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Présentation

  • : Le blog de Syfia Congo Brazza
  • : Sur ce blog, vous trouverez des articles et des émissions sur la société civile congolaise. Un projet soutenu par l'Union européenne et mené par Syfia international et le Centre de Ressources pour la Presse (CRP).
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Le projet

Soutenu par l'Union européenne, le projet encourage le dialogue entre les autorités locales et les organisations de femmes qui luttent contre la pauvreté et pour un meilleur respect de leurs droits en milieu rural. Les journalistes vont jouer le rôle de médiateurs en favorisant notamment les rencontres débats entre ces trois groupes.

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Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de Syfia international et du CRP ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

Qui sommes-nous ?

Crée en 1994, le Centre de ressources pour la presse (CRP), association à but non lucratif de la presse congolaise, coordonne cette action. Il est le garant de la ligne rédactionnelle en étroite collaboration avec son partenaire, Syfia International. Il sélectionne, forme et suit individuellement les journalistes, organise les ateliers, les débats communautaires et les conférences de rédaction, assure les relations avec les médias locaux et suit la diffusion des émissions et des articles.

7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 10:08

(Syfia/CRP) Les Congolais qui souffrent de la drépanocytose vivent de mieux en mieux avec la maladie, en parlent plus ouvertement et sont mieux acceptés par la société. Cette évolution est le résultat du travail d'information mené par des associations et d'une meilleure prise en charge des pouvoirs publics.

 

"A 20 ans, lors d'une opération chirurgicale, on a découvert que j'étais drépanocytaire". Dix ans plus tard, Éliane parle assez ouvertement de sa maladie, un sujet longtemps tabou au Congo. "Un matin, je suis tombée et on m'a amenée à l'hôpital. Je n'avais pas assez de sang selon les médecins", raconte de son côté Patricia, 43 ans, qui envisage de créer une ONG pour aider d'autres malades à suivre correctement leur traitement. Aujourd'hui, les drépanocytaires vivent mieux, parlent plus librement et sont de plus en plus acceptés par leur entourage.

Avant, ils étaient plutôt considérés comme des victimes de sorciers. Les présumés auteurs de ces mauvais sorts, généralement de proches parents, étaient mis à l'écart ; les familles se déchiraient. Grâce à des campagnes d'information menées par la société civile, les mentalités commencent à évoluer au sujet de cette maladie héréditaire non contagieuse. "Ce sont les parents qui transmettent la drépanocytose à leurs enfants, pas la sorcellerie", insiste Innocent Kocko, un médecin.

La maladie modifie la forme des globules rouges du sang, gêne le transport de l'oxygène dans l'organisme et provoque l'anémie. Lors des crises aigües, les malades souffrent le martyre. Épuisés, ils se font souvent traiter de paresseux. Des complications peuvent entraîner la mort, surtout chez les moins de cinq ans. L'enfant qui hérite de son père et de sa mère du gène de la drépanocytose a une chance sur quatre de développer la maladie et une chance sur deux de la porter sans en souffrir, mais il peut la transmettre à sa propre descendance. En juin dernier, au cours d'un point de presse, le ministre de la Santé et de la population, Georges Moyen, expliquait qu'un Brazzavillois sur quatre portait le gène de la drépanocytose et 2,5 % d'entre eux en étaient effectivement malades.

 

Dépistage précoce fondamental

Auparavant, les couples porteurs de la drépanocytose n'étaient informés que tardivement des risques de transmission de la maladie à leurs enfants. "J'ai découvert que ma fille était malade quand elle avait 3 ans, après sa première crise", lance Odile. Aujourd'hui, associations et autorités publiques se mobilisent. L'association Action santé et développement informe les populations sur la maladie, son mode de transmission, la prévention, les tests de dépistage… En 2008, 62 dépistages y ont été effectués.

Dernièrement, les autorités ont encouragé les gens à se faire dépister avant le mariage, pour connaître d'avance les risques pour leurs enfants. Plus tôt l'enfant est soigné et plus il a en effet de chances d'avoir une vie normale. Selon le docteur Lounzogo, le diagnostic n'est cependant pas facile à la naissance : "c'est à partir de 6 mois qu'un enfant présente des douleurs au niveau des pieds et des mains qui enflent". Au CHU de Brazzaville, en moyenne, 1 000 enfants drépanocytaires sont suivis après la seule campagne gratuite contre les infections, organisée en 2006. La drépanocytose ne se guérit pas, on la porte toute sa vie, mais le patient peut vivre mieux grâce à la prise en charge médicale. Grâce à une décision prise par l'État en 1994, "les malades ne paient plus les consultations, et les frais d'hospitalisation sont réduits de moitié", témoigne le docteur Solo Patricia de Congo Assistance. Cette fondation, que dirige Antoinette Sassou Nguesso, épouse du chef de l'État, a donné en juin dernier des médicaments aux enfants drépanocytaires et offert en août au CHU un appareil dernier cri de dépistage.

 

Conseils et traitements

Pour sa part, l'association congolaise pour l'information et la prise en charge de la drépanocytose multiplie les rencontres pour informer les malades et leur entourage sur les règles à suivre pour éviter des crises. "J'ai suivi à la lettre tous les conseils", lance Patricia qui n'a pas rechuté depuis plus d'un an. Les spécialistes recommandent en particulier d'avoir une hygiène de vie rigoureuse (alimentaire, bucco-dentaire, corporelle), d'éviter les efforts physiques intenses, de s'hydrater s'il fait chaud, de manger des fruits et légumes frais et des produits laitiers, de se protéger contre le paludisme et de surveiller la température en cas de fièvre.

Selon le docteur Kocko, le médicament de base, qui combat l'anémie, est l'acide folique. Pour mener une vie normale, conseille-t-il, "il faut traiter toutes les crises et infections drépanocytaires". La prise en charge de l'État n'étant encore que partielle, ces traitements ne sont pas à la portée de tous. "Quand vous n'avez pas d'argent, vous mourez !", s'indigne Eliane. Pour Patricia, un combat reste donc à gagner : "La prise en charge totalement gratuite des drépanocytaires".

 

Flaure Tchicaya

Octobre 2010

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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 10:07

(Syfia/CRP) Formées et soutenues par des associations et des autorités, des prostituées quittent les rues de Brazzaville, apprennent un autre métier ou reprennent le chemin de l'école. Elles découvrent ainsi une autonomie et une dignité nouvelles.

 

À Brazzaville, assises devant leurs machines, dans l'atelier de l'association Attaque contre la prostitution infantile, la drogue et le sida (ATTAC3), cinq couturières confectionnent des habits. "C'est ma deuxième année. L'apprentissage n'a pas été facile, mais je me suis adaptée avec le temps", témoigne Sandrine*. "Au début, je voulais laisser tomber, mais grâce aux conseils de mon encadreur je suis toujours là", ajoute Félie*.

Depuis que ces ex-prostituées apprennent la couture, elles ont retrouvé leur fierté. "Les encadreurs m'ont expliqué les dangers auxquels je m'exposais en me prostituant. Dans la rue, je me cachais pour que mes proches ne me reconnaissent pas. Aujourd'hui, je peux dire devant tout le monde ce que je fais, sans gêne", se félicite Sandrine. "Mes parents me donnent de quoi me déplacer. Ils sont contents du métier que je fais", se réjouit Félie. "Je l'ai connue prostituée, mais actuellement, elle gagne honnêtement sa vie", témoigne la voisine d'une de ces filles qui, il y a trois ans, vivaient encore de la prostitution.

 

Formation et suivi

Depuis 2008, ATTAC3 a mis en place un programme de formation et d'encadrement de dix-sept prostituées. Cinq d'entre elles sont devenues d'habiles couturières, trois ont repris leurs études. Selon Sosthène Nganga, le président de cette ONG, par manque de suivi et de moyens, les neuf autres n'ont pas supporté les contraintes de leur nouveau métier et ont recommencé à se prostituer.

De son côté, le ministère chargé de la Promotion de la femme organise depuis janvier 2010 des séminaires et des ateliers de formations à différents métiers au profit d'une centaine de filles-mères et de prostituées. "Beaucoup d'entre elles sont aujourd'hui autonomes", affirme Christ Ndoba, secrétaire audit ministère. "Nous leur apprenons plusieurs métiers pour diversifier leurs sources de revenus et leur éviter de retomber dans la prostitution", déclare Alphonse Samba, directeur de l'encadrement, de l'animation et de la vulgarisation au ministère. Il poursuit : "Les filles ont un soutien financier (3 à 5 000 Fcfa, 4,5 à 7,5 €) pour se déplacer, et à la fin de leur formation, elles reçoivent des kits de couture." Christ ajoute : "Nous avons mis en place une équipe de suivi qui passe dans nos sites pour évaluer le travail".

 

"Que mes sœurs viennent apprendre la couture !"

Méfiantes, les ex-prostituées rencontrent en général plusieurs difficultés au cours de leur initiation. "Au départ, elles ont des lacunes. La couture nécessite un certain niveau (scolaire, Ndlr)", souligne Béatrice qui les encadre à ATTAC3. Celles qui insistent et s'investissent n'ont en tout cas plus le temps de se prostituer. "Je ne fais que coudre. Regardez les habits que je dois finir d'ici une semaine !", dit Dora*, en montrant un panier rempli de pagnes.

Devant sa machine, Fabienne* reçoit plusieurs clients. "Je couds quatre à cinq chemises par jour, mais je pourrais en faire plus", déclare-t-elle, ambitieuse. Soutenue par ses parents, elle se dit heureuse et compte un jour ouvrir sa propre maison de couture. Félie partage le même rêve, mais regrette de "ne pas gagner beaucoup" (2 500 à 4 000 Fcfa chaque jour) grâce à sa nouvelle activité. Orpheline, Dora parvient- lle à louer un studio où elle vit seule avec son enfant. "Cela fait 3 ans que j'apprends. Nous ne recevons rien de l'association en dehors de quelques fournitures", ajoute-t-elle. Un manque de moyens que les associations déplorent également. "Nos actions sont limitées, il faut que les autorités nous viennent davantage en aide", renchérie Sosthène.

En attendant, Félie lance un appel à toutes celles qui se prostituent encore : "Je ne peux plus y retourner, car j'ai maintenant un métier. Que mes sœurs fassent comme moi et viennent apprendre la couture ou la pâtisserie!"

 

* À la demande des intéressés, les prénoms ont été changés.

El-Staël Enkari

Octobre 2010

 

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16 septembre 2010 4 16 /09 /septembre /2010 15:03

(Syfia/CRP) Sous l'impulsion d'ONG et des pouvoirs publics, certaines entreprises de Pointe-Noire prennent en charge leurs employés séropositifs et veillent au respect de leurs droits. Mais, le combat contre la discrimination est difficile dans un environnement gangrené par le manque d'informations et les préjugés.

 

"Au travail, je suis un collègue, pas un malade." À Pointe-Noire, les quelque trois cents agents de Zain Congo, un opérateur de téléphonie mobile, ne semblent jurer que par ce slogan. "Je n'ai pas envie de savoir que mon collègue est séropositif, car je sais que je peux cohabiter avec lui sans crainte. Le sida ne se transmet pas par simple contact", explique Olga Marthe Loemba, agent du service de management.

Ces cinq dernières années, grâce au partenariat entre des Ong, l'Unité départementale de lutte contre le sida (UDLS) et Unicongo (Union patronale et interprofessionnelle), près de 50 entreprises ont mis en place des points focaux animés par des employés. Ces relais informent et veillent à l'application stricte du Code du travail. Le Port autonome de Pointe-Noire évacue parfois à ses frais en Occident certains de ses employés séropositifs. Les compagnies pétrolières Total et ENI assistent financièrement et psychologiquement leurs agents sidéens. Patrice Batz Huyer, responsable du programme VIH/sida à Zain Congo, résume : "Un séropositif, pourvu qu'il jouisse de toutes ses facultés, a les mêmes droits et devoirs qu'une personne dite normale."

Une manière de voir que ne partagent pas bon nombre d'employeurs. À leurs yeux, sida équivaut forcément à incapacité ou faible rendement physique et intellectuel. "Employer un séropositif, c'est causer la chute de l'entreprise. Mieux vaut ne pas le faire et, au cas où ce dernier est déjà dans la société, s'en débarrasser par tous les moyens", lance le responsable d'un restaurant, qui craint que ses clients, informés de la présence d'un de ces malades dans son personnel, partent déjeuner ailleurs. "Ils auraient peur d'être contaminés, poursuit-il. On n'aurait alors plus d'argent pour faire fonctionner notre établissement."

 

L'employé sidéen a les mêmes droits

Même si la Confédération syndicale des travailleurs du Congo et la Confédération syndicale congolaise disent ne pas avoir reçu de plaintes de séropositifs victimes de licenciements abusifs, certains préjugés chez les patrons causent renvois, mutations et autres traitements injustes. Une enquête menée cette année auprès de cinq sociétés par les ONG Azur développement et le Club des jeunes pour l'éducation sexuelle et à la santé (Cjess) révèle ainsi que cinq personnes ont été licenciées en raison de leur séropositivité. "Nous avons lu une note de service faisant état de la radiation d'un employé à cause d'une infection rétrovirale qui entraînait une diminution de rendement. Pourtant, cette personne jouissait de toutes ses facultés physiques et intellectuelles", explique David Hermann Malanda, président du Cjess. Le docteur Jean-Pierre Nkouendolo, coordonnateur de l'Udls affirme cependant que "grâce à l'action concertée de l'Udls et de deux ONG qui ont négocié avec la société, le patron est revenu sur sa décision."

"Le pire des dangers, c'est le manque d'information", résume Sylvie Niombo, présidente d'Azur développement. Pour faire tomber les préjugés et les tabous qui entourent le sida, des ONG circulent notamment dans les hôpitaux. "La séropositivité est encore perçue par beaucoup comme une honte et une injure", déplore Dominique, candidate au dépistage volontaire.

La loi est pourtant claire. Selon Georges Nguila, chef d’antenne de l'Observatoire congolais des droits de l'Homme (OCDH), "en cas de discrimination en milieu professionnel, il y a deux recours : la négociation et la voie juridique". Et comme le souligne Abraham Mbouala, agent de la direction départementale du Travail et de la sécurité sociale, "le Code du travail ne prévoit aucune disposition particulière pour les séropositifs et il est valable pour tout le monde". Ce Code condamne, dans l'entreprise, la discrimination sous toutes ses formes et prévoit des sanctions. "Le sidéen est une personne normale, on n'a donc pas besoin d'une législation particulière", insiste Marthe Tchitoula Makosso, agent du service ressources humaines au Port de Pointe-Noire.

John Ndinga-Ngoma

Septembre 2010

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16 septembre 2010 4 16 /09 /septembre /2010 15:02

(Syfia/CRP) Face à la montée du chômage des jeunes diplômés et aux défaillances des structures d'aide à l'insertion professionnelle, la société civile prend des initiatives originales et relativement efficaces. Salon de l'emploi et formations pratiques contribuent à rapprocher les jeunes des besoins du monde professionnel.

 

Diplômée dans le secteur des assurances, Andocheline Otsoa est désemparée : "Je cherche du travail depuis dix ans…" Elle n'est pas la seule à vivre cette situation. Les jeunes Congolais ont en effet de plus en plus de mal à trouver un emploi à la fin de leurs études. Selon l'Office national de l'emploi et de la main-d'œuvre (ONEMO), le nombre de jeunes diplômés au chômage (15 000) a augmenté de 25 % l'année dernière. Anne Marie Bikindou, directrice de la prospection et du placement à l'ONEMO explique cela par l'absence, depuis de nombreuses années, "d'une politique d'emploi des jeunes diplômés".

Accompagnés par des structures officielles d'aide à l'insertion professionnelle pas assez performantes, les chercheurs d'emploi ont peu d'opportunités de rencontrer des recruteurs et de se faire repérer. Ces derniers temps, la société civile mène des actions concrètes pour y remédier. L'Association initiative d'aide au développement (AIDD) organise ainsi chaque année, depuis deux ans, un salon de l'emploi. Le but, explique Léocadie Ondzé, membre de cette association, est de "donner la chance aux jeunes diplômés qui cherchent un emploi d'aller vers les sociétés qui les intéressent et qui ont des offres". Les candidats sont également formés à la présentation de leur CV, la rédaction de lettres de motivation et la préparation aux entretiens d'embauche, etc.

 

Université inadaptée

Florent Madzou, directeur des ressources humaines des Mutuelles congolaises d'épargne et de crédit (Mucodec) était présent aux deux éditions de ce salon. "Nous y avons recruté trois personnes dont les profils correspondaient à nos besoins", explique-t-il. Laure, titulaire d'une Maîtrise en sciences économiques, aujourd'hui caissière dans ces mutuelles, est l'une de ces recrues. Lors du salon 2008, elle avait rencontré Florent Madzou avec qui elle s'était entretenue. "À sa demande, se souvient-elle, j'ai déposé mon dossier, passé un entretien et réussi le test final".

Comme elle, Paco Cleme, après ses études universitaires, a décroché un poste de comptable à Nathalys, une entreprise locale contactée au salon de 2009. À cette occasion, il avait discuté avec le directeur général de l'entreprise, faisant valoir l'expérience acquise lors de ses stages. Plus d'une quinzaine d'entreprises et environ 2 000 jeunes ont pris part au dernier salon qui s'est tenu en mai dernier à Brazzaville. Analysant les résultats de cette initiative depuis les débuts, Guylaine Mbany, présidente de l'AIDD, estime que "grâce au salon, nous avons pu placer 200 jeunes diplômés".

D'autres ONG obtiennent elles aussi des résultats encourageants. Dans un pays où les formations universitaires sont souvent trop théoriques ou inadaptées aux besoins du marché du travail, l'Association ville campagnes emplois (AVICE) a trouvé une parade dans le secteur agricole. Elle propose des formations pratiques aux lauréats de l'Institut du développement rural (IDR) et à d'autres volontaires. En trois ans, selon Victor Dimina, le président de cette association, "21 jeunes ont été formés, qui aujourd'hui se sont mis à leur propre compte". Parmi les bénéficiaires, Laure Batamio élève de la volaille : "Avec une ferme de près de 500 pondeuses, je gagne mieux ma vie que certains fonctionnaires !". Côme Bitsoumanou, président de Cercle d'action développement et d'animation rurale, est convaincu que l'agriculture et l'agro-alimentaire sont des secteurs porteurs à développer pour réduire le chômage des jeunes.

 

Développer les stages en entreprises

Le secteur pétrolier, qui a connu une forte croissance en 2009, manque lui aussi de personnel qualifié. Dans le journal interne de l'entreprise, Serge Bouiti-Viaudo, coordonnateur développement durable à Total E & P Congo, estime que l'Université devrait "revoir le contenu des programmes tout en formant des enseignants, afin d'orienter des étudiants vers des thématiques pétrolières qui correspondent à nos besoins".

Conscient de l’ampleur du problème, le ministère chargé de l'Emploi entend faire avancer les choses, notamment à travers l'ONEMO. Désormais, ce dernier affiche dans ses locaux toutes les informations sur les emplois. L'Office prévoit également de donner aux chômeurs des formations plus pratiques dans différentes filières, puis de leur trouver des stages, sortes de pré-emploi dans les entreprises.

Pour trouver des solutions adaptées, il faudra d'abord sans doute améliorer le diagnostic. Reste en effet à mettre en place l'indicateur de suivi prévu dans le Rapport d'avancement de la mise en oeuvre de la stratégie de réduction de la pauvreté, à savoir : le pourcentage de diplômés de l'enseignement supérieur ayant trouvé un emploi correspondant à leur formation dans les deux années suivant leur sortie.

 

Jean Thibaut Ngoyi

Septembre 2010

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16 septembre 2010 4 16 /09 /septembre /2010 15:01

(Syfia/CRP) Le manque de sérieux de certaines banques amène de plus en plus de Brazzavillois à cotiser à des systèmes d'épargne collective. Simples, ces derniers permettent d'économiser au quotidien et de recevoir ensuite une somme importante pour investir. Gérés de façon artisanale, ils offrent cependant peu de garanties à leurs adhérents.

 

"Tous les jours, je versais 1 000 Fcfa (1,5 €) pour le carnet de pointage. L'initiatrice de ce système m'a aidée à aller au bout du cycle de six mois. J'étais commerçante de foufou, je suis maintenant propriétaire d'un restaurant !", se félicite Viviane Balenda, veuve avec quatre enfants à charge, en essuyant délicatement son comptoir, le sourire aux lèvres. Le principe du carnet de pointage (ou de "la ristourne") est plus ou moins toujours le même : chaque adhérent verse une petite somme tous les jours ou toutes les semaines. Après plusieurs mois d'épargne collective, chacun, à tour de rôle, reçoit une grosse somme d'argent.

En famille ou sur le lieu de travail, dans les marchés ou les grandes administrations de la place, le carnet de pointage est une pratique de plus en plus courante à Brazzaville depuis une dizaine d’années. Elle offre une alternative aux banques et organismes de crédit dans lesquels bon nombre de Congolais n'ont plus confiance depuis la fermeture de plusieurs d'entre eux. Un employé de la DRTV (Digital Radio Télévision) raconte avoir perdu l'argent qu'il avait placé à Humberto Brada, une société qui, au début des années 2000, promettait 30 % d'intérêt après 45 jours de dépôt, là où les banques classiques offrent des taux d'intérêt annuels de 5 à 12 %. Cette société a rapidement fermé ses portes, ruinant plus de 25 000 clients… "Mon père a aussi perdu de l'argent par le passé (dans d'autres banques, Ndlr). Avec les banques congolaises, il faut s'attendre à tout !", conclut cet employé de la DRTV.

 

Double intérêt

Pour ceux qui cotisent aux ristournes, l'intérêt est double : s'imposer au quotidien des économies et disposer ensuite d'une somme importante d'argent à investir dans un projet. "Grâce à ce système, j'ai acheté une parcelle. Avec mon salaire, je n'aurais pas pu le faire", se félicite Jocelyne, une secrétaire. Marcel, un commerçant, est tout aussi enthousiaste : "J'avais parié avec ma femme qu'avant la fin de l’année, j'ouvrirais ma boucherie. C'est désormais chose faite, car le mois passé, j'ai reçu un million de Fcfa (plus de 1 500 €) grâce à une ristourne que j'avais commencée en janvier."

"Le carnet de pointage permet d'acquérir une somme donnée à une date fixe. Il suffit de respecter ses engagements", explique Irène Silakouna, monteuse à la DRTV, qui a découvert ce système dans sa famille, puis l'a expérimenté avec des amis marchands quand elle était vendeuse de beignets, et enfin mis en place à son arrivée à la DRTV. Elle est persuadée de permettre ainsi aux plus pauvres d'épargner "sans payer de frais d'ouverture ou d'entretien de compte, ni être confronté aux longues procédures administratives nécessaires pour obtenir un crédit."

"Ma joie à la fin de chaque cycle, qui dure en général dix mois, est de voir un adhérent s'acheter une machine à coudre, un ordinateur ou un sac de foufou… Bref, quelque chose qui va lui servir dans son domaine d'activité", se réjouit Mélanie Tsamounoukou, fonctionnaire et vendeuse de friperie, qui a mis en place une ristourne de cinquante adhérents, il y a cinq ans environ sur son lieu de travail.

 

Pratiques peu sécurisantes

"Je gagne 1 % sur chaque versement, confie Irène. Mélanie reconnaît cependant que gérer une telle organisation n'est pas toujours facile : "Une fois, j'ai eu un décès et j'ai emprunté de l'argent dans la caisse en me disant que j'allais le remettre le jour de la paye. Mais, il m'est arrivé un autre malheur. Heureusement, j'avais prévenu mes adhérents…" Un exemple révélateur des faibles garanties qu'offre ce système.

Ceux qui cotisent font presque aveuglément confiance à leurs caissiers. "Le contrôle se fait à partir d'une fiche, tous les jours, semaines ou mois et l'argent est conservé au domicile du trésorier…", précise Brice, un ancien adhérent. Un agent des Mutuelles congolaises d'épargne et de crédit (Mucodec) désapprouve lui aussi ces pratiques qu'il juge peu sécurisantes. Même son de cloche du côté du Forum des jeunes entreprises, institution bancaire qui aide des jeunes à entreprendre une activité : "Dernièrement, un incendie s'est déclenché dans une boutique dont le gérant tenait un carnet de pointage. Tout a brûlé. Plusieurs personnes ont perdu leur argent et ne peuvent s'en prendre qu'à elles-mêmes…"

 

Annette Kouamba Matondo

Septembre 2010

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16 septembre 2010 4 16 /09 /septembre /2010 14:59

(Syfia Grands Lacs/RD Congo) Trop d'impôt tue l'impôt. A exiger deux fois plus de taxes et à tracasser les importateurs, les douaniers de RD Congo des ports de Boma et Matadi sont en train de perdre leurs clients qui préfèrent débarquer à Pointe-Noire au Congo Brazzaville voisin, où le dédouanement leur coûte moitié moins cher. 

 

La cité côtière de Muanda, à 240 km de Matadi, en RD Congo, connaît un regain d’activités depuis que des véhicules remorques viennent y décharger leurs grosses cargaisons. Remplis de marchandises importées d’Europe, ils viennent du port de Pointe-Noire à 135 km plus au nord sur la côte au Congo Brazzaville. C’est là que de plus en plus d’importateurs de RDC préfèrent, ces jours-ci, dédouaner leurs marchandises, fuyant presque les ports de Matadi et de Boma, dans leur pays. "Plus jamais je ne dédouanerai mes marchandises dans ces deux ports où les services étatiques sont très tracassiers", jure Jean-Claude Vangu, homme d’affaires de Matadi, qui a choisi Pointe-Noire où, dit-il, "l’administration douanière fonctionne dans les normes avec quatre services : l’immigration, la douane, l’hygiène et l’Office de contrôle et de vérification."

Dans les deux ports de la province du Bas-Congo comme dans d’autres postes frontières de RDC, c’est souvent une flopée d’agents d’une dizaine de services voire plus, qui ont l’œil rivé sur les importateurs. Les frais de dénouement leur coûtent alors les yeux de la tête, en tous cas beaucoup plus chers qu’ailleurs : "A Boma et Matadi, dédouaner une voiture Mitsubishi Lancer revient à 2 400 $ contre 1 200 $ à Pointe-Noire", compare un déclarant en douane, qui brandit une feuille de douane. Opérateur économique de Muanda, Christ Womo s’étonne, lui aussi, de ces énormes écarts des coûts : un conteneur de 20 pieds de marchandises est dédouané 8 000 $ voire plus dans les ports du Bas-Congo, pour 4 500 à 5 000 $ à “Ponton la mer” (Pointe-Noire).

 

"Trop c’est trop"

Une fois arrivés avec les véhicules à Muanda, les importateurs préfèrent décharger leurs marchandises là. Ils évitent d’aller jusqu’à Boma ou Matadi, distants de 240 et 360 km de Pointe-Noire pour, disent-ils, éviter des frais supplémentaires. Sur leur trajet entre le Congo-Brazza et la RD Congo en passant par l’enclave angolaise de Cabinda, ils ne présentent que leurs documents douaniers au passage de la première frontière, et paient des frais de transit de 200 $ pour une voiture japonaise et 800 $ pour un conteneur de 20 pieds à la douane angolaise. Ce qui, malgré les risques de traverser le territoire cabindais infesté de rebelles du Flec (Front de libération de l’enclave de Cabinda), est de loin plus avantageux que s’ils faisaient le dédouanement dans les ports de leur pays. "Trop c’est trop", tempêtent, fous de rage, les importateurs qui continuent encore à faire leurs opérations à Boma et Matadi.

Ces derniers essayent de mettre la pression sur le gouvernement de Kinshasa, pour obtenir la réduction des taxes portuaires. En mars 2010, celui-ci a signé un “Pacte de doublement des recettes” avec les différentes régies financières du pays (douane, impôts…), afin d’améliorer son budget. La douane a ainsi presque doublé ses taxes dans ces ports. Mais les résultats attendus ne seraient pas au rendez-vous, à cause de la fuite de certains importateurs. "Au regard du pacte de doublement nous comptions engranger 118 milliards de Fc par rapport au premier trimestre 2010, mais nous n’avons atteint que 62 milliards", constate Eric Hata, directeur provincial intérimaire des douanes.

 

Activités et recettes en baisse

Les conséquences de ce désintéressement se font également sentir à l’Office national des transports qui gère les ports et à l’Office congolais de contrôle des marchandises à l’import-export. Selon un transporteur, leurs frets auraient périclité de plusieurs centaines de tonnes depuis que Pointe-Noire a récupéré les importateurs de RDC mécontents.

La situation de ces ports congolais est aggravée par le faible tirant d’eau du fleuve Congo, qui a cessé d’être dragué, dont se plaignent les armateurs qui viennent y mouiller. "Pour protéger leurs cargaisons, les navires ne transportent plus de gros tonnages", explique Richard Munoko, directeur des relations publiques à la Régie des voies maritimes à Boma. Agences en douane, dockers et petits commerçants qui vivent autour des activités des ports de la province du Bas-Congo en RDC sont aussi inquiets. "Je pensais faire de bonnes affaires en vendant les bilokos (marchandises importées de seconde main, Ndlr), mon espoir est perdu", regrette Alfred Dinzolele, un habitant de Boma.

 

Dieudonné Mwaka Dimbi

Syfia Grands Lacs – Septembre 2010

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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 08:02

(Syfia/CRP) Le 15 août prochain, le Congo Brazzaville fêtera le cinquantenaire de son indépendance. L'occasion pour les jeunes de mieux connaître certaines figures historiques de leur pays, dont leurs manuels scolaires parlent peu. Autorités, associations et anciens se mobilisent pour que cette prise de conscience s'inscrive dans la durée.

 

Nouveaux monuments, spectacle, défilé… Le 15 août prochain, le Congo Brazzaville fêtera en grande pompe le cinquantenaire de son indépendance. Une occasion pour les jeunes de mieux connaître les grandes figures de leur passé. "À l’école, on ne nous parle pas de Matsoua, Tchicaya ou Opangault (pères de l'indépendance, Ndlr), mais plutôt d'Hitler, de Mussolini ou de Lénine. On nous cite à peine le nom de Fulbert Youlou et d'autres présidents…", se plaint Auriol, 16 ans, élève de seconde. Un autre ajoute : "Mon grand-père nous parlait des 'corbeaux' (fidèles de Matsoua, Ndlr), qu'on déportait à l’intérieur du Congo et à l'étranger pour éviter qu'ils se rebellent contre l'administration coloniale, mais je n'en sais guère plus…"

Chef du département d'Histoire à l'Université Marien Ngouabi, Goma Thethet, confirme : "On parle brièvement des leaders congolais et des mouvements nationalistes de 1920 à 1960 dans les cours sur la décolonisation." Il a contribué avec d'autres historiens à la rédaction du livre L'Histoire générale du Congo, publié à la veille du cinquantenaire et il invite ses confrères à écrire l’histoire du pays, afin que celle-ci soit mieux enseignée dans les écoles. "Il y a quelques bribes, note Zéphirin Sah, historien. Le problème se pose au niveau de la conception des programmes des manuels scolaires". Pendant longtemps, en effet, les dirigeants ont dicté ce qu'il fallait enseigner aux élèves. Avant 1990 et l'ouverture démocratique, on parlait ainsi presque uniquement des dirigeants en place. À cette époque, celui qui se risquait à évoquer d'autres personnalités était taxé d'opposant.

 

Des ONG dans les écoles

Aujourd'hui, les historiens parlent plus librement, en s'appuyant sur les récits des anciens. Par ailleurs, une documentation officielle plus objective a été rendue par la France au Congo le 13 juillet dernier : 48 documents audiovisuels, soit plus de 12 heures d'archives coloniales que gouvernement prévoit d'utiliser lors de la célébration du cinquantenaire, à travers des émissions et des tables rondes. De leur côté, des associations multiplient exposés et rencontres dans les établissements scolaires. "Nous avons parlé aux élèves des personnalités qui ont milité pour l'accession du Congo à l'indépendance. Ces jeunes doivent connaître l'histoire du pays", insiste Lauréate Mbéri-Bigny, petite-fille de Jean Félix Tchicaya et présidente de l'Association pour la mémoire de J. F. Tchicaya. Yann, élève de 5e, apprécie d'en savoir plus sur cet homme : "Désormais, quand je suis devant l'hôpital de Loandjili, à Pointe-Noire (face à son monument, Ndlr), je sais que c'est le premier député congolais."

Au siège de l'association qui porte son nom, une bibliothèque et une salle retracent la vie de Marien Ngouabi, le troisième président du pays. Dans son ancienne demeure, a été créé le Musée de l'histoire événementielle du Congo de la colonisation à nos jours. "Nous organisons des visites depuis 2006, explique François Okobo, coordonnateur chargé de l'Éducation et de la culture de cette association. En avril dernier, nous avons même fait visiter le musée à des élèves d'un lycée français de Lille (lieu de création de l'association, Ndlr)." Selon Fidèle Libondzi, chef de service exposition et guidage dudit musée, "les associations amènent à chaque fois entre 50 et 80 élèves".

Pour plusieurs ONG, la célébration de l'indépendance est un rendez-vous de la mémoire à ne pas manquer. "Tout le mois d'août, nous organisons un 'village du cinquantenaire', précise ainsi Lauréate Mbéri-Bigny. Les communautés qui fêtent en même temps que le Congo leur indépendance sont invitées. La France également. Nous n'allons pas la considérer comme donneuse de leçon ou mauvaise graine. Il s'agit plutôt de voir ensemble ce qui a été bien ou mal fait, puis de panser nos plaies".

 

Le soutien des anciens

A l'occasion du cinquantenaire, le gouvernement a fait ériger des monuments à la mémoire des pères du Congo moderne : en l'honneur de Matsoua à Kinkala, de Tchicaya à Pointe-Noire et de Youlou et Opangault à Brazzaville. Célestin Akoulakoua Ngoula, directeur de cabinet du ministre chargé de la Culture, évoque par ailleurs "un projet de fabrication de bustes de toutes les personnalités qui ont marqué l'histoire du pays dans la politique, la musique, le sport, la littérature… pour que les jeunes générations les connaissent mieux."

Pour faire revivre ces grandes figures, le concours des anciens sera sans doute précieux. Albert Mata, 87 ans, est prêt à apporter sa pierre à l'édifice : "Je n'ai pas encore pensé à écrire, ni à demander à une tierce personne de le faire, mais, si les jeunes viennent nous voir fréquentent, nous leur transmettrons nos connaissances sans hésiter." Pour Félicie, étudiante, cet héritage a une grande valeur : "Chez nous, papa nous parlait d'événements politiques anciens. C'est grâce à lui que j'ai découvert l'histoire de différentes personnalités."

 

Marien Nzikou-Massala

Août 2010

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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 08:00

(Syfia/CRP) En un demi-siècle, le paysage médiatique congolais s'est enrichi. Mais, le grand public, abreuvé d'infos politiques, n'y trouve pas son compte. En cause, le manque de déontologie et de formation des journalistes, par ailleurs mal payés dans leurs médias.

 

Au Congo Brazzaville, la presse a une histoire riche dans laquelle se replongent volontiers plusieurs professionnels des médias et le grand public à la veille du 50e anniversaire de l'indépendance du pays, le 15 août prochain. Au Congo, le premier journal date de 1952. "Cette année-là, La Semaine de l'AEF (Afrique équatoriale française, Ndlr), qui deviendra La Semaine Africaine, est créée à Brazzaville. En 1960, au moment de l'indépendance, c'est la publication dominante (d'obédience catholique, Ndlr), à côté d'une autre plus politique, Le Renouveau", rappelle Mfumu Fylla Saint-Eudes, directeur du journal Vision pour Demain. Les médias de cette époque étaient limités par la censure. "La presse congolaise, à proprement parler, n'existait pas. Il y avait une presse tenue par les Européens, qui ne donnait que des informations sur la métropole", ajoute Bernard Mackiza, président de l’Observatoire congolais des médias (OCM).

Cinquante ans après, le paysage médiatique s'est enrichi. À côté de La Semaine Africaine, existe désormais une multitude de journaux dont certains paraissent irrégulièrement ou disparaissent aussi rapidement qu'ils se sont créés, faute de moyens. D'autres supports médiatiques sont par ailleurs apparus. Bien que le Congo ait connu la première télévision de l'AEF en 1962, la télévision a peu évolué depuis, notamment à cause du coût de l’autorisation d’émettre (1,5 million de Fcfa, près de 2 300 €). Côté radios, la première tentative (Radio Brazzaville) a eu lieu dès 1940, sous l'impulsion du général de Gaulle, mais ce n'est qu'à la suite de la guerre civile de 1997 que naîtront plusieurs stations. Depuis quelques années, les nouvelles technologies offrent aux Congolais d'autres sources d'information.

 

Journalistes mal formés, public mal informé

Lecteurs, auditeurs et téléspectateurs ont certes plus de choix, mais ils ne semblent pas y trouver leur compte. "Je préfère suivre les médias de Kinshasa plutôt que les nôtres qui ne parlent que de politique", affirme Levy, un auditeur. "Certains journalistes propagandistes ne respectent pas la déontologie et subissent des contraintes des politiciens", ajoute Boris. "Les informations cruciales sont d'abord données par les médias étrangers et ensuite seulement les nôtres prennent le relais", déplore un professeur de l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville. Selon lui, la plupart des journalistes congolais ne recherchent pas les informations, notamment de société, et préfèrent couvrir les activités politiques pour arrondir leurs fins de mois. Mal payés, les journalistes courent en effet derrière les publireportages qu'ils diffusent comme s'ils étaient de vrais articles. Une faute déontologique parmi d'autres… "Autrefois, les journalistes vérifiaient leurs informations avant publication", regrette ainsi Hervé, un journaliste.

Ces dérapages ne sont pas toujours conscients. "Les animateurs de nos médias ont beaucoup de lacunes liées à la formation, trop théorique, qu'ils ont reçue à l'université. D'autres entrent dans la profession sans formation", remarque Mfumu Fylla. Bernard Mackiza constate les mêmes manquements : "La presse d'hier était meilleure du point de vue rédactionnel. De nos jours, on fait une presse de comptes rendus contrairement aux journaux de 1960 qui traitaient à fond des sujets de réflexion".

De son côté, l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) insiste sur une autre limite de la presse : "Cinquante ans après l'indépendance, on a l’impression que les droits des journalistes sont respectés, mais ce n'est pas le cas. Par exemple, l'accès aux sources d'information (officielles, Ndlr) est toujours difficile", déclare Roger Bouka Owoko, directeur exécutif de l’OCDH. Selon lui, le Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC) "fait plus de répression que de prévention ou d'éducation en sanctionnant les journalistes, le plus souvent sans arguments valables".

 

Une convention collective peu appliquée

Depuis le début de l’année, des organes de presse privés ont ainsi été sanctionnés pour non-respect de la déontologie, diffamation et injure. Certains journalistes s'étaient mis en infraction par ignorance des règles du métier. En plus de la formation à améliorer, Jacques Banangadzala, président du CSLC, évoque d'autres aides vitales pour les médias. "Pour que la presse fasse bien son travail, elle doit avoir tous les moyens (matériels et financiers, Ndlr) nécessaires", souligne-t-il.

Depuis 1991 et l'ouverture démocratique, la presse congolaise a connu une avancée. "Aujourd'hui, une convention collective (adoptée en 2008, Ndlr) régit les rapports entre employés et employeurs. Cela n'existait pas en 1960", observe Abé Ngandziele, président de l’Association congolaise des journalistes et éditeurs de presse. Mais cette convention n'est appliquée que dans quelques rares médias en ce qui concerne la rémunération des journalistes.

 

El-Staël Enkari

Août 2010

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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 07:59

(Syfia/CRP) Cinquante ans après l’indépendance, les organisations congolaises de la société civile connaissent une évolution en demi-teinte. Syndicats et associations ont obtenu des avancées significatives, mais ont en partie perdu la confiance de ceux qu'ils sont censés défendre.

 

"Le collectif de la santé (groupement d'étudiants, Ndlr) a facilité l’intégration dans la fonction publique de 617 collègues. Je leur ai donc confié mon dossier", confie un étudiant qui a requis l’anonymat. "Nous avons signé la troisième trêve sociale qui a apporté la paix dans les entreprises", se félicite Michel Souza, président de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo (CSTC).

Le mouvement associatif et syndical, par ses plaidoyers et ses actions, obtient aujourd'hui des résultats plutôt encourageants. Il le doit en partie à ses prédécesseurs. Etanislas Ngodi, historien chercheur, distingue trois périodes clés de ce mouvement : "De 1960 à 1963, l’émergence des syndicats a provoqué la chute du président Fulbert Youlou. De 1964 à 1991, le parti unique prenait toutes les décisions. Depuis 1991, les contestations syndicales accompagnent la démocratie et facilitent le foisonnement des partis, des associations et des syndicats."

 

Profusion d'associations

Un responsable du ministère chargé du Travail reconnaît les victoires des syndicalistes du début des années 1960 : "Grâce à leurs plaidoyers, ils ont obtenu l’amélioration des salaires et certains avantages comme des indemnités et des primes pour les travailleurs du secteur privé." Daniel Mongo, secrétaire général de la Confédération syndicale congolaise (CSC), explique que le combat est toujours d'actualité : "Nous avons revendiqué et obtenu le droit de grève. Le salaire minimum inter garanti était dans les années 1970 de 700 Fcfa (1 €), il est passé en 2008 à 50 400 Fcfa (76 €) ! Les syndicats discutent en ce moment même de la nouvelle grille salariale et du classement des actifs (travailleurs fonctionnaires selon leurs diplômes, Ndlr) qui va aussi aboutir".

Les associations se sont engouffrées dans la brèche ouverte par les syndicats. Selon un responsable du ministère chargé du Territoire, en 1965, au moment du parti unique, "il y avait à peine quelques associations religieuses reconnues par l’État ". Il a fallu attendre la Conférence nationale pour que le monde associatif prenne son envol. "Depuis 1991, nos services reconnaissent, uniquement pour Brazzaville, 400 nouvelles ONG en moyenne par année. Notre mission principale est de délivrer les récépissés. Le suivi et le contrôle de leurs actions concernent leurs partenaires", indique la même source au ministère.

Peu accompagnées, beaucoup d'associations disparaissent donc rapidement, même si certaines ont une réelle utilité sur le terrain. "Nous accompagnons des victimes de violations de droits de l’Homme devant les tribunaux", expliquent, par exemple, Nina et Amandine, de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH).

 

Méfiance du grand public

Cinquante ans après leur naissance, syndicats et ONG manquent globalement de moyens et sont encore largement perfectibles. Dans leurs luttes, les syndicats semblent freinés par la lenteur de leur interlocuteur (l’État), le manque d'adhérents et donc de cotisations. Et, selon le diagnostic fait en 2009 par le PCPA Congo (Programme concerté pluri acteurs), les associations ont certes quelques réseaux, mais elles présentent plusieurs faiblesses : pas de relation formelle ni avec l’administration publique ni avec le secteur privé, pas de gestion de leurs membres, pas de plans d’action annuels avec des objectifs quantifiables…

La société civile congolaise doit surtout encore faire ses preuves aux yeux de beaucoup de ceux qu'elle est censée défendre. Un travailleur, en activité depuis 30 ans, martèle : "Les associations et les syndicats sont trop politisés. Ils ne défendent pas nos intérêts." Un autre travailleur va plus loin : "Je préfère ne pas intégrer ces structures, en partie corrompues". Plus mesuré, Philippe explique : "Je fréquente des mutuelles actives. Quand j'ai un problème, les autres membres m’assistent." D’autres, comme Patricia, qui a intégré une association de défense des artisans handicapés, cherchent à changer les ONG de l'intérieur et les rejoignent pour défendre leurs idées.

Flaure Thicaya

Août 2010

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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 07:56

(Syfia/CRP) Brillante au lendemain de l'indépendance du pays, la musique du Congo Brazza est aujourd'hui plombée par la piraterie des œuvres et le manque d'inspiration des artistes. La riposte s'organise, tant bien que mal.

 

"Je ne peux plus produire un musicien. Quand je le fais, c'est quelqu'un d'autre qui s'enrichit en multipliant frauduleusement la cassette." Le moral en berne, André Mabélé, gérant d'une maison d'édition de disques de Brazzaville, explique comment la contrefaçon plombe la musique congolaise, 50 ans après l'indépendance du pays. "On pourrait vendre 100 000 disques, mais, à cause de la piraterie, on en vend quatre fois moins", confirme Maxime Mfoutou, directeur général du Bureau congolais du droit d'auteur (BCDA). Faute de revenus suffisants, ce Bureau n'a pas de quoi payer convenablement les auteurs. L'artiste Sebas Enemen se plaignait dernièrement à l'Agence congolaise d'information : "En 14 ans de vie musicale, je n'ai perçu aucun franc du BCDA en dehors des 50 000 Fcfa (76 €) de droits. En 2010, j'ai par contre dû lui verser 360 000 Fcfa (près de 550 €)".

 

Vitalité artistique

Ce déclin de la musique contraste avec la vitalité artistique à l'époque coloniale, quand les auteurs évoquaient dans leurs chansons les faits de société ou dénonçaient certains mauvais comportements des cadres. Ils ont ensuite accompagné les premiers pas du Congo indépendant, à l'instar de l'orchestre Les Bantous de la capitale. Ce groupe s'est produit en 1960 au palais présidentiel, devant 17 chefs d'État. "Nous avons ensuite été invités par ces présidents à aller jouer dans leurs pays respectifs, portant très haut la musique congolaise !", témoigne Papa Kourand, un des vétérans du groupe. Au cours de cette décennie, ils ont marqué l'esprit du public africain par leur talent, remportant de nombreux prix lors des premiers festivals culturels de l'Afrique indépendante (Dakar, Alger). 

La Société congolaise de disques, première maison d'édition locale, voit le jour en 1961. Elle emploie alors 15 salariés et permet à des musiciens tels que Nino, Essous ou Moundanda de vivre de leur métier. À sa fermeture en 1983, l'Industrie africaine du disque (IAD) prend le relais. La décennie 1980 est marquée par une autre génération d'artistes qui brillent sur le plan continental, appréciés aussi bien pour les mélodies que pour les messages de leurs chansons. C'est le cas de Pamelo Mouka avec "L'argent appelle l'argent", Kosmos Moutouari avec "Makambo ebandi na mossala" (Les problèmes commencent au bureau), etc. Pendant cette période, atteste le musicien Freddy Kebano, l'antenne locale de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), une société française, suivait, collectait et redistribuait régulièrement les droits d'auteurs.

 

"Cet héritage se meurt !"

La fermeture de cette antenne en 1986 met fin à cette source de revenus. Le BCDA qui prend le relais se heurte à une foule de difficultés. D'abord la piraterie : grâce aux matériels électroniques meilleur marché et performants, des faussaires multiplient à tout va cassettes, puis CD et DVD. Vendus trois à cinq fois moins cher que les originaux, ces produits inondent les marchés du pays et de la sous région. Depuis 1986, la Fédération des musiciens congolais (FEMUCO) et le BCDA, appuyés par la police, ripostent en saisissant des articles contrefaits. Ceux-ci sont ensuite brûlés en tas publiquement pour décourager les faussaires. "Près de 600 000 cassettes et CD ont été saisis et détruits entre 2007 et 2010. Certains pirates ont fait la prison ; d'autres ont payé une amende de 500 000 Fcfa (plus de 760 €) pour être relaxés", explique Maxime Mfoutou. Cependant, le succès de cette lutte n'est toujours pas au rendez-vous. Au cours de la décennie 1990, les guerres civiles ont freiné le dynamisme de la musique et permis à certains contrefacteurs de s'armer, ce qui décourage depuis la police et limite les saisies. Cependant, loin de baisser les bras, la FEMUCO recense tous les vendeurs d'œuvres musicales pour agréer officiellement ceux qui acceptent la légalité et élaborer avec eux des mécanismes de contrôle. Les vendeurs non agréés seront, eux, interdits d'activité.

Les amoureux de la musique congolaise ont un autre chantier. D'après les professionnels, depuis le début des années 2000, l'originalité et la créativité qui ont fait les beaux jours des artistes du pays ont en effet laissé la place à des "paroles creuses et obscènes". "La musique se réduit à une imitation du 'coupé-décalé' qui est une mouvance de la musique congolaise réappropriée par des Ivoiriens", selon Saint-Eudes Mfumu Fylla, journaliste. Jetant un regard rétrospectif sur les années glorieuses de la musique nationale, le colonel Moukouami, président de la FEMUCO, ne cache pas son inquiétude : "Cet héritage se meurt !"

 

Jean Thibaut Ngoyi

Août 2010

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Le partenaire

Syfia international est partenaire du CRP dans la mise en œuvre du projet. Son bureau français, l'association Journalistes Médiateurs (J'M), assiste le CRP dans la gestion financière de l'action et le suivi rédactionnel des journalistes, en particulier dans la production des articles. Syfia regroupe 15 agences de presse dont 12 en Afrique (parmi lesquelles le CRP) et 3 en Europe. Les 100 journalistes de l'équipe travaillent en réseau pour produire et diffuser des informations prioritairement destinées aux médias et aux lecteurs et auditeurs du Sud.

Les medias associés

La vingtaine de journalistes participants sont tous membres de radios ou de journaux de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Sibiti, Djambala et Ewo. Leurs responsables diffusent les émissions et les articles réalisés dans le cadre du projet et participent activement aux formations. La présente action mise en particulier sur les radios rurales pour élargir la diffusion vers l'intérieur du pays.

 

Autorités et OSC associées

24 associations de soutien aux femmes et 24 autorités locales (4 sur chacun des 6 sites de l'action) prennent l'habitude de se réunir régulièrement. Les OSC rurales sont davantage connues des médias et reconnues par les autorités.

Contact

Centre de Ressources pour la Presse – Gaston Elbi Enkari
g.elbienkari(a)gmail.com

 

Syfia international – Bureau français : association Journalistes Médiateurs - 125, rue Raimu - 34 070 Montpellier - Emmanuel de Solère Stintzy
edesolere(a)gmail.com