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Présentation

  • : Le blog de Syfia Congo Brazza
  • : Sur ce blog, vous trouverez des articles et des émissions sur la société civile congolaise. Un projet soutenu par l'Union européenne et mené par Syfia international et le Centre de Ressources pour la Presse (CRP).
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Le projet

Soutenu par l'Union européenne, le projet encourage le dialogue entre les autorités locales et les organisations de femmes qui luttent contre la pauvreté et pour un meilleur respect de leurs droits en milieu rural. Les journalistes vont jouer le rôle de médiateurs en favorisant notamment les rencontres débats entre ces trois groupes.

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Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de Syfia international et du CRP ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

Qui sommes-nous ?

Crée en 1994, le Centre de ressources pour la presse (CRP), association à but non lucratif de la presse congolaise, coordonne cette action. Il est le garant de la ligne rédactionnelle en étroite collaboration avec son partenaire, Syfia International. Il sélectionne, forme et suit individuellement les journalistes, organise les ateliers, les débats communautaires et les conférences de rédaction, assure les relations avec les médias locaux et suit la diffusion des émissions et des articles.

2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 10:08

(Syfia/CRP) Depuis un an, une trentaine d’aveugles et de malvoyants, formés en agriculture et réunis autour d’une association, cultivent un champ de manioc de deux hectares. Ils y gagnent des revenus, de l'autonomie et de la considération de la part des voyants.

 

"Cultiver le manioc, ce n’est pas seulement l'affaire des voyants !", lance Emerson Massa, un aveugle, diplômé sans emploi reconverti avec bonheur dans l'agriculture. Regroupés en association, une trentaine d'aveugles et de malvoyants cultivent depuis un an le manioc sur deux hectares à Nkouo, un village situé à près de 90 km au nord de Brazzaville.

N’ayant exercé aucune activité auparavant, ces jeunes se sont assez naturellement tournés vers les métiers de la terre. Leur principale motivation : être autonomes et ne plus avoir à aller tout le temps acheter des légumes au marché. Ils se sont donc inscrits à une formation financée par la Mission évangélique braille de Suisse sur les techniques agricoles et comment devenir agriculteur en étant aveugle. Dieudonné Mbimi, un de ces malvoyants cultivateurs, explique : "Cette expérience, nous a permis d’aller au-delà de la ville pour enfin cultiver le manioc."

Le produit de ces champs, cultivés par les aveugles, est aussi pour eux. Ils vendent une partie de leur récolte à Brazzaville et consomment le reste. "40 % des revenus de la vente reviennent à l’ONG, pour financer d’autres projets (doublement de la surface du champ de manioc, Ndlr). Les 60 % restants assurent des revenus (40 000 Fcfa, 60 € environ, par personne et par mois) aux malvoyants pour subvenir à leurs besoins", précise Emerson Massa, par ailleurs président de l’ONG Viens et Vois.

Au champ, les aveugles ne sont pas seuls. "Nous sommes assistés par des valides qui nous préviennent par exemple s'il y a un serpent. Ces gens donnent bénévolement de leur temps et de leur énergie. Ils sont sensibles à notre cause et facilitent notre travail", apprécie Moukouyou, secrétaire général de Viens et Vois. Ce que confirme Armel Okoueke, voyant, qui accompagne souvent les amis de cette association dans leur plantation : "Nous collaborons facilement, car nous sommes habitués à travailler ensemble. Nous leur servons de guide". Cette aide, Armel dit la prodiguer par amour ; pour lui c’est une manière de contribuer à une initiative louable.

Eve-Evelyne, interrogée en train d'acheter du foufou, après s'être tout d'abord étonnée des personnes qui le lui vendent, partage cet avis. "Cette une démarche à encourager. Je ne discute donc pas trop sur les prix des sacs. C'est pour moi une manière de la soutenir."

 

Redonner le goût de la terre aux jeunes

Pays à vocation agricole selon le ministère chargé de l’Agriculture ("Une graine jetée sur n’importe quelle partie du sol congolais germe toujours"), le Congo, depuis que l’exploitation du pétrole a démarré dans les années 70, ne mise presque plus que sur l'or noir. Le pays n'exploite que 2 % de ses terres arables pour l’agriculture... Selon la FAO, le Congo importe chaque année 130 milliards de Fcfa (198 millions €) de denrées alimentaires. L'équivalent de la masse salariale annuelle du pays...

Pour tenter de remédier à ce dangereux déséquilibre pour la sécurité alimentaire et les finances de l'État, le gouvernement a lancé la construction de villages agricoles où seront recrutés des jeunes qui cultiveront sur place. Un soutien matériel (houe, arrosoir, pelle, engrais) et financier par exemple pour l'achat de boutures de manioc et la location de terres est promis à toute personne ou organisation qui se lancera dans ce domaine. La clôture de dépôt des dossiers aura lieu en septembre.

Selon Brice Aristide Benza, assistant en communication au Fonds de soutien à l’agriculture (FSA), une direction du ministère de l’Agriculture et de l’élevage, l’activité de Viens et Vois s'inscrit dans une des priorités du FSA, le développement des plantes à tubercules pour la consommation nationale. Comme d'autres associations, cette ONG pourrait donc à terme obtenir un financement.

 

Marien Nzikou-Massala

Juin 2010

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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 13:09

(Syfia/CRP) Aidées dans leurs démarches par différentes associations, les veuves congolaises connaissent aujourd'hui mieux leurs droits et se battent pour obtenir justice. Un combat difficile entravé par les pratiques archaïques et illégales de certaines belles-familles.

 

"Mon mari, sentant la fin des ses jours approcher, a contacté un notaire pour rédiger un testament. Aujourd’hui, je bénéficie de sa pension et du droit de prélever l’argent des locataires qui vivent dans notre maison. Je peux ainsi supporter les études des enfants", explique Élisabeth, une veuve. "Je jouis de mes droits et j’ai de bons rapports avec ma belle famille", se félicite la veuve Bouanga, mariée légalement. Quant à Martine, aucun membre de sa belle-famille n’est venu la menacer. Son défunt mari ne cessait de dire aux siens que celui qui se hasarderait à déranger sa femme et ses enfants n’aurait plus de nuits paisibles.

Au Congo, ces premiers résultats sont en grande partie le fruit du travail d’associations. "Nous aidons les veuves à rédiger les requêtes et à les déposer. Nous leur trouvons parfois un avocat", précise Jean-Gabriel Mavanga, responsable du département des actions juridiques et judiciaires à l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH). Odile Mayéyé Biyongo explique que son réseau de cliniques juridiques reçoit des femmes expulsées du foyer conjugal ou victimes de pratiques archaïques (obligation pour certaines veuves de manger à une heure précise ou de marcher pieds nus, etc.). Objectif : écouter et apporter des solutions juridiques quand la tentative de médiation échoue. Ces actions permettent d’expliquer à la victime et à sa belle-famille ce que dit la loi.

 

Vulgariser la loi

Petit à petit, ce travail de fourmi des OSC commence à payer. "Actuellement, la veuve connaît ses droits et sait où aller se plaindre", martèle Anne Ayessa, membre de l’Association évangile et développement, une ONG congolaise. Pour Jean-Gabriel, les Congolais commencent à réaliser que sortir la veuve de la maison et la déshériter n'est pas sans conséquences. "Avant, dès que le mari mourait, la belle-famille la chassait, surtout quand elle refusait d’épouser un des frères du défunt. Aujourd’hui, certaines familles, après avoir tenu conseil, décident de la laisser dans la maison avec les enfants", observe Odile Mayéyé.

Des résistances demeurent, malgré la loi de 1984 qui répartit ainsi les biens du défunt : 50 % aux enfants, 30 % à la veuve et 20 % à la famille. Elle stipule que l’épouse bénéficie de l’usufruit. Mais, de nos jours encore, cette dernière est bien souvent chassée du domicile où elle a pourtant vécu avec son époux. Même quand le défunt a rédigé un testament qui lègue des biens à sa femme, il arrive que ses dernières volontés ne soient pas respectées. "Il y a deux ans de cela, mon mari est mort. Sans m’en informer, un de ses frères a vendu notre parcelle à un acquéreur qui s’est présenté un matin avec des papiers attestant qu’il venait de l’acheter. Il m’a donné trois mois pour quitter les lieux... L’affaire est en justice", explique une veuve, qui était pourtant mariée officiellement. "Nous avons vécu pendant 25 ans ensemble. Mais, quand mon mari est décédé, ma belle-famille a oublié tout ce que j’avais fait pour lui durant sa maladie et jusqu’à sa mort. On m’a sortie brutalement de la maison avec les enfants. Je n’ai rien pu emmener avec moi", confie Albertine. Mariée non officiellement et soucieuse de préserver ses enfants des rancœurs de la belle-famille, elle a gardé le silence.

Jeanne Leckomba, ministre de la Promotion de la femme, déplore que, malgré les efforts des ONG, ce genre de violences soit encore d’être perpétré. Le plus grand défi est de faire connaître la loi à un maximum de personnes gens. "Les pouvoirs publics doivent avoir une politique d’accompagnement, en associant les associations et les confessions religieuses qui doivent parler aux populations des outils juridiques en matière de succession", résume Viguier Nguembi, juriste.

 

Dépoussiérer certains textes

Il semble également important de dépoussiérer certains textes. D’après Simon-William M’viboudoulou, magistrat, directeur des affaires juridiques internationales au ministère de la Justice et des Droits humains, rien ou presque n’a été réformé depuis 1984. Mais, cela pourrait changer. Une commission a en effet été mise en place en août 2009 par le ministre de la Justice pour réviser certaines dispositions de sorte que le conjoint survivant puisse réellement jouir de ses droits. Au total, la commission devrait revoir huit codes, notamment le Code de la famille. Une large consultation populaire sera ensuite organisée.

En attendant, les travaux traînent par manque de moyens financiers et humains. D’après Simon-William M’viboudoulou, il faudra sans doute encore attendre cinq ans pour que la réforme soit terminée.

 

Jean Thibaut Ngoyi

Juin 2010

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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 13:08

(Syfia/CRP) Des cahiers et un peu d’argent suffisent parfois pour éviter que des enfants de familles pauvres se retrouvent à la rue. À Brazzaville, une association et quelques parrains apportent une aide modeste des plus précieuses.

 

"Je suis parti parce que ma mère n’avait plus rien pour me nourrir et que je n’avais pas de quoi m’acheter des cahiers", raconte Roflan. À 22 ans, il a aujourd'hui retrouvé l’harmonie familiale, après avoir passé plus d’un an dans la rue quand il était adolescent. Comme lui, beaucoup d'autres fuguent quand la pauvreté est intenable chez eux. "Le manque d’un bout de pain suffit pour qu’un enfant se retrouve dans la rue", affirme Paloulou Hervé, coordonnateur de l’ONG Éducation en milieu ouvert (EMO).

"Ma fille avait honte de me demander de l’argent. C'est ce qui l’a poussée à partir", explique Rosalie. Les huit enfants à la charge de cette maman écoutent désormais plus attentivement ses conseils. Il y a quatre ans, ils ont pourtant failli se retrouver tous à la rue, faute de moyens et d’encadrement. "Je ne les contrôlais plus. Toute la journée, ils étaient dehors. Cela me faisait honte et mal", confie cette veuve. Parmi ces enfants, trois sont ceux de sa sœur cadette décédée en 2005. "Je m’occupe de mes neveux, car toute la famille a refusé", ajoute Rosalie. Aujourd’hui, elle a toujours du mal a bien tenir son foyer qu’elle gère seule depuis la mort de son mari en 2000. Elle en est à son troisième logement depuis le début de l’année. Une instabilité dont ont souffert aussi les enfants, obligés d’aller mendier. "Aujourd’hui, vous êtes dans un quartier, demain dans un autre… Ils ont du mal à s’adapter", confirme Hervé dont l’OSC fournit notamment du matériel scolaire à ces enfants qui vont désormais à l’école. Globalement, la famille s’en sort mieux qu’avant grâce à l’argent versé par EMO.

 

Le coup de pouce des parrains

Manquant de moyens, cette association a créé en 2009 le projet Coopération bonne initiative, qui fait appel aux personnes de bonne volonté pour aider les familles. Depuis, plus de 25 parrains y participent. "Je soutiens les enfants malades en achetant les médicaments, le kit scolaire et je les invite à venir passer les fêtes chez moi", explique par exemple Joseph Ouatimou, parrain de la famille de Rosalie, qui aide trois autres familles. M. Ouatimou a par ailleurs accueilli chez lui un enfant de la rue âgé de 4 ans, qui aujourd’hui est en classe de 3e. "La cohabitation ne pose aucun problème avec les miens qui le considèrent comme leur frère", ajoute-t-il.

"Le parrainage est une bonne initiative, mais il faut qu’il se fasse en respectant les droits fondamentaux de l’enfant (nourriture, hébergement et éducation, Ndlr)", déclare Joseph Biviyou, directeur la Direction de la protection légale de l’enfance (DPLE), une structure du ministère de la Justice qui a pour mission de prendre en charge les enfants en danger et les délinquants. Elle aide aussi les ONG à mieux travailler en leur facilitant notamment la médiation avec les parents. M. Biviyou insiste : "La place de l’enfant est dans sa famille respective et non dans la rue". Pour les éducateurs d’EMO également, l’enfant a besoin de cette chaleur. "Sans quoi, selon un éducateur, il aura tendance à aller dehors et les filles risquent de se prostituer."

Loin de remplacer les parents, OSC et parrains apportent donc une aide à la fois complémentaire, modeste et précieuse, qui aide certaines familles à dépasser leurs difficultés. "Si on pouvait être plus nombreux à aider les enfants de la rue, ce serait bien", conclut M. Ouatimou.

 

El-Staël Enkari

Juin 2010

 

 

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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 13:06

(Syfia/CRP) Les enfants de la rue peuvent très bien faire à l’école, si on leur donne la chance d’y aller et que l’on croit en leurs capacités. Au grand étonnement de leurs camarades et de leurs enseignants, certains obtiennent de brillants résultats.

 

"Espace Jarrot, centre d’écoute, Foyer pour mineurs". Bovaldi, 15 ans, au niveau deux en classe d’alphabétisation, bute sur les mots quand il lit le prospectus du centre. Il a visiblement encore du mal à s’exprimer en français, mais cela ne l’empêche pas de prendre la parole devant ses amis qui le regardent d’un air  sérieux comme pour l’encourager.

Dans ce centre, les enfants de la rue, orphelins ou issus de familles recomposées, ne se laissent pas abattre par le sort. Aidés par un répétiteur, certains obtiennent même d’excellents résultats à l’école. "Georges, en classe d’alphabétisation depuis trois ans, a entre 15 et 18 sur 20 en histoire-géo et va présenter le CEPE. Son exemple nous pousse à aider ces enfants à aller loin dans leurs études", se félicite Franck Maboundou, éducateur. Ces élèves brillants suscitent aussi l’admiration de leurs camarades dits "normaux". Pour tous, un seul secret : le travail. "Mon ami me demande toujours comment je fais pour être premier. Je lui réponds que je lis beaucoup", déclare Michel, 12 ans, élève de CM2 et 1er de sa classe, incollable ou presque en calcul et en français.

Ce désir de réussite, on le retrouve aussi chez Guy, un autre pensionnaire, élève de 3e et parmi les premiers de sa classe avec 12 sur 20 de moyenne. Guy travaille dur dans toutes les disciplines pour réaliser son rêve de devenir médecin : "Au premier trimestre, je n’ai pas pu obtenir de bons résultats parce que j’étais malade, mais je suis sûr d’être parmi les premiers au second trimestre." À nouveau confiants dans leurs capacités, ces élèves appliqués étudient leurs leçons et parlent de leurs difficultés. Dany Mikouizi, répétiteur, apprécie et encourage ces attitudes positives : "Mon travail avec ceux de 3e consiste à revoir avec eux les leçons qu’ils ont apprises en classe. Avec ceux du primaire, nous révisons aussi les cours. J’associe les devoirs et les travaux pratiques pour détecter les faiblesses des uns et des autres." Le maître avoue cependant que, dans l’ensemble, le travail est difficile. Il faut en effet en permanence remobiliser ces élèves qui ont perdu l’habitude des contraintes : rendre ses devoirs dans les temps, venir régulièrement en classe, etc.

 

Indispensable persévérance

Pour inciter les plus doués à poursuivre leurs efforts et donner des idées à d’autres, le centre offre de temps en temps des cadeaux. Michel a ainsi dernièrement reçu un vélo. Une tactique qui fonctionne a priori plutôt bien. "Elle donne du punch aux uns et aux autres pour améliorer leur travail", se réjouit Dany.

Au niveau du Centre public d’insertion et de réinsertion des enfants vulnérables (CIREV), on retrouve aussi des enfants de la rue. Daudy Mbemba, éducateur, évoque leurs difficultés scolaires : "Nous insistons pour qu’ils comprennent leurs leçons. Parmi les neuf que nous encadrons, deux ont une moyenne très faible..." Certains parviennent cependant à obtenir des résultats encourageants. A l’image de Sarive, troisième de sa classe, fidèle au rendez-vous des séances de travail. Son souhait est de devenir… ministre pour aider les enfants de la rue, les malades, les veuves et les orphelins.

Pour lui comme pour les autres, le plus dur est sans doute à venir. Au CIREV, seuls quatre enfants sur quarante ont été réintégrés dans leurs familles d’origine et poursuivent leurs études au collège... À l’Espace Jarrot, le suivi de ces enfants concerne surtout les parents. Même quand ils font des efforts, ces jeunes ne sont pas au bout de leurs peines, "toujours mal perçus par leur l’entourage", regrette Franck. Manque d’éducation, voleur, sorcier, bon à rien… Les préjugés ont la vie dure. "Ils sont turbulents et indisciplinés", accuse une voisine du centre. "Ils sont têtus et récalcitrants et cela s’accentue lorsque leurs encadreurs s’absentent", renchérit une autre voisine qui ajoute qu’"ils insultent parfois les gens".

 

Avenir intact

Les adultes qui ont vu de quoi étaient capables ces enfants quand ils vont en classe ont changé d'avis. "C’est un enfant qui s’exprime très bien en français et peut mieux faire", rapporte un directeur à propos de l’un d’eux. "Brillant élève en classe qui répond bien aux questions !", note une maîtresse surprise en apprenant qu’elle avait à faire à un enfant de la rue.  

Parmi ceux qui ne poursuivent pas leurs études, certains avancent autrement et travaillent, à leur façon, à devenir de dignes citoyens. C’est le cas de Divin, 17 ans, ancien pensionnaire de l’Espace Jarrot, qui n’a pas obtenu son CEPE, mais est employé dans un restaurant. Désormais chez ses parents, il revient souvent voir ses anciens camarades.

Autant de leçons de vie encourageantes qui font dire à Franck Maboundou, "l’avenir des enfants de la rue n’est pas définitivement hypothéqué. Il suffit qu’on leur donne les mêmes chances qu’aux autres".

 

Annette Kouamba Matondo et Flaure Tchicaya

Juin 2010

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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 13:03

(Syfia/CRP) Bon nombre d'enfants se retrouvent à la rue à cause des difficultés financières de leurs parents. Ils y cherchent, en vain, leur indépendance. Épaulés par des associations, certains quittent la rue, apprennent un métier et trouvent ou retrouvent une vraie liberté.

 

"La rue n’est pas une bonne chose !", soutient aujourd'hui Dieu-merci, 18 ans. Maltraité, il y a passé quelque temps. À Brazzaville, bon nombre d’enfants ont, comme lui, quitté la rue pour apprendre un métier grâce auquel ils sont devenus autonomes. "Avant, je dépendais des gens qui me donnaient 50 ou 100 Fcfa (0,07 ou 0,15 €). Avec l’argent que je gagne, j’achète à présent mes outils et je subviens à mes besoins", se félicite Jess, mécanicien formateur, à son compte depuis trois ans.

Arsi, 23 ans, a lui aussi pris goût à sa nouvelle autonomie. Réintégré en famille depuis deux ans, ce jeune artiste peintre ne veut plus dépendre financièrement des parents et assure pouvoir se débrouiller avec l’argent qu’il gagne sur les marchés : "Je veux vivre seul pour m’organiser et ouvrir un compte en banque." "Même s’il est un peu dur avec les enfants, il leur achète du pain chaque matin", témoigne en souriant Lucelle, sa grande sœur.

L’Espace Jarrot forme chaque année en moyenne entre 15 et 20 enfants à différents métiers. Difficile de faire comprendre à tous qu'ils ont ainsi plus à gagner sur le long terme. "Sur les quinze que nous étions, je suis le seul à avoir terminé ma formation", regrette Jess qui explique ainsi ce désintéressement : "Les autres n’ont pas supporté les difficultés du métier et ont préféré retourner vivre dans la rue". C’est le cas de Basile, qui a fui la maison familiale il y a 7 ans après avoir volé 100 000 Fcfa (152 €). "Je trouve facilement de l’argent quand je suis dans la rue", affirme-t-il.

 

"Je ne peux plus repartir dans la rue"

Pour se forger un nouvel avenir, le jeune doit bien sûr être volontaire, mais aussi être soutenu un minimum par son entourage. "Certains parents refusent de collaborer", déplore M. Likibi, directeur de l’Espace Jarrot. "Je n’ai pas besoin de ce bandit. Prenez-le comme cadeau !", a dit un jour un père à un éducateur. "Je ne veux pas perdre mon mariage à cause de ce voleur", a lancé une mère à un autre éducateur. Pour obtenir de meilleurs résultats, cette ONG collabore avec le ministère des Affaires sociales. Ce dernier, dans le cadre d'un projet, a travaillé sur un échantillon de 100 enfants de Pointe-Noire et de Brazza : "En deux ans, tous ont été intégrés dans leur famille", souligne M. Kibinda, chef de projet réintégration familiale des enfants de la rue, au ministère. Afin d'éviter que ces jeunes ne retournent dans leur ancien milieu, "nous avons accompagné l’insertion d'une somme de 70 000 Fcfa (105 € environ) qui permet aux parents de créer une activité génératrice de revenus. Pendant six mois, l’équipe de suivi passe contrôler ces activités", ajoute-t-il.

Associations privées et étatiques travaillent ensemble pour réintégrer les quelque 2 000 enfants de la rue (1 200 environ à Brazzaville et 800 à Pointe-Noire), selon l'estimation la plus récente d'une ONG américaine, International Rescue Committee (IRC), qui date de 2003. "Nous hébergeons parfois des enfants de l’Espace Jarrot qui n’ont pas de place pour dormir", rapporte Barthélemy Peya, directeur du Centre d’insertion et de réinsertion des enfants vulnérables (CIREV) qui héberge 40 enfants en difficulté. Dans ce centre étatique, trois d'entre eux, formés à la maroquinerie et à la coiffure sont autonomes financièrement de leurs parents depuis 2007. "Le métier garantit l’avenir", se réjouit un apprenant.

Se laver, se soigner, se nourrir… Autant de gestes vitaux que Jess a pu faire au centre d’écoute de l’Espace Jarrot et qui l'ont convaincu de rechercher une autonomie plus constructive et durable que celle de la rue. "Dans la rue, je mangeais avec difficulté. Maintenant, je gagne bien ma vie grâce à mon métier. Je suis devenu responsable. Je ne pourrais plus repartir dans la rue", affirme Jess, satisfait d'avoir travaillé dur pour conquérir cette vraie liberté.

 

 

Flaure Tchicaya

Juin 2010

 

 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 08:53

(Syfia/CRP) Les autorités tentent de mettre de l'ordre sur les campus de l'Université Marien Ngouabi de Brazzaville en délogeant des étudiants qui ne libèrent pas leurs chambres à la fin de leur cursus. Associations spécialisées et nouveaux bacheliers obligés de sous-louer attendent d'autres mesures pour régler durablement le problème.

 

"Je vivais au campus avec mes deux petits frères qui viennent d’avoir leur baccalauréat. Je ne sais plus où aller vivre maintenant", s’exclame un étudiant finaliste, en résidence universitaire depuis dix ans. Comme lui, 116 étudiants en dernière année habitant encore dans les six campus de l'Université Marien Ngouabi à Brazzaville ont été chassés, en avril dernier. Un doctorant regrette : "Je suis en pleine rédaction de ma thèse, c’est dommage que les autorités agissent ainsi."

"C’est sous l’impulsion d’Antoine Abena, ministre de l’Enseignement supérieur, qu’on a décidé de mettre de l’ordre dans les campus qui, depuis dix ans, fonctionnent de façon anarchique", explique Jean-Baptiste Moussa, directeur général à la Direction générale des Affaires sociales et des oeuvres universitaires (DGASOU). "Même quand les étudiants libèrent des chambres, ils ne le signalent pas à l’administration et préfèrent donner la clé à un ami", déplore-t-il. Selon le règlement intérieur de ces résidences, celui qui a fini ses études doit quitter la chambre qu’il occupait. Chaque année, celui qui désire une chambre dépose son dossier au niveau de la DGASOU qui convoque une commission d’attribution. Depuis la guerre de 1997, certains étudiants ne font plus de dossiers, convaincus que l’administration ne gère pas convenablement le renouvellement. "En 2005, on n’avait pas pu les déloger à cause des pesanteurs administratives. Cette situation est restée depuis sans solution…", reconnaît un des responsables d'un campus.

 

"Six au lieu de deux par chambre"

Les étudiants qui s'éternisent dans les résidences justifient leur comportement par le manque de moyens. "Je vis ici depuis plus de cinq ans. Je suis obligé de rester pour m’organiser avant d’aller louer ailleurs. Ici, je ne paye que 7 € environ l’année…", témoigne l'un d'entre eux. Un argument jugé individualiste par certains anciens. "J'ai vécu au campus quand j’étais à l’École normale supérieure. À la fin de ma formation, je suis allée louer en ville", commente Esther. "Les ressources universitaires sont réservées aux inscrits de l’Université. Celui qui a fini ses études doit libérer la chambre quelle que soit sa condition sociale. Il ne peut pas prétexter qu’il n’a pas de parents à Brazzaville pour rester encore quelque temps", insiste le DGASOU.

En attendant que les plus âgés leur cèdent la place, bon nombre de nouveaux bacheliers originaires de l’intérieur du pays sont obligés de sous-louer. "Il faut l'accepter pour avoir une place", regrette un étudiant de la faculté de droit. "Certains se retrouvent à six au lieu de deux par chambre", déplore Fréderic Menga, président du Mouvement des élèves et étudiants du Congo (MEEC). "La gestion des chambres devrait se faire comme celle des bourses. Ce sont ceux qui remplissent les critères qui les méritent", lâche Armel Sidobé, président du collectif des étudiants de l’Université Marien Ngouabi. De son côté, Christian Epouma, vice-président de l’Association des parents d’élèves et étudiants du Congo, l’idéal serait de construire d’autres campus pour répondre à la demande croissante. D’après des estimations du MEEC, plus de 2 000 étudiants habiteraient ces résidences pour une capacité d'accueil de 1 106 lits.

Raison pour laquelle le MEEC, dans une déclaration en avril, recommandait de mettre en place un fichier avec une liste à jour des étudiants résidents, afin de favoriser le renouvellement et l’attribution annuels des chambres, conformément au règlement intérieur des campus.

 

Aiguille de Moussakanda

Mai 2010

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 08:52

(Syfia/CRP) Partant du principe que l'ignorance est la meilleure alliée des comportements à risques en matière de sexualité, des ONG de Pointe-Noire mènent des campagnes spécifiques d’éducation. Des premiers résultats sont enregistrés, mais l’initiative suscite des réticences.

 

"Qui souffre de honte finit par en mourir." Carine, la vingtaine révolue, parle aujourd’hui de sexualité sans la moindre gêne. "Le sexe, dit-elle, constitue une partie essentielle de notre vie." Quatre-vingt-seize autres jeunes adultes non scolarisés, de 20 à 35 ans, qui suivent des cours de remise à niveau au sein de l’Association nationale pour l’éducation prénatale (Anep), une ONG congolaise, partagent cette opinion. "Faire du sexe un mystère renforce notre ignorance, renchérit Davy, avant d'ajouter, je connais à présent le cycle ovarien de ma petite amie. Je sais aussi me prémunir contre les infections sexuellement transmissibles comme le sida, la gonococcie et la syphilis."

Sur le thème Éducation à la vie, le Dr Bassindi, gynécologue, a fait, en février dernier, un exposé dans un style et un langage "branchés" devant ces jeunes. En organisant cette intervention, l’Anep entendait dissiper l’ignorance de certains en matière de sexualité. "Une ignorance qui les expose à plusieurs dangers telles les grossesses indésirables et les pathologies résultant de rapports sexuels non protégés", affirmait en avril dernier, au cours d’une conférence de presse, Pierre Ehouanda, secrétaire à la communication de cette structure.

L'association enjoint depuis février aux trois enseignants du centre de remise à niveau de relayer durant leurs cours, les informations données par le Dr Bassindi. "Bien qu’en raison d'emplois du temps très chargés, nous n’ayons pas encore conçu de programmes d’éducation sexuelle, nous assurons le relais à travers des disciplines classiques comme les Sciences de la vie et de la terre (SVT) qu’on appelait autrefois biologie", explique M. Batola, coordonnateur des instituteurs.

 

Un tabou difficile à briser

Depuis trois ans environ, le Club des jeunes pour l’éducation sexuelle et à la santé (Cjess), une Ong privée, diffuse des émissions sur différentes radios locales et mène des campagnes dans les écoles. "Il s'agit de briser tout le mystère qui entoure la sexualité", selon David Hermann Malanda, président du Cjess, et de donner des information nécessaires (par exemple sur l'utilisation du préservatif, Ndlr) aux enfants et aux parents afin de protéger les générations futures des fléaux sociaux comme la croissance démographique désordonnée."

Une tâche difficile étant donné l’environnement socioculturel… "Quel sacrilège que de parler du clitoris sur les ondes !", s’indigne, par exemple, un gendarme à propos d'une émission interactive sur ce thème passée sur une radio privée. Pour cet officier, il appartient aux parents d’éduquer l’enfant sur sa sexualité. "Le père est l’interlocuteur direct du fils et la mère de la fille. Nous devons respecter notre culture bantoue fondée essentiellement sur la pudeur." Certains vont plus loin. "Qu’un père et un fils discutent de sexe encourage le libertinage !", martèle un menuisier d’une quarantaine d’années, père de huit enfants. "En effet, estime-t-il, il y a des moments, des endroits et des interlocuteurs appropriés pour parler du sexe. Ce sujet ne doit pas être semblable à la politique dont on parle à tout moment. Nos grands-parents ne nous ont pas élevés ainsi."

 

Formateurs formés

Des réserves d'un autre ordre s'élèvent également. "Une information mal donnée ou mal reçue est pire que l’ignorance proprement dite", avertit Prisca Pambou, une enseignante qui, conformément aux programmes du ministère chargé de l’Enseignement, éduque sur la sexualité dans les cours de SVT. Tout en appréciant les actions des Ong, les pouvoirs publics exhortent eux aussi à la prudence. "Doter les jeunes de ces outils de prévention est à encourager. Mais, pour que l’action produise de bons résultats, il faut des personnes (enseignants ou non, Ndlr), formées à ce genre d’éducation", insiste le Dr Jean Pierre Kouendolo, coordonnateur de l’Unité départementale de lutte contre le sida de Pointe-Noire. Ce que reconnaît David Hermann Malanda : "Nous y veillons. Nous ne parlons pas du sexe à un mineur de la même manière qu’à un majeur."

Agnès Koubikani, présidente de l’Anep, recadre la philosophie de l'intervention de sa structure : "Nous ne sommes pas des prédicateurs du libertinage. Nous ne prétendons que résoudre un problème réel."

 

John Ndinga-Ngoma

Mai 2010

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 08:51

(Syfia/CRP) Une cinquantaine d’enfants initiés à la céramique par un des leurs oublient leurs traumatismes et retrouvent de l'ambition pour assumer leur avenir et celui de leurs proches.

 

"J’étais émerveillé d’être pour la première fois en face d'autres gamins et de les former. Ces enfants ont presque la même histoire que moi… Je milite pour qu’ils ne repartent plus dans la rue". Depuis six ans, Japhet Malonga forme à la céramique une cinquantaine d’enfants parmi les quatre cents qu'aide l’association Enfance créatrice de développement (ENCRED). Fort de son expérience d’ancien enfant de la rue, Japhet sait trouver les mots justes. "Vous êtes utiles à la société. Votre place n’est pas dans la rue. Retrouvez votre famille et le chemin de l’école ou trouvez un centre pour apprendre un métier qui fera de vous des hommes sur lesquels le pays pourra compter", leur répète-t-il en substance inlassablement.

Arrivé au centre d’ENCRED à l'âge de neuf ans, Japhet y est resté plus de huit ans. Parrainé par une famille française, il a d’abord appris la plomberie, puis s'est tourné vers la céramique. Aujourd'hui, il fabrique des objets qui évoquent ce qu’il a vécu pendant les guerres. Blaise, un de ces formateurs, est impressionné par le chemin qu'il a parcouru : "Japhet est un témoignage vivant pour nous. Quand nous l'avons découvert, il ne savait ni 'porter ses sandales', ni écrire…"

À présent, il soutient sa famille, grâce à des revenus mensuels d’environ 60 000 Fcfa (90 € environ), légèrement au dessus du Smig. Son père, Jean Julio Malonga, hémiplégique, s’exclame : "Si hier Japhet était négligé, aujourd’hui il apporte beaucoup. Il vient d’offrir à son oncle sa première paire de lunettes et il m’a orienté vers un centre de soins médicaux. Il est devenu un grand responsable pour la famille !" Rosine Baniakina, une de ses tantes, confirme : "C'est un plaisir de voir cet enfant qui était comme perdu revenir sur le bon chemin. Il a su redonner le sourire à tout le monde au sein de la famille."

 

Se façonner un autre avenir

Danielle, 12 ans, élève de Japhet depuis ses six ans, semble marcher sur ses traces : "Grâce à la céramique, j'exprime tout ce qui me passe par la tête." Alain Mesmin, un ex-enfant de la rue, en formation depuis deux ans, apprécie lui aussi la poterie : "Bien qu’elle semble être salissante, c'est un bon métier. Elle nous permettra de devenir autonomes". À la fin de sa formation, Alain compte repartir dans sa région d'origine, dans sa famille et créer son propre atelier.

Pour Bernard Nzaba, secrétaire général d’ENCRED, le modelage de l’argile a plusieurs vertus : "Il aide les enfants à se libérer du souvenir des atrocités qu'ils ont vécues lors des guerres. Beaucoup de parents témoignent qu'après avoir fréquenté notre atelier, ils ne pensent plus à la violence et s’expriment librement. Au début de la formation donnée par Japhet, ils étaient une vingtaine tous les samedis. Leur nombre a grandi au fil des jours".

Gustave Ngolo, céramiste et chef de service à la direction générale de la Culture, des arts et de l’artisanat au ministère, loue l’initiative d'ENCRED, tout en déplorant "le manque, au niveau du ministère, d’une politique pour intéresser les jeunes à la céramique et même des écoles afin de pérenniser cet art". Un art doublement utile qui permet à des enfants victimes de diverses violences de se façonner un autre avenir et de devenir utiles à leurs familles et à leur pays.

 

Marien Nzikou-Massala

Mai 2010

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 08:48

(Syfia/CRP) Les enfants de la rue ne sont pas irrécupérables. Des associations apportent une aide psychologique à ces victimes de violences dans et à l'extérieur de leurs familles pour qu’ils trouvent ou retrouvent un équilibre.

 

"Jesse a passé cinq ans dans la rue. Nous l’avons hébergé au centre. Il a désiré apprendre la mécanique auto dans un atelier. Aujourd’hui, marié, il est chauffeur mécanicien et possède son propre garage où il forme des gens", se félicite Sorel, éducateur à l’Espace Jarrot, une ONG de Brazzaville. Cette dernière utilise l’écoute pour créer avant tout un climat de confiance avec ces enfants déboussolés. Selon Lionel, psychologue à Médecins d’Afrique, une autre association, l’orientation des uns et des autres se fait en fonction de leurs souhaits. Ces premiers échanges les aident à trouver ou retrouver leur équilibre. "Au cours des compositions du 1er et 2e trimestre, je suis sorti premier de ma classe", se réjouit par exemple Michel, élève de CM2.

Pour un enfant de la rue avoir de quoi manger, un toit pour dormir, un endroit où se faire soigner est vital. Mais, pouvoir parler des souffrances et des traumatismes qui l'ont poussé à quitter sa famille est aussi très important. "Après avoir divorcé de ma mère, mon père s’est remarié avec une autre femme. Cette dernière me maltraitait. Et puis, j'avais difficilement à manger... Je n’avais pas d'autre choix que la rue…", explique Prince. Eddy raconte : "J’ai involontairement incendié la maison de mon père en laissant une bougie allumée sur la table. Je suis ensuite parti. Je vivais en demandant de l’argent aux gens." Une fois dans la rue, ces enfants fragilisés sont soumis à toutes sortes d'autres violences, aveuglés pendant un temps par une illusion d'indépendance. "Je n’aime pas aller dans des centres d’hébergement parce que je n'y suis pas libre. Je suis habitué à prendre le chanvre avec mes amis…", confie Aaron, qui a quitté sa famille depuis trois ans.

 

Écoute, jeux, médiation

La première démarche des ONG spécialisées consiste donc à leur faire comprendre leur intérêt à sortir de ce milieu malsain où ils ont échoué. Adrien Missiri, responsable du centre d’hébergement Cœur immaculé, insiste sur l'importance de l'entretien psychologique pour déceler le problème et proposer une réinsertion adaptée à chacun. Julien Makaya, psychologue à l'ONG Serment universel, évoque la force morale insoupçonnée de ces enfants : "Certains trouvent dans leur malheur des ressources pour rebondir. Ils le transforment en défi de réussite sociale."

Après les avoir écoutés, on recourt à différentes méthodes. Lionel se sert des jeux pour identifier certains symptômes et aider les enfants à extérioriser leurs maux. Bertin Nimi, psychologue à l’association Génération sans risque, utilise aussi des jeux (football, poupées, voitures, devinettes…), le théâtre ou  le dessin. Une fois que les enfants ont retrouvé un certain équilibre, il entreprend une médiation pour favoriser le retour en famille. Pour Bertin, ce travail de réinsertion doit se poursuivre sur le long terme.

Fidel Nkéon, psychologue au centre national de prévention et traitement des traumatismes psychiques, une structure spécialisée du ministère des Affaires sociales qui reçoit aussi des enfants de la rue, résume la philosophie commune de toutes ces interventions : "Notre objectif est d’aider les patients à retrouver l’équilibre".

Jean Thibaut Ngoyi

Mai 2010

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 08:53

(Syfia/CRP) Pour plusieurs associations qui, sur le terrain, donnent des fournitures et des bourses aux meilleurs élèves, l'État gagnerait à encourager davantage ses écoliers et étudiants les plus méritants. Comme il le faisait hier, il fournirait ainsi au pays de futurs cadres compétitifs.

 

Pascal Lissouba, premier docteur d’État (en génétique), fait partie de ces intellectuels qui ont fait la fierté du Congo à l'étranger. Comme d'autres, il a été soutenu par les pouvoirs publics. De l’indépendance aux années 90, l’État récompensait en effet les meilleurs élèves par la remise de prix et de bourses d’études, ainsi que le placement en internat.

"Une merveilleuse vie nous attendait à la fac et au campus", se rappelle Kally Djatou. Aujourd’hui professeur de lettres dans un collège, il se souvient des vélomoteurs que se procuraient la plupart des étudiants grâce à leur bourse mensuelle de 30 000 Fcfa (45 €) allouée par l’État. En 1985, Bertin Joël Likibi, instituteur dans une école privée, avait, lui, bénéficié de différentes fournitures après avoir obtenu la meilleure moyenne au collège.

Pierre Mbou, économiste, résume ainsi cette période : "C’était l’époque de l’école agréable. Même le fils d’un pauvre pouvait aller aussi loin que possible dans son parcours scolaire. La preuve en est qu’une bonne partie des intellectuels congolais d’aujourd’hui est constituée de fils de paysans."

 

"Mes illusions se sont effondrées"

La donne a changé. Depuis les années 90, il n’existe plus d'internats. Quant à la bourse versée par l'État, son montant n'a pas changé (30 000 Fcfa), mais les conditions d'obtention se sont durcies. À l’époque, les étudiants de moins de 25 ans en bénéficiaient dès la première année de fac, à présent ils doivent passer en deuxième année et avoir moins de 23 ans. En outre, elle est désormais payée par trimestre et non plus chaque mois. Pas évident de faire face à l'explosion du nombre d'étudiants. À l’université Marien Ngouabi, unique université publique du pays, ils sont désormais environ cinq fois plus qu'en 1971... "Il n’y a pas d’argent", regrette un agent de l’administration scolaire.

Du coup, les pouvoirs publics n’organisent plus d'émulations, "gages pourtant de l’excellence", estime un agent de la Direction départementale de l’Enseignement de Pointe-Noire. Au grand dam de beaucoup d’écoliers. "Quand j’étais enfant, je rêvais d’être aussi performant que mon oncle, aujourd’hui journaliste, quand je l’accompagnais aux proclamations des résultats des examens et quand il me remettait une partie de sa ration alimentaire. Je me disais alors que c’était merveilleux d’étudier. Aujourd'hui, mes illusions se sont effondrées", souligne Grâce Ndinga-Matondo, élève au lycée technique qui souhaite devenir ingénieur en génie civil, mais se montre pessimiste à cause des "onéreuses conditions d’études" et envisage, à défaut, une carrière en politique.

 

Des associations réagissent

Certaines associations congolaises se mobilisent pour redonner espoir aux jeunes les plus prometteurs. En décembre 2009, la Fondation Mesmin Kabath (Fomeka) a ainsi signé des contrats annuels d’excellence avec les 50 meilleurs élèves des collèges et lycées publics de Pointe-Noire et du département du Kouilou. Outre les fournitures scolaires qu’il a reçues le jour de la cérémonie, chaque élève percevra, durant neuf mois, une bourse de 30 000 Fcfa. Il perdra cet avantage si sa moyenne est inférieure à 12. Les fruits de cette initiative, entamée en 2008, sont pour le moment décevants. Des 50 boursiers de 2008, deux seulement ont réussi à sauvegarder leur bourse. "On espérait recevoir au moins la moitié des bénéficiaires de l’année dernière…", déplore-t-on au sein de la Fomeka.

De son côté, l’Association Gaétan Nkodia pour le développement (AGKD), remet, depuis 2007, des kits aux meilleurs élèves des collèges et d'écoles primaires. Mais, comme à la Fomeka, il n’y a pas de réel suivi de ces enfants tout le long de l'année. Un suivi d'autant plus fondamental dans des familles où les parents ne peuvent pas s'en charger eux-mêmes. Autre problème, en amont celui-là, ces deux associations se basent sur des listes d'élèves fournies par les établissements dans lesquels le système d'évaluation est sujet à caution à cause de la corruption, de la complaisance et du favoritisme.

Le rayon d'action des associations est donc réduit. À l'image de l’AGKD, qui limite son soutien au niveau de Tié Tié I (Pointe-Noire), circonscription électorale du député Gaétan Nkodia, son président. Alain Ivouvou, professeur d’anglais dans un collège privé, milite pour une approche plus globale : "Les parlementaires ont une part de responsabilité dans la déchéance du système éducatif congolais. En acceptant par exemple (en 2009, Ndlr) seulement 6 % du budget national soient accordés à l’éducation, ils cautionnent le déclin de l’enseignement". Réplique de Victor Foudi, député : "Nous reconnaissons qu’il y a quelques flottements, mais tout est en train de se régler graduellement".

Les élèves les plus méritants verront-ils bientôt leurs efforts et leur patience récompensés ?

 

 

John Ndinga-Ngoma

 

Avril 2010

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Le partenaire

Syfia international est partenaire du CRP dans la mise en œuvre du projet. Son bureau français, l'association Journalistes Médiateurs (J'M), assiste le CRP dans la gestion financière de l'action et le suivi rédactionnel des journalistes, en particulier dans la production des articles. Syfia regroupe 15 agences de presse dont 12 en Afrique (parmi lesquelles le CRP) et 3 en Europe. Les 100 journalistes de l'équipe travaillent en réseau pour produire et diffuser des informations prioritairement destinées aux médias et aux lecteurs et auditeurs du Sud.

Les medias associés

La vingtaine de journalistes participants sont tous membres de radios ou de journaux de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Sibiti, Djambala et Ewo. Leurs responsables diffusent les émissions et les articles réalisés dans le cadre du projet et participent activement aux formations. La présente action mise en particulier sur les radios rurales pour élargir la diffusion vers l'intérieur du pays.

 

Autorités et OSC associées

24 associations de soutien aux femmes et 24 autorités locales (4 sur chacun des 6 sites de l'action) prennent l'habitude de se réunir régulièrement. Les OSC rurales sont davantage connues des médias et reconnues par les autorités.

Contact

Centre de Ressources pour la Presse – Gaston Elbi Enkari
g.elbienkari(a)gmail.com

 

Syfia international – Bureau français : association Journalistes Médiateurs - 125, rue Raimu - 34 070 Montpellier - Emmanuel de Solère Stintzy
edesolere(a)gmail.com