(Syfia/CRP) Les Congolais qui souffrent de la drépanocytose vivent de mieux en mieux avec la maladie, en parlent plus ouvertement et sont mieux acceptés par la société. Cette évolution est le résultat du travail d'information mené par des associations et d'une meilleure prise en charge des pouvoirs publics.
"A 20 ans, lors d'une opération chirurgicale, on a découvert que j'étais drépanocytaire". Dix ans plus tard, Éliane parle assez ouvertement de sa maladie, un sujet longtemps tabou au Congo. "Un matin, je suis tombée et on m'a amenée à l'hôpital. Je n'avais pas assez de sang selon les médecins", raconte de son côté Patricia, 43 ans, qui envisage de créer une ONG pour aider d'autres malades à suivre correctement leur traitement. Aujourd'hui, les drépanocytaires vivent mieux, parlent plus librement et sont de plus en plus acceptés par leur entourage.
Avant, ils étaient plutôt considérés comme des victimes de sorciers. Les présumés auteurs de ces mauvais sorts, généralement de proches parents, étaient mis à l'écart ; les familles se déchiraient. Grâce à des campagnes d'information menées par la société civile, les mentalités commencent à évoluer au sujet de cette maladie héréditaire non contagieuse. "Ce sont les parents qui transmettent la drépanocytose à leurs enfants, pas la sorcellerie", insiste Innocent Kocko, un médecin.
La maladie modifie la forme des globules rouges du sang, gêne le transport de l'oxygène dans l'organisme et provoque l'anémie. Lors des crises aigües, les malades souffrent le martyre. Épuisés, ils se font souvent traiter de paresseux. Des complications peuvent entraîner la mort, surtout chez les moins de cinq ans. L'enfant qui hérite de son père et de sa mère du gène de la drépanocytose a une chance sur quatre de développer la maladie et une chance sur deux de la porter sans en souffrir, mais il peut la transmettre à sa propre descendance. En juin dernier, au cours d'un point de presse, le ministre de la Santé et de la population, Georges Moyen, expliquait qu'un Brazzavillois sur quatre portait le gène de la drépanocytose et 2,5 % d'entre eux en étaient effectivement malades.
Dépistage précoce fondamental
Auparavant, les couples porteurs de la drépanocytose n'étaient informés que tardivement des risques de transmission de la maladie à leurs enfants. "J'ai découvert que ma fille était malade quand elle avait 3 ans, après sa première crise", lance Odile. Aujourd'hui, associations et autorités publiques se mobilisent. L'association Action santé et développement informe les populations sur la maladie, son mode de transmission, la prévention, les tests de dépistage… En 2008, 62 dépistages y ont été effectués.
Dernièrement, les autorités ont encouragé les gens à se faire dépister avant le mariage, pour connaître d'avance les risques pour leurs enfants. Plus tôt l'enfant est soigné et plus il a en effet de chances d'avoir une vie normale. Selon le docteur Lounzogo, le diagnostic n'est cependant pas facile à la naissance : "c'est à partir de 6 mois qu'un enfant présente des douleurs au niveau des pieds et des mains qui enflent". Au CHU de Brazzaville, en moyenne, 1 000 enfants drépanocytaires sont suivis après la seule campagne gratuite contre les infections, organisée en 2006. La drépanocytose ne se guérit pas, on la porte toute sa vie, mais le patient peut vivre mieux grâce à la prise en charge médicale. Grâce à une décision prise par l'État en 1994, "les malades ne paient plus les consultations, et les frais d'hospitalisation sont réduits de moitié", témoigne le docteur Solo Patricia de Congo Assistance. Cette fondation, que dirige Antoinette Sassou Nguesso, épouse du chef de l'État, a donné en juin dernier des médicaments aux enfants drépanocytaires et offert en août au CHU un appareil dernier cri de dépistage.
Conseils et traitements
Pour sa part, l'association congolaise pour l'information et la prise en charge de la drépanocytose multiplie les rencontres pour informer les malades et leur entourage sur les règles à suivre pour éviter des crises. "J'ai suivi à la lettre tous les conseils", lance Patricia qui n'a pas rechuté depuis plus d'un an. Les spécialistes recommandent en particulier d'avoir une hygiène de vie rigoureuse (alimentaire, bucco-dentaire, corporelle), d'éviter les efforts physiques intenses, de s'hydrater s'il fait chaud, de manger des fruits et légumes frais et des produits laitiers, de se protéger contre le paludisme et de surveiller la température en cas de fièvre.
Selon le docteur Kocko, le médicament de base, qui combat l'anémie, est l'acide folique. Pour mener une vie normale, conseille-t-il, "il faut traiter toutes les crises et infections drépanocytaires". La prise en charge de l'État n'étant encore que partielle, ces traitements ne sont pas à la portée de tous. "Quand vous n'avez pas d'argent, vous mourez !", s'indigne Eliane. Pour Patricia, un combat reste donc à gagner : "La prise en charge totalement gratuite des drépanocytaires".
Flaure Tchicaya
Octobre 2010