base de Makélékélé, insiste sur le fait que le sang est utilisé dans tous les services de la médecine. Beaucoup de gens en ont donc besoin. Dans les hôpitaux, les banques de sang sont insuffisamment approvisionnées. Pour tenter de mieux satisfaire la demande, l’Association congolaise des donneurs de sang bénévoles (ACDSB) parle dans des églises, des casernes, etc. de l’importance de donner son sang. Quand les structures l’acceptent, l’équipe du CNTS passe pour la collecte.
Volontariat, anonymat, bénévolat
"Je donne mon sang depuis 1998. J’ai pris cet engagement pour sauver des vies", confie l’abbé Fred Mbemba, vicaire de la paroisse des Martyrs de l’Ouganda. Certains croyants ont des convictions radicalement opposées. "Nous avons eu une patiente Témoin de Jéhovah. Elle et son conjoint ont refusé que des médecins la transfusent. Elle a succombé le même jour…", témoigne une stagiaire au CHU. La plupart des Congolais sont cependant plus ouverts sur la question. Léa, une malade rencontrée à l’hôpital de Makélékélé, explique : "On m’a opérée et on m’a transfusée avec deux poches de sang de 400 millilitres pour que je survive." De son côté, Didier, explique : "J’ai déjà donné mon sang plus de cinq fois. Auparavant, j’ai subi des opérations au cours desquelles on m’avait transfusé. Depuis, je trouve utile de faire ce don."
Le don du sang repose sur trois grands principes : le volontariat, l’anonymat et le bénévolat, selon Richard Mpeka, chargé de la sensibilisation à la Croix-Rouge congolaise (CRC), qui précise que le donneur doit avoir entre 18 et 60 ans. Le médecin s’assure que ce dernier n'est pas porteur d'une maladie et contrôle notamment sa tension. "Nous prélevons entre 350 à 400 millilitres", précise Guy Elenga, agent au CNTS. Selon les estimations de ce Centre, on compte 5 000 donneurs à Brazzaville. Ils seraient plus nombreux ces dernières années, car de plus en plus de gens prennent conscience de l’importance de ce geste et en profitent pour faire gratuitement leur bilan de santé.
Une évolution encourageante, mais aux résultats encore insuffisants. "Nous avons fait des efforts pour passer de 28 % (des besoins, entre 2000 et 2008) à 36 % (en 2009) d’unités de sang fournit par des donneurs. Notre mission est d’atteindre l’objectif (fixé à l'ensemble des pays, Ndlr) par l’OMS (au moins 80 %) d’ici 2012", fait savoir Michel Mizère, président de ACDSB. "Dans notre plan d’action 2010, nous avons prévu de mettre en place au moins deux clubs de donneurs bénévoles pour qu’il y ait en permanence du sang dans des hôpitaux", révèle Rosalie Likibi, directrice nationale de la santé et de l’action sociale à la CRC. Le manque de moyens matériels et financiers reste le problème majeur des associations. "Notre appui à leur égard consiste à les former à mieux gérer leurs structures, afin qu’elles aient beaucoup d’adhérents et les fidélisent pour atteindre l’objectif de l’OMS", précise une responsable du ministère de la Santé.
Jean Thibaut Ngoyi
Avril 2010