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Présentation

  • : Le blog de Syfia Congo Brazza
  • : Sur ce blog, vous trouverez des articles et des émissions sur la société civile congolaise. Un projet soutenu par l'Union européenne et mené par Syfia international et le Centre de Ressources pour la Presse (CRP).
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Le projet

Soutenu par l'Union européenne, le projet encourage le dialogue entre les autorités locales et les organisations de femmes qui luttent contre la pauvreté et pour un meilleur respect de leurs droits en milieu rural. Les journalistes vont jouer le rôle de médiateurs en favorisant notamment les rencontres débats entre ces trois groupes.

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Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de Syfia international et du CRP ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

Qui sommes-nous ?

Crée en 1994, le Centre de ressources pour la presse (CRP), association à but non lucratif de la presse congolaise, coordonne cette action. Il est le garant de la ligne rédactionnelle en étroite collaboration avec son partenaire, Syfia International. Il sélectionne, forme et suit individuellement les journalistes, organise les ateliers, les débats communautaires et les conférences de rédaction, assure les relations avec les médias locaux et suit la diffusion des émissions et des articles.

7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 09:34

(Syfia/CRP) À Brazzaville, les filles mères sont généralement rejetées par leurs compagnons et leurs familles. Pour les aider à conquérir leur indépendance, associations et autorités leur donnent des cours d'éducation sexuelle et leur apprennent des petits métiers.

 

"Lorsque je suis tombée enceinte, l'auteur de ma grossesse m'a rejetée et mon père m'a chassée. Je suis donc allée vivre avec ma tante", se souvient Carmen, 20 ans. Aujourd'hui, elle aide cette dernière dans son commerce, à Brazzaville. "Elle a mal agi, mais ce n'est pas une raison pour la mettre dehors. Je l'ai accueillie parce que, à son âge, elle risquait de faire n'importe quoi dans la rue", explique sa tante qui l'avait inscrite dans un centre de formation en couture. Mais sa nièce n'a pas été au bout de son apprentissage : "Depuis que je suis avec ma tante, je ne manque de rien", justifie-t-elle.

Patricia a, elle, été formée et a reçu l'aide de la Fondation Charles Ebina. "L'association me loue la maison et m'a donné les moyens pour mon commerce. Ça me permet de m'occuper de mes cinq enfants", confie-t-elle. Elle a été abandonnée par son mari et rejetée par sa famille. "Dès qu'il a été recruté dans l'armée, il n'a plus pris soin de nous", regrette-t-elle.

Soucieuses de l'indépendance de ces mamans délaissées, cette Fondation et des ONG comme l'AED (Action des éducatrices pour le développement) leur dispensent des cours d'éducation sexuelle. On explique notamment comment éviter les grossesses non désirées. "Nous organisons des formations sur le VIH/sida et la contraception. Nous donnons également des cours d'alphabétisation pour remonter leur niveau, car, si une fille ne sait pas lire, c'est encore une autre difficulté…", affirme Bernadette Miassouassana, présidente d'AED.

 

"Mon père apprécie maintenant ce que je fais"

Pour être complète, l'indépendance doit aussi être économique. Cette association a donc formé en 2009 près de 300 filles mères au métier d'auxiliaire de vie (bonne ou femme de ménage). "Nous avons placé près de 60 % d'entre elles", se félicite Bernadette. Celles qui n'ont pas été engagées se recyclent. En contribuant aux besoins de la maison, les filles mères commencent à être regardées autrement dans certains foyers. "Celles que nous avons formées sont considérées par leurs proches", assure-t-elle. Elles se comportent aussi différemment. "Leur mentalité change quand elles ont plus de moyens. Quand elles travaillent, elles ne contractent plus de grossesses non désirées", généralise Christ Ndoba, secrétaire au ministère de la Promotion de la femme.

Depuis le début de 2010, ce ministère organise lui aussi des cours d'éducation sexuelle suivis de formations à différents métiers. Une centaine de filles mères et de prostituées ont été formées depuis le début de l'année. "Beaucoup de celles que nous avons initiées à de petites activités sont devenues autonomes", se félicite Christ. "Nous leur apprenons plusieurs métiers pour diversifier leurs sources de revenus et faire en sorte qu'elles ne soient plus dépendantes des hommes", précise Alphonse Samba, directeur de l'encadrement, de l'animation et de la vulgarisation dans ce même ministère. "À présent, on ne les retrouve plus avec de nouvelles grossesses. L'éducation sexuelle a été bien assimilée", constate-t-il. L'AED observe la même évolution.

"Depuis qu'on m'a donné des informations sur la sexualité, mon regard sur les hommes a changé. Je préfère aider ma tante que de les suivre", conclut Carmen. Fière de sa nouvelle indépendance, elle ajoute : "Mon père apprécie maintenant ce que je fais."

 

El-Staël Enkari

Décembre 2010

 

 

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 09:32

(Syfia/CRP) Grâce aux ONG et aux pouvoirs publics, des séropositives de Pointe-Noire et leurs enfants sont désormais sous antirétroviraux. Moins fragiles physiquement, elles se battent pour la santé et l'éducation de leurs enfants. Une attitude nouvelle.

 

Joviale, Pauline semble en parfaite santé. Aujourd'hui, elle et son dernier fils sont sous antirétroviraux (ARV), suivis par un centre de traitement ambulatoire de Pointe-Noire. Cinq ans plus tôt, cette veuve, mère de quatre enfants, était désespérée. Elle avait découvert sa séropositivité à l'occasion d'une grave maladie. Ni le choc psychologique subi alors, ni les maladies opportunistes n'ont cependant réussi depuis à ébranler son optimisme. "Je me suis dit que je devais vivre pour mon fils, même si les ARV étaient très coûteux et inaccessibles", se souvient Pauline. La gratuité de ces médicaments dans les hôpitaux n'a été décrétée qu'en 2007 par les autorités.

Pauline en est désormais convaincue : "Mon enfant vivra". Sa nouvelle assurance Pauline la doit aussi à Avenir Positif (AP), une ONG congolaise dont elle est membre depuis trois ans. Rose, séropositive, est, elle aussi, un membre optimiste d'AP. "Un enfant avec le VIH n'est pas une charge inutile. L'essentiel pour les parents est d’accepter sa sérologie et la leur pour se mettre ensemble sous traitement", affirme-t-elle, au chevet du bébé d’une de ses voisines, hospitalisée pour une infection urinaire. Cette dernière se réjouit que, grâce au dépistage et au traitement préventif pendant sa grossesse, son fils soit sain. "C'est ma consolation", dit-elle.

 

Retrouver indépendance et espoir

Ces dernières années, la capitale économique vit dans un climat de dédramatisation du sida grâce à la prévention. Des activités comme Kermesse sida vacances, des conférences-débats et des séminaires sont utilisés par différentes ONG spécialisées, sous la supervision de l'Unité départementale de lutte contre le sida (UDLS). "Le sida ne doit plus être une fatalité. Il ne sert à rien d'avoir peur", martèle, au cours de conférences, Régine Goma, présidente de l'Agence régionale d'information et de prévention du sida (ARIPS).

"Lorsqu'ils tombent malades, nous payons la moitié des frais des ordonnances. Nous leur offrons des fournitures scolaires à la rentrée et réinsérons ceux qui sont déscolarisés", rapporte Charlotte Mayenguet, présidente de l'AP qui s'occupe de 400 enfants séropositifs. Depuis 2004 et 2006, le Fonds mondial de lutte contre le sida, avec le concours de l'UDLS, aide certaines ONG à financer des microprojets pour des séropositives démunies. En 2009 et 2010, AP a mis en place des activités qui procurent des revenus à 75 femmes parmi ses 400 membres. Une proportion jugée encore insuffisante par l'ONG concernée. "Nous rêvons de voir ces femmes acquérir une indépendance financière", explique Charlotte Mayenguet. C'est le cas de Pauline, bénéficiaire de ce fonds qui comme les autres a reçu 75 000 Fcfa (environ 115 €), pour se lancer dans la vente de poisson fumé. "Je ne dérange plus ma fille (pour lui demander de l'argent, Ndlr)", se félicite-t-elle.

Cette indépendance est vitale. Mme Mayenguet estime en effet que la précarité est une des causes du décès de quatre enfants entre 6 et 13 ans sur les 400 pris en charge par AP. Des décès vécus comme de douloureux échecs… "Un enfant séropositif a besoin d'une alimentation saine et équilibrée, afin de compenser l’énergie dépensée anormalement du fait du VIH", explique le docteur Hubert Banguissa, spécialiste de la prise en charge médicale de ces enfants. Ce que la majorité des mères d'AP ne peuvent leur offrir. "Elles sont elles-mêmes sous-alimentées, fragiles. Certains enfants prennent les ARV alors qu'ils sont affamés", déplore Charlotte Mayenguet.

 

Silences et rejet

Autre difficulté : le silence qui entoure encore la maladie. Corelli Mavoungou, psychologue, membre d’AP, confirme que les parents craignent toujours d'annoncer sa sérologie à leur enfant, de peur que ce dernier en parle. Difficile aussi pour eux d'évoquer leur sexualité, un sujet tabou dans bon nombre de familles. Du coup, l'enfant, qui se croit en bonne santé, "arrête son traitement ou le prend mal", regrette Mme Mavoungou. "C'est seulement à son 13e anniversaire que nous avons, mon mari et moi, réussi avec l'aide de la psychologue, à informer notre fils qui devenait capricieux dans le suivi de son traitement…", rapporte Rose.

Les résistances sont encore plus fortes entre époux. D’où la difficulté des séances de "counseling" (d'information), "surtout quand vous avez des couples sérodiscordants (dont un des partenaires seulement est porteur du VIH, Ndlr)", précise Emma Tsoulou, présidente de l’association Femmes solidaires, qui informe des femmes séropositives en âge de procréer. Anne, séropositive, a ainsi été répudiée par son mari et chassée avec leurs cinq enfants. Ce dernier la considérait comme "l'unique concernée"… E. confie avoir été éconduite par son fiancé et exclue de sa famille qui ne l'approche plus. "Imaginez… Ma sœur a tenté de se suicider, car je l'avais griffée lors d'une bagarre et elle se disait contaminée !"

Les séropositives et leurs enfants ont relevé la tête, mais leur combat pour la dignité reste une tâche de longue haleine.

Blanche Simona

Novembre 2010

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 09:31

(Syfia/CRP) À Pointe-Noire, les malades mentaux sont marginalisés au sein de leurs familles et dans la société. En l'absence d'hôpital psychiatrique et de réaction des pouvoirs publics, ils errent dans les rues depuis des années. La population s'en inquiète et les rejette.

 

Philippe passe ses nuits sur le perron d'un bâtiment administratif à lire les journaux. Il dit avoir la cinquantaine, un bac en poche et être venu de Kimongo (ville du département du Niari, au sud du Congo Brazzaville) il y a près de vingt ans. Bien qu'il s'exprime correctement, Philippe est considéré comme fou. "Même mes parents m'ont rejeté… Les jeunes et les grandes personnes me provoquent et me frappent", se plaint-il. Le prétendu dément ironise : "Les vrais fous, ce sont eux. Ma chevelure (hirsute, Ndlr), mes habits (des haillons, Ndlr) sont normaux. Je raisonne, je lis... Je ne mérite pas l'appellation de fou." Certains artisans des alentours le confirment. "Le pauvre n'est pas agressif. Il ne provoque personne. Il ne vole pas et il gagne sa vie en ramassant les ordures. Mais, certains lui lancent des pierres", regrette Maurice Ngoma.

Philippe n'est pas le seul à être rejeté de la sorte. Au centre-ville et dans tous les quartiers (Foucks, Tié-Tié, Mbota, Mawata) de Pointe-Noire, les malades mentaux sont exclus de leurs familles et de la société. "Un fou est une personne inutile !", affirmait récemment dans un bus une femme, se disant pourtant intellectuelle. Les causes de cette stigmatisation sont le plus souvent d'ordre culturel. Pour beaucoup, en effet, la maladie mentale aurait des origines mystiques. "La folie, c'est la malédiction par des parents !", lance un enseignant vacataire dans une école primaire.

 

"Le vrai fou, c'est l'homme en cravate"

Si les parents sont souvent montrés du doigt, les malades sont parfois considérés comme responsables de leur propre malheur. "Certains fous paient le tribut de leurs actes. Si vous avez fait du mal aux autres, la nature ne peut vous le pardonner. Une victime peut aller voir un marabout pour vous maudire", explique en substance le pasteur Noël Madoura, qui se dit guérisseur. Il nuance cependant : "Il existe aussi des folies liées à la drogue et à différentes pathologies comme le paludisme cérébral." Un responsable de la police administrative, psychologue de formation, évoque pour sa part parmi différentes causes possibles "des chocs psychologiques comme les horreurs des guerres ou les déceptions sentimentales". "Les parents, très superstitieux, les conduisent alors chez des charlatans, poursuit-il. Mais souvent, le traitement se solde par un échec. C'est ce qui explique la prolifération des fous (dans les rues, Ndlr)."

Paul Labou, psychologue et directeur du Centre spécialisé de rééducation orthophonique et oto-acoustique abonde dans le même sens : "Si les malades mentaux errent dans la ville, c'est parce que personne ne s'occupe d'eux. Aucun asile psychiatrique n'existe. On oublie que ce sont des personnes qui peuvent (dans certains cas, Ndlr) être sorties de cet état. Dès lors, le vrai fou, c'est l'homme en cravate qui abandonne son frère en l'accusant gratuitement d'avoir pactisé avec le diable", explique-t-il, très remonté.

L'asile de l'hôpital Adolphe Sicé est en effet fermé depuis une quinzaine d’années. Les autorités sanitaires départementales ont refusé de se prononcer sur le sujet, mettant en avant l'indisponibilité ou l'absence d'autorisation de leur hiérarchie. "Nous ne comprenons pas pourquoi on a fermé l'asile de Pointe-Noire. Nous avons déjà demandé sa réouverture", déplore un agent de la police administrative. En absence d'un lieu d'accueil et de soins adaptés, les malades ont bien du mal à cohabiter avec le reste de la société. Plusieurs personnes disent ainsi avoir été agressées physiquement voire blessées par certains d'entre eux. Un habitant du 4e arrondissement se plaint de son côté de louer dans une parcelle abritant deux enfants malades : "Ils volent ou détruisent nos objets. Je ne peux rien faire, mais je me soucie de cette famille. Ce serait différent si elle était prise en charge."

 

Les mêmes droits

La Constitution de 2002 stipule pourtant dans son article 30 que les personnes âgées et les handicapés ont droit à "des mesures de protection en rapport avec leurs besoins physiques, moraux ou autres, en vue de leur plein épanouissement", mais les autorités n'ont jamais ne serait-ce que dénombré avec précision les malades mentaux. Bien que le professeur Georges Marius Moyen, ministre de la Santé et de la Population ait promis des avancées significatives, le plan national de développement sanitaire et d'autres programmes ne prennent pas vraiment en compte la santé mentale.

La société civile plaide pour la réhabilitation de l'asile de Pointe-Noire et la formation d'agents spécialisés. "L'État devrait former des personnes qui prendront en charge ces compatriotes. Ces derniers devraient bénéficier des mêmes droits que les personnes dites normales", souligne Georges Nguila, chef d'antenne de l'Observatoire congolais des droits de l'Homme.

 

John Ndinga-Ngoma

Novembre 2010

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 09:29

(Syfia/CRP) À Brazzaville, de nombreux jeunes découvrent ou redécouvrent la pêche, qu'ils considéraient hier encore comme une activité de vieux. Une coopérative leur apprend le métier et met à leur disposition des pirogues et du matériel à moindre coût. Une opportunité pour eux et toute une profession.

 

Les premières pirogues parties la veille accostent une à une. À leur bord, des cuvettes pleines de poissons. Il est neuf heures en ce matin de novembre, au port de Yoro, à Brazzaville. Des femmes accourent, pressées d'acheter et d'aller ravitailler les marchés de la ville. Les pêcheurs présents sont en majorité des jeunes. Grâce à la Coopérative des pêcheurs de Mpila (COPEM), les jeunes reviennent ces derniers temps en force dans cette activité. C'est le cas d'Apollinaire, 27 ans : "Au départ, je louais des pirogues à la COPEM qui m'a ensuite aidé à acheter une pirogue non motorisée. J'ai également bénéficié de son encadrement". Depuis 2009, la Coopérative multiplie des actions de ce genre pour attirer les jeunes dans ses filets...

Elle cherche ainsi à renouveler ses effectifs vieillissants et en forte baisse. La COPEM ne compte en effet plus que 30 membres (entre 45 et 65 ans) contre 81 à sa création en 1992. Elle loue donc à toute personne désireuse d'entrer dans le métier le matériel nécessaire (pirogue, pagaies, filets, etc.) à moindre coût. La stratégie utilisée pour faire venir de nouvelles recrues consiste aussi, explique Donatien Aniniyo, coordonnateur, "à leur faire comprendre l'importance de la pêche sur le plan économique d'une nation, à leur expliquer les avantages et les difficultés du métier".

 

Plus que le salaire minimum

Grâce à l'arrivée d'une cinquantaine de jeunes qui, comme sympathisants, renforcent l'action des membres, la COPEM a retrouvé un second souffle. Et, lors des campagnes collectives de pêche, les prises ont globalement augmenté. Cela devrait se poursuivre puisque, se félicite Donatien Aniniyo, de nombreux jeunes continuent de contacter les anciens pour apprendre le métier. Cette vitalité retrouvée permet à des chômeurs de trouver un emploi et de mieux approvisionner certains marchés en poissons.

Chaque jour, les jeunes pêcheurs louent 20 à 30 pirogues à la COPEM contre 500 à 1 000 Fcfa (0,75 à 1,50 €) par voyage et par embarcation. Les captures individuelles (30 à 40 kg) sont vendues aux commerçantes jusqu'à 5 000 Fcfa pour les plus gros poissons. La recette par pêcheur grimpe parfois jusqu'à 60 000 Fcfa (plus de 90 €) par mois. "Chaque membre de la coopérative reçoit entre 35 000 et 50 000 Fcfa (entre 55 et 75 €) par mois en dehors de ce qu'il gagne individuellement", précise Donatien.

En règle générale, les pêcheurs sont donc mieux lotis que le travailleur congolais moyen dans un pays où le Smig est à 50 000 Fcfa. "Mon métier me permet de louer une maison et de subvenir aux besoins d'une femme et de deux enfants", se réjouit Apollinaire. La coopérative s'autofinance sans trop de problèmes. Une bonne partie de ses revenus sert en effet à financer l'entretien et le renouvellement du parc matériel.

 

Nouvelles vocations

Ce rajeunissement de la main d'œuvre donne de l'espoir aux plus vieux, à l'instar de Daniel Okouya, 60 ans, dont 40  d'activité : "Nous avons là des jeunes qui sont sur nos traces. Deux de mes enfants vont souvent avec moi à la pêche. Je leur transmets ce que je sais." Jean Baptiste, 35 ans, est de ceux qui ont gardé le lien avec leurs origines. Né d'un père pêcheur et d'une mère revendeuse de poisson, ce riverain du fleuve Congo a été très tôt à l'école de ses parents. À force d'imiter certains de leurs gestes, explique-t-il, "voilà que je suis devenu à mon tour pêcheur !"

Nadège, vendeuse de maboké (poisson cuit à l'étouffée), se réjouit en tout cas de "voir les jeunes s'intéresser à la pêche". "C'est une bonne chose, apprécie-t-elle, car plus ils sont nombreux, plus les prix des poissons sur le marché vont baisser." Une bonne nouvelle donc, pour les consommateurs qui devraient pouvoir en acheter davantage.

Félicité Malouata, un chef de service de la Direction départementale de la Pêche et de l'Aquaculture continentale de Brazzaville, juge "encourageante" l'action de la COPEM. Son service organise des séminaires sur les techniques de pêche, la conservation et la traçabilité des produits halieutiques. Félicité Malouata souhaite aller plus loin et recommande de créer une filière pêche à l'Institut de développement rural (IDR) pour mieux la faire connaître aux étudiants : "La jeunesse connaît mal cette activité. Elle pense qu'elle est réservée aux vieux. Si l'État pouvait mettre à la disposition des pêcheurs le matériel qu'il faut, cela intéresserait plus les jeunes."

 

Marien Nzikou-Massala

Novembre 2010

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 09:27

(Syfia/CRP) Depuis des années, des pêcheurs utilisent des engins explosifs, des filets à petites mailles et même du poison pour capturer en masse les poissons du fleuve Congo. Certains commencent toutefois à renoncer à ces mauvaises habitudes depuis qu'une coopérative les informe sur la nouvelle réglementation.

 

"Payer jusqu'à 100 000 Fcfa (plus de 150 €) d'amende ? Non merci, je préfère abandonner mon ancienne façon de pêcher !", assure un pêcheur kinois rencontré au port de Yoro, à Brazzaville, à environ 3 km du Beach. Comme d'autres, il vient de prendre connaissance de la loi du 14 juin 2010 réglementant la pêche continentale au Congo Brazzaville. Cette dernière prévoit que quiconque utilise des filets, du matériel ou des engins non conformes aux normes pour capturer des poissons sera désormais puni d'une amende comprise entre 10 000 et 100 000 Fcfa.

Donatien Aniniyo, coordonnateur de la Coopérative des pêcheurs de Mpila (COPEM) explique que depuis que la loi a été votée et promulguée, son groupement fait des descentes dans tous les campements de pêcheurs de la zone nord (de Brazzaville à l'île Mbamou) pour leur expliquer le contenu de la nouvelle réglementation. La coopérative assure ainsi le relais du ministère de la Pêche pour vulgariser ce texte. "Je me réjouis de cette loi qui va dans le sens de l'intérêt général. Il ne faut pas que les pêcheurs pensent que nous freinons leur activité", précise Donatien.

 

"Difficile de trouver des poissons comme avant"

L'engagement de la COPEM pour une pêche durable ne date pas d'aujourd'hui. "Depuis 1998, nous luttons contre la pratique de pêche avec engins (explosifs, Ndlr) dans le fleuve Congo. Nous avons informé maintes fois le ministère de cette situation", rappelle Donatien Aniniyo. Ce à quoi Félicité Malouata, un chef de service à la Direction départementale de la Pêche et de l'Aquaculture continentale de Brazzaville, répond que si la loi a traîné, c'est à cause de l'instabilité qu'a connue le pays à la suite des différentes crises socio-politiques.

Jusqu'ici, l'absence de réglementation a en tout cas laissé libre cours à toutes sortes de pratiques préjudiciables à la préservation de la ressource et du milieu. Tous les moyens étaient bons pour attraper un maximum de poissons en un minimum de temps : engins explosifs (grenades), filets à petites mailles et même poison… Autre technique fort dommageable pour l'environnement : le Ndouka express, qui consiste à arracher à l'aide d'un filet toutes les herbes dans un rayon donné afin de capturer les poissons, petits et grands, qui y vivent. Elle détruit ainsi leur milieu et favorise l'érosion.

Les conséquences sur la ressource se font déjà sentir. "Il est difficile de trouver des poissons comme avant dans le fleuve. Nous allons parfois jusqu'à Mossaka (400 km environ en amont de Brazzaville, Ndlr)", déplore un pêcheur de Yoro. Rufin Mackita, de la Coordination nationale des ONG de développement et de l'environnement du Congo (CONADEC), tire lui aussi la sonnette d'alarme. Il pointe du doigt les habitudes de certains pêcheurs de RDC et du Congo Brazzaville qui emploient des grenades : "Ces deux pays doivent réagir. Sinon, à force d'appauvrir le fleuve, les générations futures n'auront plus rien à manger."

 

Faire appliquer la loi

Face à ce désastre annoncé, Félicité Malouata déplore le manque actuel de textes d'accompagnement pour appuyer et faire appliquer la loi. Un membre de la COPEM insiste sur la nécessité que les autorités voire les forces de l'ordre, prennent ensuite le relais pour discipliner les éventuels contrevenants. "La marine (de RDC et celle du Congo Brazzaville habilitée à surveiller le fleuve et à infliger des amendes, Ndlr) devrait faire des efforts. Ces deux pays devraient mettre en pratique une même législation", insiste Rufin Mackita.

En attendant, conscients qu'ils se mettent à long terme eux-mêmes en danger en détruisant leur gagne-pain, certains pêcheurs commencent à réagir. Jean-Baptiste, 40 ans d'expérience, explique : "Je souhaite aujourd'hui attirer l'attention des pêcheurs sur certaines pratiques qui détruisent l'écosystème. Je n'ai pas d'autre métier qui me fasse vivre. Seul le fleuve nous permet de survivre !"

Jean Thibaut Ngoyi

Novembre 2010

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 15:29

(Syfia/CRP) Les handicapés sont désormais mieux représentés dans certaines instances décisionnaires de l'administration congolaise. Cette année, certains d'entre eux, regroupés dans un comité de suivi du plan national, participent au recrutement de leurs pairs dans la Fonction publique. Une première avancée, résultat du plaidoyer de la société civile et de sa concertation avec les autorités.

 

Du jamais vu au Congo Brazzaville ! Les personnes handicapées sont désormais étroitement associées aux décisions qui les concernent. Cette petite révolution fait suite à la publication, en avril dernier, d'un décret présidentiel mettant sur pied un comité national chargé de coordonner, suivre et évaluer le plan national pour les handicapés. Cet organe technique a pour mission d'aider le gouvernement dans ses politiques sociales en faveur de ces personnes. Il est présidé par le ministre chargé des Affaires sociales, avec comme vice-présidents des handicapés proposés par leurs pairs. Une belle victoire pour l’Union nationale des handicapés du Congo (UNHACO), l’Union nationale des aveugles et malvoyants du Congo (UNAMAC) et les nombreuses autres associations qui voient ainsi enfin aboutir leurs plaidoyers.

Le projet de texte approuvant le plan d’action national et celui créant un comité de coordination avaient en effet été adoptés par un conseil ministériel dès mai 2009. L'UNHACO et l'UNAMAC ont appelé sans relâche le gouvernement à mettre en oeuvre le Plan d’action de la Décennie africaine des personnes handicapées, adopté par les chefs d’État africains en 2002 à Durban, en Afrique du Sud. Le chef de l'État a finalement paraphé et publié ces textes.

 

Gouvernement et associations parlent le même langage

Concrètement, le plan national permettra aux handicapés de s'occuper des questions qui les concernent, à différents niveaux de l'Administration. Des mesures sont déjà appliquées, notamment lors des recrutements dans la Fonction publique de cette année. Ce sont désormais les handicapés qui montent les dossiers des candidats qui sont dans la même situation qu'eux, les acheminent au bon service et suivent leurs traitements. Hugues Boukele, président de l'UNAMAC, laisse éclater sa joie : "Enfin, le gouvernement et les associations peuvent parler le même langage !"

Avant, "tout se passait au niveau de la Fonction publique sans que nous soyons impliqués directement. Maintenant, nous recevons les dossiers des amis et nous servons de relais avec le ministère", précise Florent Matakala, membre d'une équipe de suivi des dossiers de recrutement de 2010. Ce groupe de six personnes compte des sourds, des aveugles et des infirmes moteurs. L'UNHACO les a mandatés pour acheminer les dossiers des membres, les suivre et veiller au respect du quota prévu par le plan national. Selon celui-ci, à la fin du recrutement, au moins un nouvel embauché sur dix doit être un handicapé.

Analysant l'évolution actuelle, Jean de Dieu Goma, président de l’UNHACO et deuxième vice-président du Comité national de coordination, de suivi et d'évaluation, estime que "les résultats de la première Décennie africaine des personnes handicapées (2000-2009) restent mitigés dans la plupart des pays africains". Mais, pour cet ancien ministre chargé des personnes handicapées en 1995 sous la présidence de Pascal Lissouba, "la deuxième décennie (2010-2019) augure au Congo, à n’en point douter, des lendemains meilleurs".

Selon Georges Biakabakana, directeur de la réadaptation au ministère des Affaires sociales, la mise en place de ce plan n’est pas seulement le résultat des plaidoyers des associations, mais aussi la traduction concrète d'une vision politique basée sur "les principes de la participation et de la responsabilité des personnes handicapées". Avant d'élaborer ce plan, explique-t-il, le gouvernement a d'abord dressé un état des lieux. Les conclusions ont révélé un manque d’organisation et de suivi de ces personnes. L'État a donc d'abord institué un fonds de soutien, avant de créer le Comité national de suivi.

 

Au tour des entreprises privées ?

Georges Biakabakana souhaite à présent que le ministère chargé de la Fonction publique rédige un projet de loi imposant aux entreprises publiques, mais aussi privées d'embaucher au moins 10 % de personnes handicapées. Mais, prévient-il, une loi imposant un quota d'embauche ne peut être efficace que si les associations de handicapés sont crédibles, bien gérées et ne recherchent rien d'autre que le bien-être collectif.

Honoré, père d’un handicapé, espère que grâce aux nouvelles dispositions et aux mesures à l'étude, "la personne handicapée sera traitée à égalité avec le candidat valide lors de son intégration dans la Fonction publique et dans les entreprises privées". Si tel était le cas, conclut-il, "cela soulagerait les parents qui aideraient davantage leurs enfants à réussir leurs études".

 

 

Marien Nzikou-Massala

Octobre 2010

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 15:27

(Syfia/CRP) Malgré des progrès significatifs enregistrés dans plusieurs hôpitaux de Brazzaville, les séropositifs continuent à être discriminés par certains personnels de santé. Autorités et associations organisent des formations et des concertations pour faire changer durablement les mentalités, en attendant l'adoption d'une loi pour mieux protéger ces malades.

 

Il est 16 heures. Depuis 8 heures du matin, une femme séropositive attend de consulter un médecin du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville pour une plaie à la jambe. Une marque de discrimination évidente, selon elle : "Dès que des médecins extérieurs au Centre de traitement ambulatoire (CTA) qui me suit habituellement, voient le cachet du CTA, ils me disent qu'il n'y a plus de place ici pour moi et que ma cause est perdue. Si je n'étais pas soutenue spirituellement, je me suiciderais…" Un autre séropositif dit avoir vécu un rejet  similaire dans ce même hôpital : "J'avais rendez-vous avec un docteur, mais, à ma grande surprise, un de ses collaborateurs m'a dit sans plus d'explications qu'il ne me recevrait pas. Cela  m'a choqué."

Selon Carine, sage femme au CHU, la peur d'être infecté, l'image négative du sida et des séropositifs qu'on a donnée par le passé ainsi que le manque de déontologie professionnelle et de formation d'une partie du personnel, sont autant de raisons qui expliquent de telles attitudes. Pour Sylvie Niombo, présidente de l'ONG Azur Développement (AD), la stigmatisation et les discriminations sapent les efforts de prévention du VIH et doivent être considérées comme des violations des droits humains : "Nous devons les combattre, afin que les séropositifs vivent sans honte, ni sentiment de culpabilité et bénéficient du soutien de leurs proches et de leurs soignants."

 

Plus instruits et plus respectueux

Petit à petit, la détermination de certaines associations commence à porter ses fruits. Simon, assistant au projet VIH/sida à AD, explique : "Nous organisons des ateliers dans des hôpitaux avec le personnel soignant, des séropositifs et des associations. Nous formulons des recommandations pour les uns et les autres : considérer le sida comme toute maladie chronique, bien suivre les prescriptions du médecin, ne pas sombrer dans l'auto stigmatisation, connaître ses droits et devoirs, etc."

Après avoir, dans une étude de 2004, tiré la sonnette d'alarme sur certains comportements graves du personnel soignant (injures, négligence ou refus de soins, annonce brutale de leur séropositivité aux malades et par des personnes non qualifiées, remise des résultats à une tierce personne, etc.), le ministère de la Justice et des droits humains, constate, lui aussi, quelques progrès. Cyrille Louya, directeur de la coopération chargé de l'unité de lutte contre le sida dans ce même ministère, rappelle : "Après notre étude, nous avons mené beaucoup d'activités qui ont apporté au public une connaissance exacte de la pandémie. Il y a également eu une grande évolution au niveau des personnels de santé grâce à nos formations, réunions et ateliers."

La mentalité de certains professionnels de santé commence en effet à changer. Ainsi, lors d'une communication de Blandine Sita, présidente de l'association Femmes plus du Congo, en août dernier, un médecin s'est excusé pour avoir discriminé des séropositifs. Plusieurs médecins suivent désormais avec plus de respect ces patients. Certains font passer le message aux autres personnels de santé. Le Dr Regis, pédiatre et responsable de l'unité de prise en charge des séropositifs à l'hôpital de Makélékélé, rappelle à son équipe de prendre soin des sidéens comme des autres malades.

 

Une loi très attendue

Depuis 2007 et la gratuité des antirétroviraux (ARV) dans les hôpitaux, les séropositifs sont globalement mieux suivis et pris en charge. Les progrès enregistrés sont cependant fragiles. En particulier quand les hôpitaux et les pharmacies manquent d'ARV, en raison de délais d'acheminement trop importants, comme l'explique, sous anonymat, un des responsables de la Congolaise des médicaments génériques (Comeg). Selon cette même source, la Comeg, qui achète et reçoit les ARV de l'étranger puis assure leur distribution dans les pharmacies et hôpitaux du pays, est en rupture de stock depuis environ cinq mois. Pour le Dr Regis, cette situation contribue à discriminer à nouveau les séropositifs, car plus malades et plus facilement repérables, ils sont aussi plus montrés du doigt.  

Les associations cherchent une solution durable et réclament le vote d'une loi qui protège les séropositifs, comme il en existe dans d'autres pays africains. Un projet datant de 2004 se trouve toujours au Secrétariat général du gouvernement. "Il doit partir au Parlement, s'impatiente Mme Sita. Cette loi doit être adoptée et promulguée au Congo." En août dernier, la présidente de Femmes plus du Congo a plaidé devant les femmes parlementaires pour qu'elles apportent leur soutien à l'adoption de ce texte.

 

Jean Thibaut Ngoyi

Octobre 2010

 

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 15:26

(Syfia/CRP) Mal aimés, traités de voleurs ou de brigands, des orphelins de Brazzaville ont retrouvé l'estime d'eux-mêmes et la joie de vivre grâce au théâtre, à la musique ou au dessin. Une fois la représentation et l'exposition finies, certains continuent à se réunir et à s'exprimer grâce aux arts. Une première réussite pour l'ONG organisatrice.

 

Bruit de boîtes de conserve, battements de mains, voix d'enfants chantant à tue-tête… Dès qu'il franchit le portail de l'orphelinat Cœur immaculé à Brazzaville, le visiteur est accueilli par un concert singulier. Sous la véranda, d'autres gamins dansent ou font de courtes représentations théâtrales sous les acclamations et les rires. Hugues, 15 ans, fait office de formateur. Il espère qu'un des artistes qui les ont encadrés, lui et ses copains, sera bientôt au rendez-vous ce mercredi. "Les enfants ont naturellement gardé en tête ce rendez-vous. C'est un moyen pour eux de se distraire", explique un des responsables des lieux. "Ils continuent à s'exercer seuls avec l'appui ponctuel des artistes", raconte Sherif, musicien formateur, qui souhaite pouvoir se rendre disponible le plus souvent possible pour ses anciens élèves.

Pour aider les orphelins à exprimer leurs émotions, une ONG italienne installée au Congo depuis 1993, Comunità Promozione e sviluppo (CPS, Communauté promotion et développement) a initié 20 enfants aux arts de la scène (théâtre, danse, musique, chant) et 14 autres à la sculpture et à la peinture, entre mars et septembre dernier. Ces enfants et adolescents, âgés de cinq à 18 ans, recueillis par les orphelinats Cœur immaculé, La Semence et Yamba Ngai, étaient encadrés par des artistes formateurs sollicités pour la circonstance.

Chacun à leur façon, les orphelins ont pris goût à ces activités artistiques. À Yamba Ngai, même si la responsable a arrêté ces rencontres à cause de la reprise des cours, "les enfants se réunissent brièvement, le temps d'évoquer quelques souvenirs et de gribouiller quelques dessins", rapporte Gastineau Massamba, qui voudrait pouvoir les aider en apportant du matériel de peinture (gouache, pinceaux et toiles). Les orphelins artistes de La Semence continuent eux à se réunir. Quant à ceux de Cœur immaculé, ils ont tellement pris goût au chant et à la narration qu'ils espèrent monter un nouveau spectacle pour Noël.

 

"On se chamaille moins, on s'entraide"

Le pari de CPS est donc en bonne voie d'être gagné. Luca Genovese, volontaire international, résume ainsi l'ambition initiale de son ONG à travers Apprentissart 2010 : "Jeter des graines avec l'espoir qu'en certains enfants naisse une passion qui puisse les aider à exprimer leurs sentiments à travers des créations artistiques." Une belle opportunité, selon le professeur Mbougou Victor du département de psychologie pour qui "l'activité artistique est très importante dans la vie de l'enfant, car elle lui offre la possibilité de s'exprimer, l'aide à organiser sa pensée, rehausse son estime, l'encourage à améliorer ses relations avec les autres".

Il y a quelques semaines, au moment des répétitions, les premiers bienfaits de l'opération étaient déjà visibles. "Je chante, je danse, mais ce que j'aime par-dessus tout c'est dessiner des avions. Plus tard, j'aimerais être pilote", lançait Dieuvi, en exécutant des mouvements de danse. "Je suis content, parce que nous apprenons beaucoup de choses avec mes frères. On se chamaille moins .On s'entraide en expliquant aux autres quand ils ne comprennent pas le texte à répéter", se félicitait alors Damien, 10 ans.

 

"Ils ont extériorisé leurs émotions"

Le spectacle Mbongui bantu (La joie de se retrouver, en lari) qu'ils ont présenté en septembre au Centre culturel français (CCF) de Brazzaville, devant une salle comble, a consacré leurs efforts. Christian Muzika, un artiste comédien qui les a formés, a été bluffé par leur sang-froid : "Sur scène, ils se sont libérés. Ils ont extériorisé leurs émotions. C'était impressionnant !" Le public, essentiellement composé d'enfants accompagnés de leurs parents, a savouré cette représentation ponctuée de conseils ("Tous les enfants ont besoin, d'amour, d'éducation et de considération. Les orphelins ne sont pas différents des autres") et de réflexions ("On nous qualifie de voleurs et de brigands, mais, nous ne sommes pas inciviques").

Presque au même moment, le CCF organisait l'exposition de 14 tableaux et de cinq sculptures réalisées par les orphelins de Yamba Ngai. En voyant certaines toiles de Pulcherie et de Marc, des enfants se sont esclaffés. Le premier tableau représentait un homme avec une grosse tête et de petites jambes, entouré de poissons et d'engins semblables à des avions. Le second était un coeur énorme à l’intérieur duquel se juxtaposaient des couleurs flamboyantes. "Ces tableaux, certes puérils, expriment simplement la vison des enfants. C'est la preuve qu'ils ont quelque chose à dire, malgré les drames qu'ils ont connus", se félicite Gastineau Massamba, l'encadreur, visiblement satisfait de l'expression artistique de ses élèves.

 

 

Annette Kouamba Matondo

Octobre 2010

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 15:24

(Syfia/CRP) Formés par Agricongo à Brazzaville et Pointe-Noire, des éleveurs d'aulacodes gagnent leur vie, satisfont les consommateurs et aident à conserver une espèce menacée. La moitié des stagiaires abandonne toutefois ce métier, faute d'un soutien suffisant.

 

Balai en mains, torse nu et serviette autour du cou, Samuel Bidzouta ne chôme pas. Dès sept heures du matin, il nettoie la cinquantaine d'enclos où vivent ses 21 aulacodes, rongeurs sauvages appelés ici sibissi. Nous sommes à Mounkondo, dans le 4e arrondissement de Brazzaville. "Un documentaire à TV5 sur un éleveur béninois m'a poussé à pratiquer moi aussi cette activité", explique ce retraité de la Société nationale de distribution d'eau, formé en 2004 à Kombé, à 17 km au sud de Brazzaville.

C'est là, sur la route nationale n°1, que se trouve le site d'Agricongo. Après Samuel et quatre autres apprenants de la même année regroupés depuis dans un collectif, Agricongo a continué ses formations. Trois stagiaires se forment actuellement à cet élevage. "J'ai l'ai découvert dans la région de la Cuvette. Je le pratique parce que l'aulacode est une espèce rare, mais comestible", résume Alphonse, un stagiaire.

Ce rongeur est en effet apprécié de certains consommateurs et restaurateurs. "J'aime déguster cette viande douce et appétissante", confie Alain, client d'un restaurant. Il est cependant parfois difficile de trouver le sibissi sur le marché. "Depuis quatre ans, je suis ravitaillée par un collectif d'éleveurs. J'achète la bête 20 000 à 25 000 Fcfa (30 à 38 €)", révèle une restauratrice de Maya-Maya. En vendant au détail ou en gros, les éleveurs gagnent en général plutôt bien leur vie. "J'ai vendu 48 aulacodes en 2008 et réalisé une recette de 842 000 Fcfa (plus de 1 280 €)", précise Samuel. Jean Paul Bakabana, retraité, ingénieur chef des Eaux et forêts, poursuit : "Je gagne en moyenne 700 000 Fcfa (1 070 € environ) par an." Soit, selon les éleveurs, 58 000 à 70 000 Fcfa chaque mois. Plus que le Smig congolais (50 000 Fcfa, 75 €).

 

Éleveurs et aulacodes trop rares

Élever des aulacodes n'est toutefois pas de tout repos. Parmi les difficultés qu'il rencontre au quotidien, Jean Paul note la flambée des prix des aliments et la difficulté de trouver la fausse canne (ou herbe à éléphants), aliment de base des aulacodes, devenue rare près des ruisseaux de Brazzaville depuis que les maraîchers y cultivent des légumes. Ces difficultés sont à l'origine de l'échec de certains stagiaires. Sur les 167 éleveurs que Berthe Loumouamou dit avoir formés à Kombé depuis 2003, seule la moitié continue à pratiquer cette activité au Congo, notamment à Brazzaville et à Pointe-Noire et à Kinshasa en RDC. Les autres ont abandonné, faute de structures aux normes et par manque de moyens. Agricongo n'a en effet pas les fonds nécessaires pour financer l'installation de tous les stagiaires formés.

Le nombre de bêtes élevées a lui triplé, mais reste encore très modeste : 86 au démarrage, 233 aujourd'hui. Jean Ngoko, vétérinaire inspecteur, chef de service des élevages non conventionnels au ministère chargé de l'Élevage, précise que cette activité s'inscrit dans le projet de Développement d'alternatives au braconnage en Afrique Centrale (DABAC). Le Cameroun, le Congo et le Gabon sont les pays concernés par ce programme piloté au Congo par Agricongo qui a deux centres à Kombé et à Tchibambouka (Pointe-Noire).

Toussaint Koulengana, ingénieur agronome, chef de centre Agricongo à Kombé, estime que l'élevage d'aulacodes est une alternative pour sauvegarder ces animaux menacés, absents de la liste des espèces intégralement ou partiellement protégées au Congo. "Si nous avions beaucoup d'éleveurs, cela permettrait de conserver cette espèce", indique-t-il. Jean Ngoko estime qu'Agricongo devrait aider à installer un plus grand nombre de personnes. Il souhaite également que l'État incite les populations riveraines à pratiquer elles aussi cet élevage plutôt que de braconner.

Comme les éleveurs, les aulacodes ont besoin de sang neuf. "Depuis 2003, Agricongo ne compte que des sujets d'origine béninoise. Il devrait faire des captures dans les forêts congolaises, afin de réduire la consanguinité et limiter ses effets (sensibilité accrue aux maladies, mort subite, etc., Ndlr) dans les élevages", explique Hortense Goma, vétérinaire et chercheur au Centre de recherches vétérinaires et zootechniques de Brazzaville.

 

Jean Thibaut Ngoyi

Octobre 2010

 

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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 10:12

(Syfia/CRP) À Dolisie, une vingtaine d'ex-combattants, regroupés dans un collectif, élèvent des porcs et encadrent d'autres jeunes éleveurs. Ils gagnent ainsi honnêtement et correctement leur vie ce qui les détourne des armes et de la violence.

 

"Avant, je parlais du calibre des balles ou des canons. Maintenant, je parle de la race des porcs, de leur nourriture ou des vitamines à leur administrer", observe Roland Boubanga. Ce jeune homme a fait table rase de son ancienne vie de Mamba, nom de code des partisans de Pascal Lissouba lors du conflit de 1997 contre les Cobras de Denis Sassou Nguesso.

Après avoir perdu cette guerre, plus de 1 200 Mambas, assistés d’une trentaine d’officiers des Forces armées congolaises, ont mené une rébellion de 1998 à 2000 contre le pouvoir du président Sassou dans les départements du Niari, de la Bouenza et de la Lékoumou, fiefs de Pascal Lissouba. Ils y ont commis des meurtres et des pillages. Grâce à un financement notamment de la Banque mondiale à l'occasion du Programme national de démobilisation désarmement et réinsertion (PNDDR) dans le département du Niari de 2003 à 2006, ils ont pu commencer une nouvelle vie dans l'agriculture, le petit commerce, l'élevage de caprins ou de porcs, etc.

 

"Nous avons regagné notre honneur !"

Au quartier Balumbu à Dolisie, un collectif regroupe une vingtaine de jeunes ex-combattants et milite pour le développement de l’élevage porcin. Roland et certains de ses amis sont de ceux qui centrent désormais leur vie sur cette activité. "J'ai une famille à nourrir, le suivi de mes bêtes à faire, et, si j'en vends une, j’ai au moins 100 000 Fcfa (plus de 150 €)… À quel moment aurais-je le temps de reprendre les armes ?", interroge-t-il. Dans le même registre, devant ses jeunes apprenants éleveurs attentifs, Georges Moupoussa explique : "Il ne faut pas replonger dans la guerre. Nous nous sommes fait du mal entre frères pour rien. Les vraies causes de la rébellion étaient connues des chefs. Ils défendaient en fait leurs propres intérêts !"

La reconversion de ces ex-combattants fait aussi la fierté de leur entourage. "Les armes font partie de leur passé. Nous leurs parents étions montrés du doigt. Aujourd'hui, les gens ont pratiquement tout oublié. Nous, nous avons regagné notre honneur !", se félicite la grand-mère d’un de ces ex-miliciens.

Avant de se lancer dans l'élevage, les ex-combattants ont suivi durant deux semaines des séminaires de formation sur les notions de base, à l’issue desquels la Banque mondiale a remis à chacun deux bêtes, une pelle, une pioche, un râteau, une brouette et 150 000 Fcfa (près de 230 €) en échange de leurs armes. Adelphine Mitsika, chef de section agro-pastorale au Centre de formation professionnelle Sala Ngolo qui a encadré ses jeunes témoigne : "Certains, plus assidus, étaient très intéressés par l'apprentissage de l'élevage, le cycle de reproduction des porcs, etc.".

 

Des exemples pour d'autres jeunes

Aujourd'hui, certains encadrent d’autres jeunes qui veulent devenir éleveurs. Depuis 2008, chaque année, les ex-combattants de Balumbu en forment environ 30, donnent des conseils sur les différentes races de porcs ou des astuces contre la peste porcine. "Autrefois, l'élevage était plus pratiqué par des vieux pour l'autoconsommation. Désormais, celui des porcs attire à nouveau beaucoup de jeunes. Avec l'arrivée des Chinois, grands consommateurs de la chair de cet animal et le développement de restaurants de ngulu mû mako (plat de viande de porc et banane plantain, Ndlr), chacun rêve d'avoir son parc et de faire plus de chiffre d'affaires", explique Doux Moussavou, président du collectif des ex-combattants éleveurs du quartier Balumbu. Une tendance que confirme Denis Kikhounga, économiste de formation devenu éleveur par manque d’emploi : "L'élevage peut être très rentable. Je ne manque de rien pour prendre en charge ma petite famille. D'ailleurs, un de mes enfants marche sur mes traces".

Victor Bamona, chef de service production animale à la Direction départementale de l’élevage du Niari, pense pour sa part qu’il est bien de donner des bêtes et des crédits aux ex-combattants, mais il insiste sur l'importance de l’assistance technique et des descentes régulières des services d’élevage habilités dans les porcheries de ses jeunes. Faute de quoi, leur activité et leur réinsertion ont, selon lui, de fortes chances d’échouer : "La Banque mondiale et le PNDDR ont utilisé ce système pour collecter les armes. L'objectif n'était pas le développement. Résultat, certains de ces jeunes se retrouvent parfois sans ressources et prêts à retomber dans leurs vielles habitudes…"

Parmi les quelque 150 ex-combattants qui ont opté pour l’élevage de porcs, au moins 50 d'entre eux vivent de cette activité. D'autres, après le passage de la peste porcine qui a emporté leurs bêtes, ont reçu un porc et une truie du collectif de Balumbu qu’ils rembourseront ensuite. Même s'il manque à l'heure actuelle d'encadrement, Doux fait partie de ceux qui s’en sortent bien : "Avec mes 120 porcs, je n'envie personne et on me respecte."

 

Marien Nzikou-Massala

Octobre 2010

 

 

 

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Le partenaire

Syfia international est partenaire du CRP dans la mise en œuvre du projet. Son bureau français, l'association Journalistes Médiateurs (J'M), assiste le CRP dans la gestion financière de l'action et le suivi rédactionnel des journalistes, en particulier dans la production des articles. Syfia regroupe 15 agences de presse dont 12 en Afrique (parmi lesquelles le CRP) et 3 en Europe. Les 100 journalistes de l'équipe travaillent en réseau pour produire et diffuser des informations prioritairement destinées aux médias et aux lecteurs et auditeurs du Sud.

Les medias associés

La vingtaine de journalistes participants sont tous membres de radios ou de journaux de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Sibiti, Djambala et Ewo. Leurs responsables diffusent les émissions et les articles réalisés dans le cadre du projet et participent activement aux formations. La présente action mise en particulier sur les radios rurales pour élargir la diffusion vers l'intérieur du pays.

 

Autorités et OSC associées

24 associations de soutien aux femmes et 24 autorités locales (4 sur chacun des 6 sites de l'action) prennent l'habitude de se réunir régulièrement. Les OSC rurales sont davantage connues des médias et reconnues par les autorités.

Contact

Centre de Ressources pour la Presse – Gaston Elbi Enkari
g.elbienkari(a)gmail.com

 

Syfia international – Bureau français : association Journalistes Médiateurs - 125, rue Raimu - 34 070 Montpellier - Emmanuel de Solère Stintzy
edesolere(a)gmail.com