(Syfia/CRP) Il est actuellement très difficile de louer à un prix abordable au centre de Brazzaville. Les tarifs ont augmenté et bon nombre de locataires qui ne peuvent plus faire face déménagent dans des quartiers périphériques. Ils y trouvent d'autres difficultés…
"Un jour, mon logeur m'a annoncé qu’à compter du mois prochain, le loyer passait de 10 000 à 15 000 Fcfa (de 15 à 23 €). Je suis donc parti à 7 kilomètres du centre de Brazzaville", explique Abdou. Depuis deux ans, cet étudiant rencontre des difficultés de transports et souhaite habiter le Plateau, en centre-ville, l’année prochaine.
Comme Abdou, bon nombre de locataires vivent aujourd’hui loin du cœur de Brazza, à cause du coût élevé des loyers. Pachel Ndinga, un militaire, a ainsi quitté l’arrondissement 5 Ouénzé pour un quartier situé à 17 km du centre. Il y loue une maison de trois pièces à 10 000 Fcfa, le prix d’un studio dans les quartiers du centre. "A 10 km de Brazzaville, nous louons une maison de huit pièces à 4 000 Fcfa, surenchérit Ornela, avant de préciser "que cette maison n'est qu’à moitié tôlée".
Habiter ces quartiers excentrés comporte en effet des désagréments. Ferdinand, qui vit à Makazou, à environ 5 km de la ville, déplore les problèmes d’eau, d’électricité et de transport auxquels il est confronté. Ce quartier qui, en 2000, n'avait que 4 000 habitants en comptait près du double quatre ans plus tard. Il semble aujourd'hui être victime de son succès. Comme d'autres, il accueille de plus en plus de personnes à faible pouvoir d’achat, mais aussi d'ex-locataires devenus propriétaires qui y construisent de belles maisons. En 2000, y louer une maison trois pièces coûtait 15 000 Fcfa. Cinq ans après, il fallait débourser 35 000 Fcfa (53 €). Actuellement, il faut compter 50 000 Fcfa (76 €).
Le chantier de l'immobilier
Louer à un prix abordable étant devenu difficile, certains Congolais ont recours à des agences de courtage qui prélèvent 10 % du montant versé au logeur par le locataire. Jean-Claude, qui tient une agence, dénonce ces "logeurs pas sérieux qui obligent les locataires à leur verser de grosses cautions allant jusqu'à six mois de loyer". "Du coup, les clients nous traitent de menteurs et d’escrocs", conclut-il. Les responsables du ministère de la Construction, de l’urbanisme et de l'habitat travaillent actuellement sur un projet de loi règlementant l’exercice des professions d’agent et de courtier immobilier, ainsi que le contrat de bail entre logeur et locataire. "L’État est démissionnaire. Il manque de suivi et laisse les logeurs fixer librement les prix", déplore un responsable de la mairie de Moutabala, dans le 7è arrondissement, à 7 km du centre de Brazzaville. Joseph Moukala, propriétaire d’une maison, justifie ainsi certaines augmentations de loyer : "Les terrains sont chers et le sac de ciment coûte 11 000 Fcfa." Depuis 2002, Joseph, lui, loue toujours 30 000 Fcfa ses deux chambres-salon.
De son côté, Dieudonné Moussala, président local de l’Association internationale des consommateurs, plaide auprès des autorités "afin de les inciter à améliorer les conditions de vie des populations dans ces quartiers reculés. Notamment en leur fournissant l’eau et l’électricité." Des autorités conscientes de cette situation, qui rappellent notamment les logeurs à la raison. Jean-Jacques Youlou, directeur général au ministère de la Construction, estime ainsi que "l’expropriation de 200 voire 300 habitants n’est pas une raison valable pour augmenter le prix des logements."
Depuis deux ans, les autorités détruisent en effet des maisons de fortune construites ou occupées à la hâte au centre-ville à la fin de la guerre dans des édifices endommagés. Elles exproprient et dédommagent leurs habitants. Les nouvelles constructions, chères, ne permettent généralement pas aux anciens occupants de rester. Du coup, bon nombre d'entre eux repartent dans les villages où ils trouvent plus facilement un terrain et y construisent une maison. D'autres restent à Brazzaville et se rabattent vers des quartiers périphériques. Au centre-ville, il ne semble plus y avoir de place pour eux.
Flaure Tchicaya
Mars 2010