(Syfia/CRP) À Brazzaville, les filles mères sont généralement rejetées par leurs compagnons et leurs familles. Pour les aider à conquérir leur indépendance, associations et autorités leur donnent des cours d'éducation sexuelle et leur apprennent des petits métiers.
"Lorsque je suis tombée enceinte, l'auteur de ma grossesse m'a rejetée et mon père m'a chassée. Je suis donc allée vivre avec ma tante", se souvient Carmen, 20 ans. Aujourd'hui, elle aide cette dernière dans son commerce, à Brazzaville. "Elle a mal agi, mais ce n'est pas une raison pour la mettre dehors. Je l'ai accueillie parce que, à son âge, elle risquait de faire n'importe quoi dans la rue", explique sa tante qui l'avait inscrite dans un centre de formation en couture. Mais sa nièce n'a pas été au bout de son apprentissage : "Depuis que je suis avec ma tante, je ne manque de rien", justifie-t-elle.
Patricia a, elle, été formée et a reçu l'aide de la Fondation Charles Ebina. "L'association me loue la maison et m'a donné les moyens pour mon commerce. Ça me permet de m'occuper de mes cinq enfants", confie-t-elle. Elle a été abandonnée par son mari et rejetée par sa famille. "Dès qu'il a été recruté dans l'armée, il n'a plus pris soin de nous", regrette-t-elle.
Soucieuses de l'indépendance de ces mamans délaissées, cette Fondation et des ONG comme l'AED (Action des éducatrices pour le développement) leur dispensent des cours d'éducation sexuelle. On explique notamment comment éviter les grossesses non désirées. "Nous organisons des formations sur le VIH/sida et la contraception. Nous donnons également des cours d'alphabétisation pour remonter leur niveau, car, si une fille ne sait pas lire, c'est encore une autre difficulté…", affirme Bernadette Miassouassana, présidente d'AED.
"Mon père apprécie maintenant ce que je fais"
Pour être complète, l'indépendance doit aussi être économique. Cette association a donc formé en 2009 près de 300 filles mères au métier d'auxiliaire de vie (bonne ou femme de ménage). "Nous avons placé près de 60 % d'entre elles", se félicite Bernadette. Celles qui n'ont pas été engagées se recyclent. En contribuant aux besoins de la maison, les filles mères commencent à être regardées autrement dans certains foyers. "Celles que nous avons formées sont considérées par leurs proches", assure-t-elle. Elles se comportent aussi différemment. "Leur mentalité change quand elles ont plus de moyens. Quand elles travaillent, elles ne contractent plus de grossesses non désirées", généralise Christ Ndoba, secrétaire au ministère de la Promotion de la femme.
Depuis le début de 2010, ce ministère organise lui aussi des cours d'éducation sexuelle suivis de formations à différents métiers. Une centaine de filles mères et de prostituées ont été formées depuis le début de l'année. "Beaucoup de celles que nous avons initiées à de petites activités sont devenues autonomes", se félicite Christ. "Nous leur apprenons plusieurs métiers pour diversifier leurs sources de revenus et faire en sorte qu'elles ne soient plus dépendantes des hommes", précise Alphonse Samba, directeur de l'encadrement, de l'animation et de la vulgarisation dans ce même ministère. "À présent, on ne les retrouve plus avec de nouvelles grossesses. L'éducation sexuelle a été bien assimilée", constate-t-il. L'AED observe la même évolution.
"Depuis qu'on m'a donné des informations sur la sexualité, mon regard sur les hommes a changé. Je préfère aider ma tante que de les suivre", conclut Carmen. Fière de sa nouvelle indépendance, elle ajoute : "Mon père apprécie maintenant ce que je fais."
El-Staël Enkari
Décembre 2010